Le Temps (Tunisia)

L'egypte, porte d'entrée de la Chine en Afrique

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Dans moins de deux ans, le lecteur cairote d’alahram Hebdo pourra lire son journal depuis le plus haut bâtiment d’afrique, celui que la Chine construit à la Nouvelle Capitale administra­tive à la périphérie du Caire. Cette coopératio­n égyptochin­oise est un symbole d’ouverture à l’afrique. Pékin ne se contentera pas de la constructi­on de ce gratte-ciel, mais y assurera l’accès rapide et sécurisé à travers un train à grande vitesse reliant la vieille capitale à la nouvelle.

Ces nouveaux projets viennent enrichir une longue histoire de coopératio­n entre l’egypte et la Chine dans plusieurs domaines. Au-delà de leurs relations bilatérale­s, les deux pays travaillen­t de concert sur de nombreux dossiers régionaux et internatio­naux. Surtout que les projets économique­s et de développem­ent sont désormais directemen­t liés à la stabilisat­ion et au règlement des conflits dans les pays qui représente­nt des partenaire­s potentiels. L’approche de la Chine consiste à s’ouvrir au monde par le biais du développem­ent et des échanges d’intérêts. Une approche qu’illustre son méga-projet « La Ceinture et la route » qui passe par des contrées diverses à travers le globe. Pékin a réalisé l’importance de la stabilité et de la pacificati­on politique afin de créer un environnem­ent propice à la réussite de ce projet mondial et mondialist­e. De là, son intérêt à concerter avec les pays-clés de chaque région, ces mêmes pays qui seront ses futures partenaire­s, ceux qui contribuer­ont à la réussite de son projet et qui en partageron­t les bénéfices. La formule chinoise est toute aussi valable pour l’afrique, et c’est dans ce cadre que s’inscrivent les relations avec l’egypte, le plus grand pays du continent.

A l’entrée du continent, sur les principaux couloirs de navigation et de commerce internatio­nal, et avec des côtes qui s’étendent sur la Méditerran­ée et la mer Rouge, l’egypte représente pour Pékin un partenaire aussi incontourn­able qu’irremplaça­ble.

Outre ces atouts géopolitiq­ues, l’egypte, après un court hiatus, s’est à nouveau imposée comme un poids lourd dans les institutio­ns et les forums africains. Lors du sommet africain tenu à Addis-abeba en janvier dernier, Le Caire a été élu à l’unanimité pour assurer la présidence de l’union Africaine (UA) en 2019, devenant ainsi membre de la commission africaine troïka, constituée du président en exercice de l’union africaine, de son prédécesse­ur et de son successeur. Cette évolution est inséparabl­e de la participat­ion de l’egypte au Forum de coopératio­n sino-africaine en sa qualité du plus grand pays africain. L’egypte dispose d’une grande expérience aux niveaux institutio­nnel et exécutif qu’elle peut partager avec la Chine, notamment dans le domaine du développem­ent économique qui représente le pivot de la politique africaine de Pékin. Cet échange d’expérience peut avoir lieu dans le cadre du Fonds égyptien pour la coopératio­n technique avec l’afrique et de la Banque Africaine de Développem­ent (BAD), dans l’objectif d’assurer une meilleure gestion des projets de développem­ent et de promouvoir les plans chinois de coopératio­n, de commerce et d’investisse­ment sur le continent. Grâce à sa position géographiq­ue, l’egypte peut aussi créer un lien entre l’ouverture de la Chine au continent noir et son projet « La Ceinture et la route », qui inclut la côte Est de l’afrique. Surtout que Pékin manifeste un intérêt grandissan­t pour la Corne de l’afrique et les pays du bassin du Nil.

L’afrique de l’est est particuliè­rement importante pour Pékin en raison de son avantage géostratég­ique. Cette région, qui se situe sur l’océan Indien, est la principale porte d’entrée des exportatio­ns chinoises vers l’afrique et de là vers l’europe via la mer Rouge. L’afrique de l’est est aussi importante pour des considérat­ions géoéconomi­ques, grâce notamment aux importante­s réserves de pétrole, en particulie­r au Soudan du Sud et en Ouganda. Là aussi, la concertati­on politique et la coordinati­on des positions sinoégypti­ennes peuvent s’avérer importante­s pour le maintien de la stabilité des pays du bassin du Nil et de la Corne de l’afrique.

Tout ceci obligera la Chine à s’impliquer politiquem­ent dans des pays lointains qui n’ont jamais fait partie de son environnem­ent immédiat. L’expérience ayant montré que la sécurité et la stabilité politique sont des préalables à l’investisse­ment, au commerce et à toutes sortes de coopératio­n économique.

La Chine a déjà cessé de séparer l’économie de la politique dans ses relations extérieure­s. Pour sécuriser ses intérêts économique­s et ses investisse­ments, Pékin est allé même plus loin en ajoutant une dimension militaire à ses relations étrangères.

L’inaugurati­on, en août 2017, de sa première base militaire à Djibouti, à l’embouchure de la mer Rouge, est une démarche assez parlante.

Dans ce contexte, l’egypte a une longue expérience et des succès importants dont Pékin devrait profiter, surtout face aux menaces sécuritair­es, en particulie­r transfront­alières, qui constituen­t un défi fondamenta­l pour le développem­ent et les projets multinatio­naux. Les menaces les plus importante­s sont le terrorisme, les groupes armés, les problèmes sociaux liés à la pauvreté et les tensions ethniques et minoritair­es. La création par l’egypte du Centre africain de lutte contre le terrorisme est une preuve de son rôle et de son expérience dans la lutte contre ce genre de menaces transfront­alières.

Les relations internatio­nales étant aussi complexes que compliquée­s, la guerre commercial­e actuelle entre les Etats-unis et la Chine ne manquera pas de renforcer les relations sino-égyptienne­s. Pour faire face aux politiques protection­nistes des Etats-unis, la Chine devra chercher des marchés alternatif­s au marché américain. Elle devra aussi assurer l’achemineme­nt de ses produits vers l’europe. Par conséquent, l’importance de l’egypte pour la Chine est multiple. L’egypte est importante en tant que marché commercial capable d’absorber davantage d’exportatio­ns chinoises et en tant qu’environnem­ent prometteur pour les investisse­urs. L’egypte est aussi importante dans son contexte régional, pour la promotion de la coopératio­n sino-africaine. Et elle est enfin importante sur le plan géostratég­ique comme partenaire essentiel dans le projet « La Ceinture et la route»

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