Le Temps (Tunisia)

Jamal Khashoggi…

- Samia HARRAR

Il aura payé le prix fort. D’avoir osé critiquer le régime politique de son pays. La monarchie pétrolière où le respect des droits humains, de toute façon, n’est même pas une fable, qui peine à voir le jour, ni même une lointaine espérance, dans une contrée où il est tout a fait anodin, même aujourd’hui, de lapider, ou de décapiter, sous des prétextes divers, des êtres humains, qui auraient eu pour seul tort, d’être nés sur une terre où tous les extrêmes, dans la barbarie, sont permis, le journalist­e Saoudien, qui s’était exilé il y a un an, aux Etats-unis, vient, vraisembla­blement d’être assassinée, de la manière la plus cruelle qu’il soit, dans un consulat de son pays en Turquie. Une enquête ou une fouille approfondi­e des lieux, menée par des spécialist­es, ne changera sûrement rien à la donne : une équipe de «nettoyeurs» saoudiens s’étant sûrement déjà, accaparé l’endroit, pour, une fois le crime commis, effacer toute trace du passage des tueurs, avant de repartir le jour même dans leur pays.

Que Trump menace, ou que certains pays européens s’en mêlent, à l’instar de l’allemagne ou de la France, ne pèsera, au final, pas plus lourd, dans la balance, face à ces fameux conflits d’intérêts, qui n’auront pas contribué pour peu, à museler la bouche des «décideurs» occidentau­x, lesquels sont confortés dans leur silence, par la conviction que la «raison d’etat» doit toujours l’emporter. Y compris en continuant à mener des affaires avec des dictateurs patentés et des rois sanguinair­es, sans en être offusqués pour autant. Ou parfois du bout des lèvres, juste pour la forme, avant de classer le dossier. Secret défense ?

Jamal Khashoggi avait eu le courage de critiquer la posture hypocrite d’un jeune roi, le fameux MBS, qui se donnait pour être un réformateu­r, qui allait changer les choses en profondeur dans son royaume, en ouvrant son pays à la modernité, et en partant à la chasse des corrompus dans son pays (sic !), fussentils princes et de lignée Chérifienn­e, pour instaurer un autre modèle de société, supposé bannir les inégalités, et refaçonner les mentalités sclérosées, pour qu’enfin un vent nouveau souffle sur cette partie du monde, laquelle est en train de commettre, ne serait-ce qu’au Yémen, ce qu’un pays peut infliger de pire à son voisin, juste pour lui tordre le bras, sans se soucier plus que cela de la souffrance de tout un peuple : femmes et enfants d’abord, qui assistent, impuissant­s, à la destructio­n de ce qui fut leur pays, face au silence assourdiss­ant de la communauté internatio­nale. Laquelle s’offusque pour la forme, et condamne sans insister. A moins que tout ce beau monde, pour des intérêts qui seraient, cette fois-ci aux antipodes, n’ait pris la décision de changer son fusil d’épaule. Ce qui n’est pas impossible mais demeure improbable. La page « Jamal Khashoggi » risque fort d’être très vite tournée. Comme tant d’autres avant elle. Hélas…

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