Comment se porte le théâtre tunisien?
A la veille des JTC 2018
Quelle est aujourd’hui la situation du quatrième art en Tunisie? Quelles sont les lignes de force et les points de rupture? Regards sur un secteur où la profusion actuelle s’accompagne d’une désaffection grandissante du public.
Les grands festivals d’été répugnent désormais à programmer du théâtre. Cette expression artistique ne ferait plus recette et mènerait tout droit à des gradins tristement vides. A moins bien sûr de programmer les rois de l’estrade qui, à force de tirer sur la ficelle du One-man-show ont fini par dénaturer le rapport du public avec le théâtre.
Pourtant, il existe une véritable profusion dans ce domaine et la confidentialité de certains metteurs en scène ne signifie pas un manque de qualité mais une désaffection grandissante du public. Dans les années 1970, nous avions assisté à deux phénomènes qui avaient porté le théâtre vers les cimes. En premier lieu, l’usage de la langue tunisienne et ses différents patois a interpellé le public alors gavé de théâtre classique par la Troupe de la Ville de Tunis et des lectures métaphoriques du patrimoine alors menées par Moncef Souissi et Ezzeddine Madani.
Le public avait soif d’autre chose et ce sont les Nouveau Théâtre, Lamine Nahdi et autres Abdelkader Mokdad qui la lui donneront. Un théâtre populaire, ouvert et moderne était en train de voir le jour et des pièces comme «Al Karrita» ou «Al Ors» battaient tous les records d’audience. Cette embellie a mené à un second phénomène: celui de l’émergence de nombreuses compagnies de théâtre qui avaient adopté un statut privé.
Quelle est aujourd’hui la situation du quatrième art en Tunisie? Quelles sont les lignes de force et les points de rupture? Regards sur un secteur où
Les grands festivals d’été répugnent désormais à programmer du théâtre. Cette expression artistique ne ferait plus recette et mènerait tout droit à des gradins tristement vides. A moins bien sûr de programmer les rois de l’estrade qui, à force de tirer sur la ficelle du one-man-show ont fini par dénaturer le rapport du public avec le théâtre.
L’héritage des années 1970 Pourtant, il existe une véritable profusion dans ce domaine et la confidentialité de certains metteurs en scène ne signifie pas un manque de qualité mais une désaffection grandissante du public. Dans les années 1970, nous avions assisté à deux phénomènes qui avaient porté le théâtre vers les cimes. En premier lieu, l’usage de la langue tunisienne et ses différents patois a interpellé le public alors gavé de théâtre classique par la Troupe de la Ville de Tunis et des lectures métaphoriques du patrimoine alors menées par Moncef Souissi et Ezzeddine Madani.
Le public avait soif d’autre chose et ce sont les Nouveau Théâtre, Lamine Nahdi et autres Abdelkader Mokdad qui la lui donneront. Un théâtre populaire, ouvert et moderne était en train de voir le jour et des pièces comme «Al Karrita» ou «Al Ors» battaient tous les records d’audience. Cette embellie a mené à un second phénomène: celui de l’émergence de nombreuses compagnies de théâtre qui avaient adopté un statut privé. Initiée par le Nouveau Théâtre qui rassemblait plusieurs ténors, cette démarche allait s’élargir et générer des troupes comme Phou, Daydahana, le Théâtre organique ou le Théâtre triangulaire. Toute une génération se dotait alors d’espaces de liberté et tournait le dos aux structures vieillissantes des théâtres régionaux qui, il faut le souligner, avaient mené à bien leur mission.
Une trop grande dépendance des subventions publiques Notre paysage théâtral aujourd’hui est en corrélation avec la productivité institutionnelle de cette époque précise qui verra aussi la naissance du Théâtre national tunisien et dans cette foulée, celle des Centres d’art dramatique disséminés dans les régions, du nord au sud de la Tunisie. Fait remarquable, à de rares exceptions, ceux qui avaient porté les premiers pas du théâtre privé se retrouveront dans le secteur public. A titre d’exemple, Fadhel Jaibi, l’un des plus importants aiguillons du changement dans ce domaine, est aujourd’hui à la tête du Théâtre national. D’autres feront le
la profusion public actuelle s’accompagne d’une
choix de s’installer dans un théâtre et récupéreront en général les salles de cinéma qui se trouvaient dans la capitale. Si Taoufik Jebali a créé El Teatro ex nihilo, Ezzeddine Gannoun reprendra El Hamra alors que le mouvement englobait la médina de Tunis grâce à Noureddine Ouerghi ou Abdelghani Ben Tara.
Ainsi du Rio au Mondial en passant par de nombreux petits théâtres, il existe aujourd’hui de nombreux espaces qui, en banlieue, sont complétés par Madart que lançait Raja Ben Ammar avec Moncef Sayem. Ces théâtres font en général le plein et accueillent divers artistes comme par exemple Leila Toubel et plusieurs représentants de la nouvelle vague. Toutefois, la profusion de troupes créées ne parvient toujours pas à capter durablement l’attention du public. Certaines compagnies sonnent d’ailleurs creux car, fondées par des professeurs d’art dramatique ou des artistes, elles sont totalement dépendantes des subventions publiques. Nous vivons ainsi une situation paradoxale avec les chiffres qui induisent une bonne santé du secteur et la réalité qui n’est pas rose pour tous.
Le tarissement des viviers du théâtre
scolaire et universitaire
En Tunisie, le secteur public du théâtre
désaffection grandissante du
est désormais bien structuré et c’est un acquis véritable. Quant au secteur privé, il compte une profusion de compagnies dont certaines totalement muettes. Malgré ce nombre de propositions, le public n’accroche que difficilement alors que les ténors produisent peu et tendent à encadrer les plus jeunes. Sur un autre plan, les viviers du théâtre scolaire et universitaires se sont pratiquement taris alors que l’institut supérieur d’art dramatique fournit ponctuellement sa promotion de nouveau diplômés.
C’est dans ce contexte que vont s’ouvrir les Journées théâtrales de Carthage. Le festival devrait apporter son lot de révélations et, depuis l’abandon de la Semaine du Théâtre, c’est le dernier espace d’envergure national à assurer promotion et visibilité du quatrième art en Tunisie. Traversant plusieurs contradictions, notre théâtre s’est littéralement installé à la croisée des chemins et mériterait d’être refondé théoriquement pour que puissent enfin se conjuguer toutes les énergies. Car, pourquoi se le cacher, ce secteur est maintenu sous perfusion grâce aux subventions publiques et rares sont les artistes qui osent aller véritablement à la recherche du public.