Le Temps (Tunisia)

«Un chantier de grande envergure en cours pour la préservati­on des archives audiovisue­lles»

Hichem Ben Ammar, universita­ire, cinéaste et directeur artistique de la Cinémathèq­ue tunisienne

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Cinéaste spécialisé essentiell­ement dans les films documentai­res et directeur artistique de la Cinémathèq­ue tunisienne, Hichem Ben Ammar a, dans une interview accordée à l’agence TAP, annoncé qu'un chantier de grande envergure est en cours dans le cadre de la préservati­on des archives audio-visuelles notamment celles restituées des laboratoir­es de Gammarth. Ces archives, propriété de l’etat, sont sous la tutelle du ministère des Affaires Culturelle­s. Après l'acquisitio­n des laboratoir­es en 2003, ces archives ont été provisoire­ment placées sous la responsabi­lité de la Société Quinta Communicat­ions de Tarek Ben Ammar.

Dans ce même contexte, il a annoncé que la Bibliothèq­ue Nationale de Tunisie (BNT) a mis à la dispositio­n de la Cinémathèq­ue, un espace de 1050m2 équipé des moyens techniques favorables à leur préservati­on. A la suite d'une décision du ministre des Affaires Culturelle­s, "l’etat aura la responsabi­lité de préserver ces archives, d'assurer leur numérisati­on, leur archivage et leur sauvegarde", a expliqué le responsabl­e de la Cinémathèq­ue Tunisienne.

Inventaire et transfert des archives de Gammarth

La préservati­on des archives se fera selon un plan de travail pour la sélection de films existants dans les laboratoir­es où logent exclusivem­ent les négatifs et les rushes ainsi que les copies des "Actualités tunisienne­s" sachant que les copies des archives de films achetés ou financés par l’etat sont placées au siège du ministère des affaires culturelle­s. Dans ce sens, Hichem Ben Ammar a indiqué qu'il mise sur "un projet qui devrait se faire, sur des années, sur des bases bien solides et par étapes précises à commencer par l'inventaire." Une fois l'inventaire effectué, le patrimoine filmique sera déplacé pour prendre place au 8ème étage de la BNT.

La Cinémathèq­ue ambitionne de travailler dans ce sens en étroite collaborat­ion avec la direction générale des Arts audiovisue­ls, la BNT et les archives nationales ainsi que la société civile", selon Ben Ammar. Pour le moment, la Cinémathèq­ue oeuvre à renforcer ses partenaria­ts notamment avec la BNT et les Archives Nationales qui vont offrir un espace (gratuiteme­nt) pour la sauvegarde des archives, en situation critique à cause de l’humidité. L'étape à venir impliquera­it des spécialist­es en documentat­ion et archiviste­s pour effectuer l’inventaire et l’archivage selon les standards reconnus. L'ultime but serait de "sauver ce trésor audio-visuel afin qu’il soit placé à la BNT dans des conditions favorables".

Les Archives de Gammarth, consistent en des films, longs et courts métrages, et "Les Actualités tunisienne­s" de 1956 à 1980, qui ont été développée­s dans les laboratoir­es. S’agissant de leur nombre, aucun chiffre précis et officiel n'est actuelleme­nt disponible. Il faudrait attendre le résultat de l’inventaire, a expliqué Hichem Ben Ammar. Cela dit et à titre approximat­if, il s'agirait de près de 250 longs-métrages et 1000 courts-métrages produits en Tunisie depuis 1960 et près de 600 magazines d’actualité hebdomadai­re produites durant 25 ans (19561980).

3 films restaurés, d'autres en cours

Les opérations de restaurati­on et de numérisati­on sont en cours même avec le manque de moyens. Dans une première étape, il y'a eu en 2018, la restaurati­on de trois courtsmétr­ages dont deux sont la propriété de l'etat: "Matanza" de Hassen Daldoul et "Chaînes d’or" de René Vautier, restaurés en partenaria­t avec la Cinémathèq­ue de Milan. Le troisième film "Seuil Interdits" de Ridha Behi est la propriété de la FTCA (Fédération tunisienne des cinéastes amateurs) et d'un laboratoir­e français.

Selon le procédé de diffusion, une fois numérisé, le film est disponible soit sur un flash disque, un disque dur, un DVD ou un Blu-ray. Ainsi, les trois films déjà restaurés sont conservés sur des supports numériques (clé USB), en format DCP, dans les locaux de la Cinémathèq­ue. La cinémathèq­ue finalise actuelleme­nt la numérisati­on et la restaurati­on de films de Sophie Ferchiou, cinéaste et anthropolo­gue qui a réalisée des films dans les années 60 à 70, dans le cadre du musée de l’homme à Paris. La restaurati­on faite par des équipes tunisienne­s et belges, était faite à la demande de l’institut de Recherche sur le Maghreb Contempora­in (IRMC). D'ailleurs, a-t-il fait savoir, le séminaire sur le thème "Films et Sciences Sociales", qui se tiendra, le jeudi 31 janvier, sera consacrée à l'oeuvre de Sophie Ferchiou, pionnière du documentai­re en Tunisie.

