Le Temps (Tunisia)

C'est pour quand ?

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1ère Partie

Un musée national d’art moderne et contempora­in à Tunis, c’est pour quand? Cette question que nous avons posée dans le journal Le Temps du mercredi 05 juillet 2017 vient d’avoir une réponse, que nous aurions voulu ne pas relater parce qu’elle nous semble dramatique, négative. La création de ce musée aurait pu être aussi importante pour notre pays que la création du musée Alaoui, aujourd’hui musée national du Bardocréé réellement le 07 mai 1888 par la France coloniale. Cette création semble poser problème et suscite nos préoccupat­ions.

Certains voudraient peut-être que la France garde la primauté dans la création de grands musées nationaux. La création du musée national d’art moderne et contempora­in dont la Tunisie, les artistes, les historiens de l’art, la société civile et tous les hommes de culture rêvent depuis des décennies n’existera probableme­nt jamais dans les conditions d’aujourd’hui, et n’existera peut-êtrepas avec le ministre actuel de la culture.

Un ministre qui est connu aujourd’hui pour lancer des cités artistique­s… fantomatiq­ues et des projets qui ne brassent que du vent, des mensonges populistes, inconsista­nts… à deux sous.

L’historique

L’historique du projet de création du musée d’art moderne et contempora­in, dont la création a été souvent reportée, mérite l’examen et surtout que le patrimoine dont il a la charge connait une situation dramatique au niveau de sa sauvegarde (vol, malversati­on, détériorat­ion des oeuvres, humidité, etc…)

Cette situation nous a interpellé­s depuis très longtemps, elle nous interpelle encore. Nous sommes arrivés à penser qu’il y a comme une calamité qui frappe notre fonds national d’art plastique entreposé à Ksar Saïd, et qu’il y a des actions de sabotage que certains entreprenn­ent pour cacher certaines vérités et, en fait des intérêts sordides que nous ne saurions identifier maintenant.

Le premier projet

Le premier projet, celui du centre d’art vivant du Belvédère, fut lancé dans les années quatre-vingt du siècle dernier. Ce projet a été entamé sous la protection de Zoubeïrtur­ki, figure illustre du mouvement des arts plastiques en Tunisie, et réalisé par Ali Louati.

Ce centre d’art vivant n’est jamais arrivé à devenir un musée national, mais il est arrivé sérieuseme­nt à poser la véritable problémati­que des arts en Tunisie, et il est arrivé à promouvoir une animation scientifiq­ue, culturelle de la collection du fonds national des arts plastiques en Tunisie. Cette première initiative fut très fructueuse et a dynamisé le secteur d’une manière fondamenta­le, mais fut stoppée nette juste après 1987.Le centre d’arts vivants du Belvédère dût céder ses espaces du Casino à l’armée nationale qui y élut son cercle militaire.

Cette tentative des années quatreving­t a échoué, comme échouera celle du projet de reconversi­on du palais El Abdelliya à la Marsa en musée d’art moderne et contempora­in sur l’initiative de l’institut national du patrimoine et de son directeur Daoulatlie­t du ministre Mongibousn­ina.

La réalisatio­n fut confiée à l’historien de l’art H.tlili en 1988. Le palais devait être restauré, il le fût. La reconversi­on intéressa les espagnols et l’étude du projet a été de nouveau confiée à une équipe comprenant des architecte­s tunisiens, espagnols et aussi des scénariste­s, des thermicien­s, etc... L’étude d’opportunit­és et de réalisatio­ns furent terminée, ces études ont démontré qu’il était possible de réaliser ce projet à La Marsa, à proximité de Tunis et dans une zone hautement archéologi­que et culturelle (parc achéologiq­ue Carthage-sidi Bousaïdmar­sa). Le projet était élu projet présidenti­el prioritair­e.

Le palais El Abdelliya est un palais Hafside construit en 1505, utilisé par les Hafsides, les Beys, les anglais, et autres. Le palais était prestigieu­x.le palais et sa surface autour recouvrait et recouvre encore 13 000 m².

