Un regard sévère mais sincère
«D’abidjan à Tunis» de Mariama Ndoye
Il est intéressant de lire ce que pensent les étrangers de notre pays, à travers leurs livres. Certains donnent une image idéaliste de la Tunisie. D’autres sont plus objectifs. C’est le cas de l’auteure sénégalaise Mariama Ndoye, dans «D’abidjan à Tunis».
Terminé en mai 2007 à Tunis, publié à Abidjan en 2012, le livre de l’auteure sénégalaise «D’abidjan à Tunis» (Frat Mat éditions/abis éditions) est une oeuvre autobiographique d’une grand-mère pour ses petits-enfants. D’ailleurs, en dédicace, la romancière écrit : «Je dédie ce livre à la génération de mes petitsenfants, aux familles marquées par le naufrage du Joola, à la mémoire de Ido Voubié dit Billy».
La narratrice raconte, dans son livre, les déplacements d'une famille africaine diplomatique, d’abidjan à Tunis en passant par Dakar et Paris. Des tableaux d’une vie «nomade». Elle s’adresse à Billy, un homme à tout faire qu’elle a employé à Abidjan, décédé au moment de l’écriture de son roman. Elle lui écrit : «Billy, Madame va te raconter tout ce que tu n’as pas eu le temps de vivre avec ta deuxième famille. Celle à laquelle aucun lien de sang ne te liait, pourtant tu lui as consacrée tes plus belles années. Je n’oublierais rien depuis Abidjan et ses années d’insouciance, jusqu’à Tunis frileuse en hiver et étouffée en été».
Tunis, frileuse en hiver et frileuse également avec les étrangers venus d’afrique subsaharienne. Condition d’une étrangère dans la ville d’un pays dont elle ignore la langue et méconnaît certains usages, où certains commentaires malveillants fusent, et où les habitants appellent les siens «les Africains».
Il est intéressant de lire ce que pensent les étrangers de notre pays, à travers leurs livres. Certains donnent une image idéaliste de la Tunisie. D’autres sont plus objectifs. C’est le cas de l’auteure sénégalaise Mariama Ndoye, dans «D’abidjan à Tunis».
Terminé en mai 2007 à Tunis, publié à Abidjan en 2012, le livre de l’auteure sénégalaise «D’abidjan à Tunis» (Frat Mat éditions/ Abis éditions) est une oeuvre autobiographique d’une grand-mère pour ses petitsenfants. D’ailleurs, en dédicace, la romancière écrit : «Je dédie ce livre à la génération de mes petitsenfants, aux familles marquées par le naufrage du Joola, à la mémoire de Ido Voubié dit Billy».
La narratrice raconte, dans son livre, les déplacements d'une famille africaine diplomatique, d’abidjan à Tunis en passant par Dakar et Paris. Des tableaux d’une vie «nomade». Elle s’adresse à Billy, un homme à tout faire qu’elle a employé à Abidjan, décédé au moment de l’écriture de son roman. Elle lui écrit : «Billy, Madame va te raconter tout ce que tu n’as pas eu le temps de vivre avec ta deuxième famille. Celle à laquelle aucun lien de sang ne te liait, pourtant tu lui as consacrée tes plus belles années. Je n’oublierais rien depuis Abidjan et ses années d’insouciance, jusqu’à Tunis frileuse en hiver et étouffée en été».
Tunis, frileuse en hiver et frileuse également avec les étrangers venus d’afrique subsaharienne. Condition d’une étrangère dans la ville d’un pays dont elle ignore la langue et méconnaît certains usages, où certains commentaires malveillants fusent, et où les habitants appellent les siens «les Africains».
Même si les Tunisiens de la diaspora l’ont vécu et le vivent encore, le regard des autochtones sur les étrangers est très subjectif. Malheureusement, ce regard est le même chez nombre de Tunisiens vis-à-vis des étrangers qui vivent chez nous. Mais pas n’importe quels étrangers ; ceux principalement d’afrique subsaharienne. Et l’actualité, depuis quelque temps, n’en démord pas.
Du racisme par la méconnaissance et l’envie
Mariama Ndoye en a vécu
l’expérience. «Les arrivants africains qui travaillent dans la nouvelle banque et leurs familles, ces énergumènes que nous sommes, qui remplissent leurs chariots au supermarché de manière indécente, vont chercher leurs enfants à l’école en BMW, sont les locataires potentiels. Peu importe si nous sommes presque tous déjà logés et si la banque peut quitter le doux pays d’accueil d’une année à l’autre», écrit-elle. Et d’ajouter un peu plus loin : «"On n’est tout de même pas allé les chercher chez eux, ces Africains ! Il faut bien qu’ils servent à quelque chose. Après tout, ils sont à l’aise chez nous et échappent à la guerre qui sévit chez eux", se disent certains, la majorité des gens du peuple».
Du racisme provoqué par la méconnaissance et l’envie. Une envie qui prend toute sa symbolique (discrète)
avec un passage où l’on peut lire : «Un matin, un jeune homme m’aborde avec désinvolture devant l’école maternelle (…) Je me demande un moment si c’est l’amour de la mécanique qui le fait parler ou le fait de voir une femme noire au volant d’une grosse cylindrée qui le dérange». De la page 72 à 114, Mariama Ndoye se consacre à sa vie dans notre capitale. Elle a intitulé cette partie «Dans la ferveur de Tunis». Dans l’entame de cette partie, elle écrit : «Tunis à nouveau. Dieu m’aura menée dans cette ville toute blanche pour m’éblouir de Sa grandeur et m’édifier sur les arcanes de la nature humaine».
On peut y remarquer des actes qui ne se sont pas escomptés avec le temps. Un racisme qui reste encore bien ancré chez nous. «(…) Ces soirs d’hiver où Nafy rentrait en larmes parce que
des chauffeurs de taxi racistes ralentissaient à sa hauteur et refusaient de s’arrêter, la laissant transie de pluie, de froid, de dépit devant tant de bêtises». Aujourd’hui, il y a cette forme de racisme, mais poussés par l’avidité, nombre de chauffeurs de taxi charge des Africains subsahariens en leur faisant payer le double, voire le triple de la course. Ils font jusqu’à retirer leur plaque pour que leur trafic soit «légal»…
Malgré le gris, des côtés roses aussi
Il ne faut pas croire que l’auteure dénigre notre pays. Elle parle de ses expériences chez nous. Dans son objectivité, elle en raconte le mauvais mais aussi le bon côté. D’ailleurs, c’est à Tunis qu’elle s'est adonnée à l'écriture tout en découvrant une nouvelle et riche culture. «Ma vie quotidienne au pays de Bourguiba me permet de découvrir progressivement le côté jardin de mes hôtes, leurs acquis comme leurs demandes», écrit-elle. Originaire d’un pays où se pratique encore la polygamie et la répudiation, Mariama Ndoye ne peut que parler des acquis de la femme tunisienne. «Quand on s’adresse aux femmes, elles commencent par vous clamer combien elles sont redevables à papa Bourguiba. Il les a libérées du joug de la polygamie et de la répudiation (…) Celui qu’on appelle avec respect Le Vieux a donné aux filles, aux soeurs et aux mères leur juste place dans l’échiquier social».
Dans les côtés roses, la romancière raconte les villes qu’elle visite, notamment Kairouan. Elle écrit aussi : «Heureusement qu’en Tunisie comme partout, les rencontres ne se limitent pas à la rue. Mon séjour dans ce pays frère est riche de rencontres-phares», notamment avec un octogénaire, Si Chebbi, qui s’avérera être le frère «du plus grand poète tunisien, le superbe Abou El Kacem Chebbi (…)».