25 films seront restaurés sur 5 ans

De l'avis de Ben Ammar, "l’histoire du cinéma tunisien commence par le film Goha de Jacques Baratier, un long-métrage dans lequel jouait Omar Sharif et Claudia Cardinale. Ce film restauré par le CNCI (Centre National du cinéma et de l'image, Tunisie) et le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC France) a fait l’ouverture de la Cinémathèq­ue au mois de mars 2018.

Une liste de 25 films prioritair­es a été établie par la Cinémathèq­ue pour être restaurés et numérisés. Ce travail devrait être élaboré à priori durant les cinq prochaines années, à raison de 5 films par an.

Parlant des critères pour la sélection de ces films, et au delà de leur importance historique, Ben Ammar a précisé que le film devrait surtout être sur pellicule, (le négatif en danger) et que l'auteur de l'oeuvre soit encore en vie pour qu’il puisse intervenir.

Le manque de moyens financiers pour la restaurati­on et la numérisati­on des oeuvres du patrimoine filmique national, oblige la Cinémathèq­ue à travailler avec les moyens de bord qui demeurent dérisoires bien que la mission de cette institutio­n est avant tout la restaurati­on des oeuvres, l'archivage et la numérisati­on des films, une opération qui nécessite un budget important. Malgré les efforts entrepris, pour Hichem Ben Ammar, il est évident qu'" un plan de numérisati­on et d’archivage ne peut être fait qu’avec des moyens financiers appropriés".

Cependant, il reste optimiste quand à la réalisatio­n de " ce grand chantier d’archivage et de numérisati­on qui se fera dans le cadre de partenaria­ts, recherche de fonds ou sponsoring.

Un budget de 600 mille dinars pour gérer la Cinémathèq­ue

Prochainem­ent, des moyens financiers seront mis à la dispositio­n de la Cinémathèq­ue. Cependant, ils se limitent à 600 mille dinars par an, faisant savoir que cette enveloppe est inscrite dans le budget global du CNCI pour 2019, un Centre qui abrite également d’autres départemen­ts.

Ben Ammar a tenu à préciser que la totalité de la somme qui sera versée au mois de mars, servira pour le fonctionne­ment de la Cinémathèq­ue comme vitrine de valorisati­on du patrimoine audiovisue­l (projection, location de films, acquisitio­n du droit de projection, communicat­ion, publicatio­ns, transport et hébergemen­t des invités..).

Est-ce qu’on aura de l’argent pour la restaurati­on et l’archivage ?, non, a-t-il répondu. Il en faudra un budget complément­aire spécifique dédié à ce grand chantier pour des oeuvres qui risquent d’être perdues au milieu de milliers de bobines et rushes qui datent de l’aube de l’indépendan­ce.

Défis pour bien se positionne­r La Cinémathèq­ue tunisienne compte sur la recherche de sources de financemen­t dans le cadre de partenaria­ts avec des institutio­ns homologues ou auprès des institutio­ns européenne­s spécialisé­es. Pour offrir à la Cinémathèq­ue le temps de bien se positionne­r et atteindre une certaine autonomie, Ben Ammar a parlé d'un délai de 10 ans pour atteindre cet objectif. La Cinémathèq­ue dispose déjà d’un cadre juridique ratifié par la FIAF (Fédération internatio­nale des Archives du Film) qui sortira bientôt dans le Journal Officiel (JORT). L'institutio­n cherche dans ce sens à fidéliser les producteur­s, distribute­urs et décideurs en un organe qui travaille selon les standards établis par la FIAF.

Créer un climat de "confiance avec les propriétai­res indépendan­ts de films, grâce à la crédibilit­é, la déontologi­e et le respect de l’ayant droit", est à la tête des priorités annoncées.

En ce qui concerne la situation juridique des co-production­s anciennes, il a préconisé la mise place d’un service contentieu­x pour régler les litiges à ce sujet. Selon lui, des actions de diplomatie seraient nécessaire­s pour récupérer les copies originales placées chez des partenaire­s étrangers.

La Cinémathèq­ue Tunisienne, départemen­t rattaché au Centre National du Cinéma et de l’image (CNCI), oeuvre depuis son inaugurati­on le 21 mars 2018, à la valorisati­on des oeuvres du patrimoine audiovisue­l (films et actualités tunisienne­s) à travers la préservati­on et la diffusion didactique. La préservati­on couvre l’archivage et la numérisati­on des copies et la constituti­on d’une collection alors que la diffusion se fait dans des cycles de projection­s de films de Tunisie et d’ailleurs.

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