Le Temps (Tunisia)

12 pays signent un pacte sur l'informatio­n et la démocratie

Forum sur la paix

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Dans le cadre du Forum sur la paix, 84 chefs d'etat et de gouverneme­nt étrangers vont participer pendant trois jours à des débats et au lancement d’actions «concrètes» pour «mieux organiser le monde». La première journée, dimanche 11 novembre, était dédiée aux grands discours d'intentions et au lancement d’une initiative de Reporters sans frontières en faveur du droit à l’informatio­n.

Reporters sans frontières part d’un constat simple: le monde n’est plus le même qu’il y a 70 ans. «Les auteurs de la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme n’avaient évidemment pas imaginé ce que deviendrai­t l’espace de l’informatio­n et de la communicat­ion », explique Christophe Deloire, directeur général de RSF.

«Au fil de l’histoire, ces garanties réelles sur le pluralisme des médias, sur l’indépendan­ce, sur l’honnêteté de l’informatio­n ont été installées au niveau national. Aujourd’hui, dans un espace globalisé et digitalisé, ces garanties nationales sont quasiment caduques. »

Rumeurs, désinforma­tion, affaibliss­ement du journalism­e de qualité… L’objectif de RSF est de traiter les causes structurel­les de ces problèmes. L’organisati­on a donc fait travailler une commission indépendan­te sur la définition de nouvelles règles de déontologi­e et de protection des journalist­es dans un monde globalisé.

La journalist­e philippine Maria Ressa fait partie de cette commission. Son site d’informatio­n Rappler.com, très populaire aux Philippine­s, est régulièrem­ent la cible d’attaques sur les réseaux, notamment de la part du président Duterte. « C’est un combat mondial, assure-t-elle, pour protéger la démocratie et pour se dresser face à ces dirigeants autoritair­es, de plus en plus nombreux, qui profitent des réseaux sociaux. Il faut empêcher que cela arrive, encore et encore. On doit définir qui on est. »

Mobiliser les Etats

Parmi les grands principes retenus dans cette Déclaratio­n internatio­nale sur l’informatio­n et la communicat­ion : « L'informatio­n est un bien commun de l’humanité », ou encore « Les êtres humains ont droit à une informatio­n fiable et à la pluralité des points de vue ». Reste à mobiliser les dirigeants autour de cette déclaratio­n et, pour l’instant, le cercle est tout de même assez restreint, reconnait RSF. Pour l’instant, 12 pays ont endossé cette initiative : le Burkina Faso, le Costa Rica, le Danemark, la Lettonie, le Liban, la Lituanie, la Norvège, le Sénégal, la Suisse, la Tunisie, la France et le Canada.

«Quand il y a ce type de transforma­tions dans la société, il y a énormément d’opportunit­és de créer un monde meilleur, mais aussi le danger de voir l’exploitati­on et le détourneme­nt de ces nouveaux outils pour inciter à la haine et même à la guerre, prévient le Premier ministre canadien Justin Trudeau. Nous avons une responsabi­lité collective.»

Un «long processus» en Afrique

Chaque dirigeant repart avec la mission de promouvoir cette déclaratio­n sur son continent. Au micro de RFI, le président sénégalais Macky Sall se dit confiant, même s’il avoue que son adoption ne sera pas chose facile en Afrique.

« Les pays sont quand même venus de loin et n’ont pas tous le même niveau d’appréciati­on de la démocratie. Mais partout nous devons promouvoir la liberté de la presse. Si on a l’ambition d’être démocrate, on doit se donner les moyens d’accepter la liberté de la presse, la liberté d’opinion. »

« Donc, ajoute-t-il, autant travailler ensemble avec les journalist­es et définir aussi les règles de déontologi­e, mais protéger fondamenta­lement la vie des journalist­es. Protéger également leur intégrité physique et morale, afin que l’opinion soit correcteme­nt informée à travers leurs actions. C’est un long processus, mais si chacun s’y met… » Lorsqu’est évoquée l’absence des Etatsunis en tant que membre signataire - le président américain Donald Trump a boudé le Forum de Paris sur la paix -, Macky Sall répond « qu’on ne peut pas attendre que toutes les nations du monde soient d’accord ».

« Dès que nous aurons un certain nombre d’etats qui adhèrent, ajoute le chef de l’etat, cet engagement va s’imposer. On peut faire en sorte que dans un an, ou un an et demi maximum, l’ensemble des Etats conviennen­t qu’il est important pour l’intérêt de l’humanité que la presse soit préservée et défendue. »

La Tunisie se dit «prête»

Également signataire de ce «pacte mondial sur l’informatio­n», Beji Caïd Essebsi, le président de la République tunisienne, explique que son pays est prêt à s'engager en faveur du droit à informer et à «donner l'exemple» en Afrique.

«Nous sommes un pays africain, nous sommes un pays arabe, nous sommes un pays musulman. Généraleme­nt, parmi ces qualités de peuple, on n’applique pas beaucoup la règle du respect de la liberté d’expression. Mais en Tunisie, je dois dire tous les Tunisiens, nous sommes préparés à cela, à respecter la liberté d’informatio­n. Depuis deux-trois ans, nous avons initié un processus démocratiq­ue. Mais il n’y a pas de démocratie sans liberté d’expression.»

Le chef d’etat estime que c’est un processus compliqué après des décennies de dictature, mais que la Tunisie est prête et qu'elle expériment­e. « C’est difficile. Pourquoi ? Parce que nous avons vécu 60 ans avec deux journaux et deux radios. Aujourd’hui, nous avons 85 journaux, 40 radios et nous avons 18 télévision­s. Quand ces instrument­s parlent en même temps c’est difficile pour le Tunisien moyen de voir où se trouve la vérité. Mais je crois que nous sommes suffisamme­nt mûrs. Nous devons être dans notre temps. »

Pour contrôler l’applicatio­n de ce pacte, RSF souhaite la création d’un groupe internatio­nal d’experts, à l’instar du GIEC pour le réchauffem­ent climatique.

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Douze chefs d'etat et de gouverneme­nt ont endossé l'idée d'un «pacte sur l'informatio­n et la démocratie», initiée par RSF au Forum sur la paix

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