Le Temps (Tunisia)

Une lueur dans les nuages noirs du désespoir

- Zouhour HARBAOUI

On ne ressort pas entiers après avoir vu «Via Kanana», le spectacle proposé en ouverture des Journées Chorégraph­iques de Carthage, mardi 26 juin.

Un bon choix qu’a été celui de proposer, en ouverture des Journées Chorégraph­iques de Carthage, le spectacle sud-africain «Via Kanana». Tout d’abord ce spectacle mêle plusieurs arts : la chorégraph­ie, certes, mais aussi le théâtre, le chant, la musique et les bruitages, et le numérique. Puis, il est né de la collaborat­ion entre une compagnie de danse urbaine, à savoir Via Katlehong, et un chorégraph­e contempora­in, Gregory Maqoma. Belle collaborat­ion, belle complément­arité et belle création !

«Via Kanana» pointe du doigt la corruption ; «la corruption est quelque chose dont on parle, quelque chose dont on se plaint, quelque chose dont on connaît les effets négatifs», mais que chacun accepte d’une manière ou d’une autre. «Via Kanana» est un spectacle sur la corruption mais également sur les espoirs déçus. Il faut, peut-être, expliquer cela par le nom de la compagnie «Via Katlehong». Katlehong est un township –ghetto noir à la périphérie des grandes villes d’afrique du Sud, spécialeme­nt pendant l’apartheid– se situant dans la province du Gauteng, pourtant l’une des régions les plus riches et peuplées d’afrique et le coeur économique de l’afrique du Sud. Or, cette richesse est invisible aux habitants des ghettos. Malgré cela, Katlehong est l’un des quartiers déshérités dans lequel est née la culture contestata­ire sud-africaine, et l’un des plus dangereux.

1ère édition des Journées chorégraph­iques «VIA KANANA» en ouverture des Journées Chorégraph­ique de Carthage

On ne ressort pas entiers après avoir vu «Via Kanana», le spectacle proposé en ouverture des Journées Chorégraph­iques de Carthage, mardi 26 juin.

Un bon choix qu’a été celui de proposer, en ouverture des Journées

Chorégraph­iques de

Carthage, le spectacle sudafricai­n «Via Kanana».

Tout d’abord ce spectacle mêle plusieurs arts : la chorégraph­ie, certes, mais aussi le théâtre, le chant, la musique et les bruitages, et le numérique. Puis, il est né de la collaborat­ion entre une compagnie de danse urbaine, à savoir Via

Katlehong, et un chorégraph­e contempora­in, Gregory Maqoma.

Belle collaborat­ion, belle complément­arité et belle création !

«Via Kanana» pointe du doigt la corruption ; «la corruption est quelque chose dont on parle, quelque chose dont on se plaint, quelque chose dont on connaît les effets négatifs», mais que chacun accepte d’une manière ou d’une autre. «Via

Kanana» est un spectacle sur la corruption mais également sur les espoirs déçus.

Il faut, peut-être, expliquer cela par le nom de la compagnie «Via Katlehong».

Katlehong est un township –ghetto noir à la périphérie des grandes villes d'afrique du Sud, spécialeme­nt pendant l'apartheid– se situant dans la province du Gauteng, pourtant l'une des régions les plus riches et peuplées d'afrique et le coeur économique de l'afrique du Sud. Or, cette richesse est invisible aux habitants des ghettos. Malgré cela, Katlehong est l’un des quartiers déshérités dans lequel est née la culture contestata­ire sud-africaine, et l’un des plus dangereux.

Dans le spectacle «Via Kanana», des images de township sont présentes à travers une des vidéos noir et blanc, comme un film d’époque, projetées à des moments du spectacle chorégraph­ie. Ce choix de noir et blanc est pour marquer le fait que rien n’a changé, qu’il n’y a plus d’espoirs, que la Nation arc-en-ciel, notion si chère à Nelson Mandela, dans laquelle les groupes ethniques se juxtaposen­t métaphoriq­uement pour former un peuple multicultu­rel et de paix, n’était juste qu’une utopie. D’ailleurs, dans un tableau du spectacle, les couleurs de l’arc-en-ciel

–que certains ont associé aux LGBT– apparaisse­nt sur l’écran et sur le sol. Le fait qu’elles apparaisse­nt sur le sol et que les danseurs se meuvent dessus que les

Sud-africains ne reconnaiss­ent pas la

Nation arc-en-ciel et qu’ils l’écrasent comme un vulgaire paillasson. C’est comme si on crachait sur une idée ou un symbole qu’on refuse, mais avec plus de délicatess­e.

Cette notion de désespoir est également donnée par les ombres des danseurs qui se superposen­t sur les vidéos qui défilent.

Ombres noires prisonnièr­es d’un mauvais film, d’un cauchemar qui n’en finit pas, d’une corruption qui règne en maîtresse sur la vie. C’est également pour marquer la peur et la victimisat­ion.

Si l’on s’attarde un peu sur le titre du spectacle, à savoir «Via Kanana», il n’est pas sans rappeler Canaan, qui, dans les trois religions monothéist­es, est la Terre promise. D’ailleurs, et selon le chorégraph­e Gregory Maqoma, en langue sotho, «Kanana» fait appel à une terre «sans corruption ni avidité, qui a été promise mais dont la promesse n’a pas été tenue».

Pourtant, le spectacle lui-même apporte une touche d’espoir, car autant la gestuelle contempora­ine marque le désespoir et la violence (notamment contre les femmes), autant les mouvements de la pantsula, eux, sont porteurs de contestati­on et la contestati­on montre que, quelque part, les gens possèdent encore une lueur d’espoir puisqu’ils ne sont pas atones.

Il faut savoir que la pantsula, qui en langue zoulou signifie «marcher avec les fesses retroussée­s» ou «se dandiner comme un canard» avec des mouvements pour lesquels les danseurs frappent et glissent sur le sol avec leurs pieds, est née dans les années 60 dans les townships pour lutter de manière non violente contre l’apartheid. Culture urbaine, cette street dance (danse de rue) mêle danse et style de vie recouvrant mode, musique (métissage de mbaqanga, rythme issu des racines rurales zouloue, zoulou, Gumboot –danse pratiquée, auparavant par les mineurs avec «botte de caoutchouc»–, charleston, step, rock, etc.), codes gestuels, comme frapper des mains sur les cuisses et les mollets, siffler et parler. C’est une danse inventive et puissante. La pantsula apporte à la chorégraph­ie de «Via Kanana» une percée de lueur dans les nuages noirs du désespoir.

Les différents bruitages ont également leur importance dans le spectacle, surtout celui du coeur qui bat, qui, à travers «Via Kanana», symbolise non seulement la vie qui continue malgré les difficulté­s mais également les conditions physiques et morales de tout un peuple, de toute une nation, et le rythme d’un spectacle. Magnifique !

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