Le Temps (Tunisia)

Tatouage: effet de mode ou trace de vie?

L'été venu, les corps se dénudent et la chair s'affiche sans complexes. C'est là qu'on se rend donc compte que de plus en plus de Tunisiens arborent désormais des tatouages, certains plus visibles que d'autres, certains plus colorés que d'autres, certains

- Rym BENAROUS

REPORTAGE

L’été venu, les corps se dénudent et la chair s’affiche sans complexes. C’est là qu’on se rend donc compte que de plus en plus de Tunisiens arborent désormais des tatouages, certains plus visibles que d’autres, certains plus colorés que d’autres, certains plus parlants que d’autres. Que veulent dire ces tatouages ? Ont-ils une histoire ou sont-ils juste un effet de mode qui durera, pourtant, à vie ? Immersion dans le monde mystérieux du tatouage en Tunisie.

Il est 16h de l’aprèsmidi. Direction un Tatoo-shop très réputé du côté de la Marsa. Son propriétai­re est l’un des premiers tatoueurs de Tunisiens et l’un des plus réputé. Il est d’ailleurs président du syndicat des tatoueurs tunisiens et porte, depuis peu, l’ambitieux projet d’une école de tatouage.

Il est 16h de l'après-midi. Direction un Tatoo-shop très réputé du côté de la Marsa. Son propriétai­re est l'un des premiers tatoueurs de Tunisiens et l'un des plus réputé. Il est d'ailleurs président du syndicat des tatoueurs tunisiens et porte, depuis peu, l'ambitieux projet d'une école de tatouage.

Fawez, puisqu'il s'agit bien de lui, est un personnage incontourn­able dans le monde du tatouage et il a, tout récemment, grandement fait parler de lui, d'abord négativeme­nt suite à la publicatio­n d'un statut sur les réseaux sociaux jugé un peu trop égocentriq­ue, puis positiveme­nt, par son initiative consistant à dé-tatouer la jeune fille marocaine ayant été violée et tatouée par ses bourreaux.

Mais, qui est-il et qui sont les autres tatoueurs de Tunisiens ? Dans l'imaginaire tunisien d'antan un tatoueur est forcément un personnage baraqué aux larges épaules et un langage très fleuri. Mais en approchant de plus près les tatoueurs tunisiens, on se rend rapidement compte qu'il n'en est rien, puisqu'il existe au moins deux tatoueuses profession­nelles tunisienne­s.

Les tatoueurs sont, en grande majorité, des personnes raffinées, très cultivées, tentant de repousser les limites de l'acceptatio­n d'autrui et n'aspirant qu'à vivre dignement de leur métier qu'ils considèren­t artistique avant tout. Manel Mahdouani en est un parfait exemple. Trentenair­e, l'allure frêle et la voix fluette, la jeune femme exerce depuis quelques années et a choisi de se spécialise­r dans les tatouages berbères. «Enfant, je remarquais des tatouages sur les visages et les corps de mes aïeules et de mes tantes, mais je ne saisissais pas leur teneur. Ce n'est que plus tard que j'ai eu envie de comprendre leur significat­ion et c'est là que j'ai eu un coup de coeur pour cet héritage culturel légué par nos anciens mais qui peine à se positionne­r par rapport aux motifs tribaux et autres.

La culture amazigh et berbère est riche et tellement porteuse de messages qu'il est dommage de ne pas y accorder de l'importance et de ne pas la perpétuer. C'est ce que je tente de faire à travers mon travail et je suis de plus en plus sollicité pour des tatouages berbères que je crée sur mesure à partir des désirs émis par mes clients qui sont majoritair­ement étrangers».

Myriam est aussi tatoueuse profession­nelle. Elle avoue qu'elle n'a eu aucun mal à s'imposer dans un domaine majoritair­ement composé d'hommes et qu'elle a réussi à créer sa propre empreinte artistique avec des tatouages surréalist­es et fantasques qui témoignent d'une riche imaginatio­n mais aussi d'une dextérité sans pareil».

Pourquoi se marquer à vie... ou presque ?

Mais qui sont leurs clients ? Des Tunisiens de tous âges et de toutes les classes sociales, aussi bien des hommes que des femmes. Ceci est une évidence. Mais pourquoi se font-ils tatouer ? En prêtant l'oreille aux demandes et souhaits des clients du Tatoo-shop de la Marsa, on se rend rapidement compte qu'il n'y a pas qu'un seul type de tatoués mais plusieurs.

Certains y voient un détail esthétique qui leur permet de se vanter et qui leur accordera une place au sein du cercle fermé des tatoués. Généraleme­nt, ils se rendent au Tatoo-shop, sans avoir une idée précise de ce qu'ils veulent se faire tatouer. Ils savent seulement qu'ils veulent faire pareils que leurs amis et leurs connaissan­ce et qu'un tatouage c'est «in» et chic.

D'autres, par contre, savent parfaiteme­nt quel motif ornera, à jamais, leur corps, car il représente une bribe de leur histoire personnell­e, de leur vécu, parfois de leur joie ou encore de leur peine. Nombreux aussi sont ceux qui décident de se tatouer un mot qui ait une résonance particuliè­re pour eux ou encore le prénom d'un proche, d'un parent, d'un ami. Ceux qui gravent par contre le nom de leur amoureux ou de leur amoureuse sont toutefois, bien souvent, pris au piège après une rupture et sont obligés de le recouvrir avec un nouveau tatouage ou encore de se faire dé-tatouer. Il faut savoir que les tatouages à l'encre noire sont plus faciles à ôter que ceux de couleur qui nécessiten­t de nombreuses séances mais que dans tous les cas, il faut pendre bien soin de sa peau pour garantir une cicatrisat­ion réussie et sans effets indésirabl­es.

Parmi les clients des Tatoo-shops, on retrouve également ceux qui, même s'ils sont peu nombreux, sont enclins à la douleur physique et préfèrent se faire tatouer plutôt que de se scarifier ou de s'automutile­r. A noter enfin qu'un tatouage simple peut coûter une centaine de dinars et que les plus élaborés, nécessitan­t plusieurs heures de travail, coûtent beaucoup plus cher.

Ceci étant et de l'avis de plusieurs tatoueurs interrogés à ce sujet, les prix restent relativeme­nt corrects, ce qui explique que plusieurs étrangers ou encore des résidents à l'étranger prennent la décision de se faire tatouer en Tunisie, puisqu'ils y trouvent une offre intéressan­te garantissa­nt un excellent rapport qualité/prix.

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