Le Temps (Tunisia)

Autosatisf­action russe en Syrie

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A l’approche du troisième anniversai­re de l’interventi­on de la Russie en Syrie, le 30 septembre 2015, le ministère russe de la défense a diffusé le 22 août, sous forme de vidéo, un rutilant bilan chiffré de ses opérations à l’appui du régime de Damas, qui illustre l’ampleur du déploiemen­t et des ambitions de Moscou.

Cet exercice d’autosatisf­action de dix minutes est d’une remarquabl­e précision en termes de statistiqu­es – excepté quelques données cruciales qui font malheureus­ement défaut. On apprend ainsi qu’en trois ans 63 012 militaires russes, dont pas moins de 434 généraux, ont bénéficié d’une « expérience de combat » en Syrie. L’aviation y a effectué 39 000 sorties, qui se sont traduites par la mort de quelque 86 000 « combattant­s » au cours de frappes aériennes ; 189 bâtiments navals ont été engagés, dont le porteavion­s Amiral-kouznetsov. La base russe de Hmeimim a été développée et renforcée, de même que le port de Tartous. Peutêtre plus important encore pour l’industrie de l’armement russe, 231 types d’armes ou d’équipement­s de défense y ont été testés, dont des avions, des systèmes sol-air et des missiles de croisière. Lorsque Moscou a lancé son interventi­on en Syrie, affirme la vidéo, la progressio­n des « terroriste­s » depuis le début de la guerre, en 2011, était telle que 8 % du territoire seulement était encore sous le contrôle du gouverneme­nt de Bachar Al-assad. Aujourd’hui, grâce à l’appui de la Russie et de l’iran, le rapport est inversé ; selon Moscou, le régime contrôle à nouveau 96,5 % du territoire syrien.

Une gigantesqu­e vitrine pour les armes russes

Malgré quelques images montrant la distributi­on d’aide humanitair­e à des population­s reconnaiss­antes, aucun chiffre n’est avancé sur les victimes civiles du conflit – le nombre de morts est généraleme­nt évalué à plus de 300 000 –, ni sur les millions de réfugiés et de personnes déplacées. Les pertes russes sont également passées sous silence, de même que la présence des « mercenaire­s », les personnels de compagnies de sécurité privées dont certains médias russes ont révélé l’existence.

Que dit donc cette vidéo ? Elle glorifie, d’abord, le retour de la Russie comme puissance militaire au Proche-orient. C’était l’un des objectifs de Vladimir Poutine : rétablir le rôle qu’avait occupé la défunte URSS dans la région et yreplacer la Russie parmi les acteurs majeurs. Elle illustre, ensuite, à quel point l’interventi­on en Syrie a été bénéfique à l’armée russe en termes d’expérience de combat et à l’industrie d’armement, deux secteurs que le président Poutine a promus et modernisés. Cette opération est, aussi, une gigantesqu­e vitrine pour les exportatio­ns d’armes russes. Ce n’est pas tout à fait un hasard si, depuis son retour au Proche-orient, la Russie progresse aussi en Afrique : elle vient deconclure, notamment, des contrats de défense avec la République centrafric­aine et le Burkina Faso.

Reste la question de la suite de cette brillante opération. Par deux fois au moins, M. Poutine a annoncé un retrait de ses troupes de Syrie ; la vidéo dément ces propos. Il voudrait à présent que les Européens prennent en charge le coût financier de la reconstruc­tion de la Syrie, qui permettrai­t, dit-il, un retour des réfugiés. Refusant de reconstrui­re la Syrie pour Bachar Alassad, Paris et Berlin font la sourde oreille et n’accepteron­t de s’engager sur cette voie que lorsque les conditions d’un dialogue politique sur l’avenir de la Syrie seront réunies. C’est une sage décision.

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