Des lois et des hommes
Tout espoir n’est pas perdu aux États-unis, un pays en proie à la pire téléréalité de son histoire en la présidence de Donald Trump.
Cette semaine, le système de pouvoirs et contre-pouvoirs distinctif de la démocratie américaine a produit des résultats flamboyants, alors qu’on le croyait éteint. La justice a le pas lent, mais le bras long. Deux ans après le début de l’enquête du procureur spécial, Robert Mueller, l’exchef de campagne du président, Paul Manafort, a été reconnu coupable de 8 des 18 accusations portées contre lui pour fraude.
L’ex-avocat du président, Michael Cohen, a aussi reconnu sa culpabilité pour fraude et violation des lois électorales dans une autre affaire. Durant la campagne présidentielle, de concert avec M. Trump, Cohen a acheté le silence de deux conquêtes extraconjugales du candidat républicain : l’actrice porno Stephanie Clifford (alias Stormy Daniels) pour 130 000 $US et la modèle de nu Karen Mcdougal pour 150 000 $US.
Sur le plan technique, Donald Trump peut vociférer qu’il est victime d’une « chasse aux sorcières », puisque les gestes posés par Paul Manafort et Michael Cohen n’ont rien à voir avec l’ingérence russe dans l’élection présidentielle de 2016. Il n’en demeure pas moins que MM. Manafort et Cohen pourraient collaborer avec le procureur Mueller dans l’espoir d’adoucir leurs peines d’emprisonnement. Ce faisant, ils pourraient contribuer à l’avancement de l’enquête sur l’ingérence russe, qui a mené jusqu’ici au dépôt d’une centaine d’accusations contre 33 personnes et trois entreprises, sans toutefois atteindre le coeur de l’empire Trump.
Les réactions du président Trump à la suite de la chute de Manafort et de Cohen sont d’une bêtise stupéfiante. Loin de se féliciter que la primauté du droit soit encore respectée aux États-unis, loin de se réjouir que le gouvernement en soit un de lois, et non d’hommes, pour paraphraser l’un des pères de la Constitution, John Adams, le 45e président des Étatsunis s’est porté à la défense du corrompu.
Ainsi donc, Paul Manafort est un « brave homme » pour lequel il éprouve de la compassion, car il n’a pas flanché sous la pression des autorités comme Michael Cohen. Celui-ci n’a d’ailleurs commis que de « petits crimes qui n’en étaient pas vraiment ». Le président va même jusqu’à laisser entendre qu’il faudrait rendre illégales les tactiques des procureurs fédéraux visant à recruter des témoins en leur offrant l’immunité de poursuite, alors qu’il s’agit d’un élément essentiel pour remonter jusqu’aux têtes dirigeantes de réseaux criminels, ou encore, dans le cas à l’étude, jusqu’aux hommes d’un président. Imaginons un seul instant le tollé au Québec si un premier ministre en exercice se désolait de la récente condamnation pour fraude d’un Tony Accurso…