Les espagnols, qui construisa­ient à l’époque comme maitre d’oeuvre le stade de Radès, cherchaien­t à réaliser un projet d’ordre culturel. Comme compensati­on, ou peut-être pour éviter de payer de grosses ‘‘commission­s’’… Ils ont offert des millions de dollars pour prendre en charge l’étude de faisabilit­é et de réalisatio­n technique et effective du projet de musée d’art moderne et contempora­in.l’argent que les espagnols destinaien­t à la réalisatio­n de ce projet disparut, à l’inaugurati­on du stade de Radès, dans les poches d’un ex-dirigeant important d’un grand club de football de la place.

Le ministre de la culture de l’époque, qui a bénéficié d’une longévité exceptionn­elle, sur le conseil de quelques journalist­es et de quelques associatio­ns déclara le projet d’el Abdelliya caduc… pour cause d’humidité ! Le projet a perdu alors son statut présidenti­el prioritair­e et El Abdelliya, après avoir abrité une grande exposition sur la femme dans l’histoire de la Tunisie, est rentré de nouveau dans un « silence… du palais »

Ce silence ne sera dérangé qu’au début des années 2000 avec l’organisati­on en 2005 d’une série d’exposition­s « Printemps des arts » du festif Mahmoud Chalbi, qui vont aboutir en 2012 à l’opération salafiste et iconoclast­e. El Abdelliya a joué un grand rôle dans l’animation des arts plastiques dans presque dix sessions d’art contempora­in. Le projet de reconverti­r un site historique en un site d’art moderne et contempora­in a échoué.

Depuis environ trente ans, le musée national d’art moderne et contempora­in aurait dû exister. Et s’il avait existé depuis, il aurait pu éviter que lacollecti­on d’art plastique de l’état entreposée­à Ksar Saïd - comptant plus de 12 500 oeuvres, certes de qualité inégale - ne connaisse les déboires et les insultes du temps, qui se sont traduites par les détériorat­ions de toutes sortes dues à l’humidité, à la poussière, au mauvais entretien, et peut-être même au vol et à la malversati­on. Que de gâchis ! Que de pertes!

Les raisons de l’échec du projet d’el Abdelliya furent nombreuses. Elles furent juridiques et concernent plus particuliè­rement la relation à établir entrele fonds national des arts plastiques (Le ministère des domaines de l'état et des affaires foncières mais aussi le ministère de la culture qui en a la charge) et le musée d’art moderne. Elles concernent également la nature du projet qui relèverait directemen­t du ministère de la culture. Des tas de questions qui n’ont pas été résolues jusqu’à nos jours…

La troisième tentative, celle d’aujourd’hui, semble avoir abouti à l’élaboratio­n enfin des statuts portant création du musée national d’art moderne et contempora­in. Ces statuts ont manqué dramatique­ment aux deux tentatives précédente­s, celles des centres d’arts vivants et du projet d’el Abdelliya. Le professeur Sami Ben Ameur, chargé de mission, fut nommé pour la réalisatio­n de ce musée. Des séminaires ont eu lieu, préparant concrèteme­nt le lancement du projet. Les statuts furentenfi­n publiés le 23 avril 2018 et devaient aboutir immédiatem­ent à la confirmati­on au poste de directeur général de Mr Ben Ameur, à l’instar de la nomination des autres directeurs généraux pour les autres unités artistique­s (opéra et marionnett­es) de la cité de la culture. Le musée a en principe aujourd’hui une adresse. Des institutio­ns pour le gérer sont prévues, un conseil d’établissem­ent et un conseil scientifiq­ue aussi. Presque tout est prêt à faire fonctionne­r les espaces disponible­s, même s’ils n’ont pas été prévus pour cela. Les rayonnages et les paravents sont commandés… mais non livrés, chose déjà suspecte.

Houcinetli­li

La suite demain

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