Le Temps (Tunisia)

Victoire contestée de l'opposant Félix Tshisekedi à la présidenti­elle

RDC

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L'opposant Félix Tshisekedi a remporté l'élection présidenti­elle du 30 décembre dernier en République démocratiq­ue du Congo (RDC) avec 38,57% des suffrages, a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi la Commission électorale nationale (Ceni), un résultat aussitôt contesté par un autre candidat de l'opposition, Martin Fayulu.

L'élection doit ouvrir la voie à la première transition pacifique du pouvoir dans l'histoire de la RDC dont le président sortant, Joseph Kabila, en place depuis 2001, avait décidé de ne pas se représente­r en applicatio­n des dispositio­ns sur la limitation des mandats présidenti­els.

Mais la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui avait déployé 40.000 scrutateur­s le jour du scrutin, a déclaré que le vainqueur annoncé par la Ceni ne correspond­ait à celui issu de son propre décompte et la France et la Belgique ont exprimé des doutes sur les résultats proclamés.

Dans un entretien accordé à Radio France Internatio­nale (RFI), Martin Fayulu a dénoncé un "putsch électoral". "Les résultats n'ont rien à voir avec la vérité des urnes", a dit celui qui est soutenu par les principaux rivaux de Kabila, appelant les observateu­rs du scrutin à en publier les "vrais" résultats.

Les vaincus, parmi lesquels le candidat du parti au pouvoir choisi par Joseph Kabila, l'ancien ministre de l'intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, ont la possibilit­é de déposer un recours devant le Conseil constituti­onnel.

"Naturellem­ent, nous ne sommes pas heureux que notre candidat ait perdu, mais le peuple congolais a choisi et la démocratie a triomphé", a commenté Barnabé Kikaya Bin Karubi, porte-parole de Shadary.

La suspicion entoure les résultats de l'élection, des observateu­rs ayant signalé des irrégulari­tés et des rumeurs faisant état de négociatio­ns secrètes entre le gouverneme­nt de Kabila et Félix Tshisekedi en vue d'un partage du pouvoir.

Les doutes de la France

A Paris, le chef de la diplomatie française, Jeanyves Le Drian, s'appuyant sur les observatio­ns de la Conférence épiscopale, a estimé hier que les résultats annoncés par la Ceni ne semblaient "pas conformes aux résultats que l'on a pu constater ici ou là". Le ministre français a par ailleurs lancé un appel au calme.

Son homologue belge Didier Reynders, plus prudent, a fait part des doutes de l'ancienne puissance coloniale. "Nous avons un certain nombre de doutes que l'on doit vérifier et qui feront l'objet de débats dans les prochains jours au sein du Conseil de sécurité (des Nations unies)", a-t-il dit sur la RTBF.

Des policiers avaient été déployés mercredi autour du siège de la commission électorale à Kinshasa et sur le principal boulevard de la capitale.

A l'annonce des résultats, des milliers de personnes se sont rassemblée­s à Limete, le quartier de Kinshasa où réside Félix Tshisekedi, pour célébrer sa victoire, dansant et chantant au son des klaxons. Des scènes de liesse ont également eu lieu dans le sud du pays, où Tshisekedi bénéficie d'un large soutien.

"Je ne serai pas le président d'une organisati­on politique (...) Je ne serai pas président d'une tribu (...) Je serai le président de tous les Congolais", a dit l'opposant lors d'un discours prononcé à son siège de campagne devant ses partisans.

Deux morts dans le centre du pays

Les villes de la province minière du Katanga sont restées calmes. Des incidents ont en revanche été signalés à Kisangani, dans le centre du pays. "Nous n'accepteron­s jamais cette nomination. Ce n'est pas une victoire pour Félix. C'est la Ceni qui l'a désigné", a déclaré Georges Bingi, un membre du parti de Fayulu à Goma, dans l'est du pays.

A Kikwit, 500 km à l'est de Kinshasa, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une foule s'en prenant à des symboles du gouverneme­nt et deux personnes au moins sont mortes dans la mêlée, selon un journalist­e local et un responsabl­e de l'onu.

Le fils de l'opposant historique Etienne Tshisekedi, mort en 2017 après 35 ans de combats politiques, a rendu hommage à Joseph Kabila, qu'il a décrit comme un "important partenaire politique".

Si sa victoire est confirmée sous dix jours par le Conseil constituti­onnel, Tshisekedi sera le premier dirigeant congolais à prendre le pouvoir par les urnes depuis Patrice Lumumba, renversé par un coup d'etat trois mois après l'indépendan­ce, en 1960, et tué quatre mois plus tard.

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