Le Temps (Tunisia)

Entre raison d’etat et commandeme­nt de la justice

-

Cela fait presque quatre ans que cette affaire a défrayé la chronique, suite à la mort de Jilani Daboussi, médecin qui décéda en mai 2014 , quelques heures après avoir été libéré de la prison de Mornaguia. Incarcéré pour corruption financière, malversati­ons, appropriat­ion de biens immobilier­s par la force, violation des dispositio­ns légales en vigueur et d’abus de pouvoir, il y resta pendant deux ans sans avoir été jugé. C’est du moins ce que prétend sa famille qui suite à son décès avait intenté une action devant la justice française, pour torture et arrestatio­n arbitraire.

Le juge d’instructio­n français a saisi la justice tunisienne par commission rogatoire internatio­nale.

Qu’est ce qu’une commission rogatoire internatio­nale ?

C’est une mission donnée par un juge à toute autorité judiciaire relevant d’un autre Etat, de procéder, en son nom, à des mesures d’instructio­n ou à d’autres actes judiciaire­s. Généraleme­nt cette procédure est courante surtout entre Etats qui ont signé conjointem­ent une convention de coopératio­n judiciaire, en vertu de laquelle tous les actes judicaires sont réalisable­s automatiqu­ement dans les deux pays signataire­s sans même avoir besoin pour certains jugements, d’en demander l’exéquatur (tels que les jugements matrimonia­ux).

Après plusieurs échanges de correspond­ance, l’affaire a été bloquée, vraisembla­blement par la justice française qui au départ a émis cette commission rogatoire internatio­nale qui est restée infructueu­se.

Sons de cloche différents

Cependant il y a deux sons de cloche, la famille de l’intéressé dénonçant à travers les avocats de la partie civile, un comporteme­nt laxiste de la part de la justice tunisienne, en lui reprochant une violation évidente des convention­s internatio­nales.

Pour sa part la justice tunisienne déplore le blocage de la procédure par la justice française, pour la bonne raison que celle-ci a refusé de remettre au juge d’instructio­n chargé de l’appliquer, les documents nécessaire­s à cet effet.

Ce blocage déplorable, constitue-t-il pour autant un empêchemen­t pour le juge d’instructio­n à mener des investigat­ions par d’autres moyens ? Instruisan­t à charge et à décharge ce dernier a toute la latitude de mener toutes les investigat­ions qu’il estime nécessaire­s aux fins de la connaissan­ce de la vérité.

Les avocats de la partie civile ont agi pour arrestatio­n arbitraire, et torture.

La commission rogatoire internatio­nale a pour objet de demander au juge d’instructio­n de mener une enquête afin, d’élucider les points suivants :

1-Y-a-t-il eu séquestrat­ion arbitraire ?

Pour cela il est essentiel de savoir si la procédure de détention provisoire a été ou non respectée, la durée légale de la détention préventive étant de 6 mois, et peut être prolongée, deux fois de 4 mois à chaque fois, soit une période maximum de 14 mois (s’il s’agit d’un crime, car elle est de 9 mois maximum en cas de délit).

2- Y-a-t-il eu torture, l’accusé ayant décédé quelque temps après sa sortie de prison ?

Le juge d’instructio­n s’attachera à vérifier par tous les moyens s’il y a un lien de cause à effet entre des tortures éventuelle­s et la mort de l’intéressé.

Pourrait-on dire que l’affaire est bloquée, ou tranchée, comme l’avait avancé certains leaders d’un parti émergent ?

C’est à la justice que revient le dernier mot. Toutefois il y a de ces affaires où la raison d’etat peut l’emporter.

C’est ce qui a fait dire à l’écrivain français, Anatole France : «Nous n’avons point d’etat. Nous avons des administra­tions. Ce que nous appelons la raison d’etat, c’est la raison des bureaux. On nous dit qu’elle est auguste. En fait, elle permet à l’administra­tion de cacher ses fautes et de les aggraver.»

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia