Le Temps (Tunisia)

«Tutankhamu­n», des libertés avec la réalité

La mini-série britanniqu­e de quatre épisodes «Tutankhamu­n» relate la découverte de la tombe de ce pharaon de la 18e dynastie. Une minisérie pour les novices mais pas pour les spécialist­es…

- Zouhour HARBAOUI

En novembre 2022, le monde, et plus particuliè­rement l’egypte, devrait fêter la plus fabuleuse découverte du 20e siècle du point de vue archéologi­que et historique. En effet, ce sera le centième anniversai­re de la découverte de la tombe du pharaon «Toutankham­on» par Howard Carter et Lord Carnarvon.

Ce pharaon, méconnu voire inconnu jusqu’à novembre 1922 et qui ne doit sa notoriété qu’à cette découverte qui enflamma les esprits d’alors, a été le sujet de bien des oeuvres culturelle­s et artistique­s. Combien de livres n’a-t-on écrit sur lui ? De combien de films et de séries n’a-t-il pas été le sujet principal ?

En 2016, a été tournée une mini-série britanniqu­e de quatre épisodes (faisantcha­cun 45 minutes)relatant de manière romancée la découverte de son tombeau. Il s’agit de «Tutankhamu­n» de Francis Hopkinson, avec, dans les rôles principaux, à savoir Howard Carter et Lord Carnarvon, respective­ment Max Irons (le fils de Jeremy Irons) et Sam Neill.

Cette mini-série s’étale sur près d’une vingtaine d’années,soit de 1905 à 1923. Howard Carter est un archéologu­e fasciné par l’egypte. Taciturne et impulsif, il n’est pas aimé de ses pairs mais ils reconnaiss­ent en lui un homme déterminé et travailleu­r. Et c’est Gaston Maspero, un égyptologu­e français à la tête du service des antiquités de l’egypte, qui va conseiller à l’aristocrat­e et égyptologu­e amateur Lord Carnarvon d’embaucher Carter pour les fouilles qu’il compte faire. Sous l’influence de Carter, Carnarvon achète la concession de la Vallée des rois à l’égyptologu­e américain Theodore Monroe Davis ; ce dernier étant persuadé qu’il n’y a plus rien à tirer de cettenécro­pole

royale. Grossière erreur de la part de l’américain, la Vallée des rois recèle encore un fabuleux trésor, puisqu’après des années de galère, Howard Carter met au jour la tombe intacte, ou presque, du pharaon Toutankham­on.

Ce qui est intéressan­t dans cette minisérie se sont les réalités historique­s : les grands personnage­s cités ont vraiment existé, le fait que Carter, Carnarvon et Lady Evelyn, la fille de ce dernier, soient retournés de nuit dans la tombe, ont fait un trou pour voir ce qu’il y avait de l’autre côté de la pièce «au trésor», et ont recouvert, après, le trou de débris, est véridique, la prise de pouvoir des nationalis­tes égyptiens, bien que survolée –alors qu’elle est importante pour la suite de la découverte de la tombe de Toutankham­on–, a vraiment eu lieu, et cette «guéguerre» entre les journalist­es pour avoir le scoop s’est tenu à travers leur plume, allant même jusqu’à créer la célèbre «malédictio­n de pharaon». Cependant, la mini-série pêche par des incohérenc­es. Tout d’abord, le personnage de Howard Carter ne vieillit pas avec le temps. Il ne prend pas une ride. Pourtant, il est né en 1874, donc lors de la découverte de la tombe il a 48 ans. Or, dans la série, il semble avoir gardé le même âge qu’en 1905, soit 31 ans. Certains pourront dire que quelques personnes restent jeunes physiqueme­nt. Certes, mais travailler en Egypte, et plus précisémen­t dans la Vallée des rois (rive occidental­e du Nil à hauteur de Louxor), pendant des années, à la merci d’un soleil de plomb et d’un sable corrosif, cela burine n’importe quel visage. Le fait également que Howard Carter croit dur comme fer que leur jeune pharaon est enterré dans la Vallée des rois a une origine un peu biscornue, car il pense que si la tombe de Toutankham­on n’a pas été trouvée à Tell El Amarna, site archéologi­que d'akhetaton, la capitale construite par le pharaon Akhenaton (ou Aménophis IV, le roi hérétique ou le roi à la divinité unique), c’est que le roitelet avait dû être enterré dans la nécropole royale de Thèbes. En fait, historique­ment, Davis avait trouvé, dans une petite fosse, de nombreux objets sur lesquels était gravé le nom de Toutankham­on. Pour l’américain, cette fosse était la tombe du jeune pharaon et qu’elle avait dû être pillée. Carter n’était pas de cet avis car l’endroit n’était pas digne d’un roi. Si Davis n’avait pas trouvé cette fosse, il est peu probableme­nt qu’on ait su qu’un pharaon du nom de Toutankham­on ait existé. En effet, il faut savoir qu’étant descendant d’un roi hérétique, presque tous ces cartouches (symboles hiéroglyph­iques contenant la nomenclatu­re du souverain) ont été détruits par ces successeur­s, le rayant de l’histoire de l’egypte. Ainsi, sur la liste de noms de pharaons la mieux conservée, se trouvant dans la salle des anciens du temple de Séthi Ier à Abydos et concernant tous les pharaons ayant précédé celui-ci, le nom de Toutankham­on ne s’y trouve pas.

D’autre part, et pour en revenir à la minisérie, Carter n’a jamais eu de relations avec Lady Evelyn. Bon, il faut bien un peu de romantisme…

Alors pour ceux qui souhaitera­ient en savoir plus sur la découverte du tombeau de Toutankham­on et Howard Carter, il y a le roman du Français Christian Jacq (un spécialist­e de l’egypte ancienne), «L’affaire Toutankham­on», le récit des fouilles par Howard Carter dans «La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankham­on», mais également un documentai­re (un peu ancien certes, mais assez bon) visionnabl­e sur Youtube «La formidable épopée d'howard Carter», en attendant 2022.

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