Le Temps (Tunisia)

L'exfiltrati­on d'asia Bibi, un secret bien gardé

Pakistan

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Après neuf ans passés dans les couloirs de la mort au Pakistan, Asia Bibi est libre. La Cour suprême a confirmé l’acquitteme­nt de cette chrétienne condamnée à mort pour blasphème en 2010, à la suite d’une dispute autour d’un verre d’eau. Mais que sait-on des projets de cette mère de famille qui a été coupée des siens pendant quasiment une décennie ?

Un réel mystère entoure à la fois l'endroit où se trouve d'asia Bibi mais aussi ses projets immédiats. Ces trois derniers mois, c'est à dire depuis la première annonce de son acquitteme­nt, avant qu'un recours soit déposé contre cette décision, on sait qu'elle était sous bonne garde, dans une résidence surveillée à Islamabad. Ces trois mois ont été un véritable cauchemar pour sa famille. L'associatio­n de défense des chrétiens au Pakistan évoque une traque permanente d'hommes qui faisaient du porte-à-porte avec des photos des enfants d'asia Bibi, cherchant à se venger de l'acquitteme­nt. D'après une source diplomatiq­ue, cette situation a précipité leur départ pour le Canada, où ils auraient déjà demandé l'asile.

La rue condamne toujours Asia Bibi

Les projets d'asia Bibi la conduiront donc là-bas. On sait que des organisati­ons chrétienne­s jouent un grand rôle dans ce qui va ressembler, si elle n'a pas eu lieu cette nuit, à une exfiltrati­on. Une dizaine de petites manifestat­ions de colère ont déjà eu lieu mardi 29 janvier et une autre est prévue à Faizalabad, dans la journée. Le slogan de ces manifestat­ions c'est toujours le même : «il faut pendre Asia la maudite». Dans un tel contexte on ne peut qu'espérer qu'elle monte dans l'avion au plus vite.

Le cas d'asia Bibi est exceptionn­el, certes, parce qu'il est mondialeme­nt connu, et qu'il a provoqué des assassinat­s d'hommes politiques qui prenaient sa défense. Mais l'affaire est finalement, très banale. Les personnes acquittées après une condamnati­on à mort pour blasphème restent en général des années en prison, souvent plus de 5 ans. Et l'attitude de la Cour suprême dans le cas d'asia Bibi est aussi classique, puisque cette cour prononce généraleme­nt l'acquitteme­nt dans ce type d'affaire. 40 000 dossiers sont actuelleme­nt en attente car il est difficile de pouvoir se payer un des rares avocats qui a le droit d'y plaider. On remarque d'ailleurs que la plupart des condamnés à mort pour blasphème ont en commun la pauvreté - et non pas la religion.

La puissance des religieux

La majorité des condamnés sont d'ailleurs des musulmans passés par des cours locales de justice, établies dans des zones souvent rurales conservatr­ices, qui subissent la pression des militants religieux. L'associatio­n Justice pour le Pakistan parle de 26 condamnés à mort pour blasphème depuis 2004. Ces jours-ci, on juge à Lahore un jeune homme chrétien accusé d'avoir blasphémé contre le prophète sur Facebook. Depuis deux ans une nouvelle dispositio­n dans la loi condamne également le blasphème sur les réseaux sociaux. D'après son avocat, à l'intérieur même de la cour de justice, des militants islamistes lisent à plein poumons des sourates du coran pour intimider les juges. Il est donc difficile d'être optimiste.

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