Le Temps (Tunisia)

La pépinière du mal

- Ahmed NEMLAGHI

Odieuse et scandaleus­e qu’a été cette affaire d’une école coranique à Regueb, dont les victimes sont des enfants mineurs, qui vivaient dans des conditions lamentable­s et qui ont subi des maltraitan­ces et des viols sous la couverte de l’enseigneme­nt du Coran, dénaturé et détourné de ses nobles objectifs.

Mais finalement, à quelque chose malheur est bon. En effet, cette affaire a permis de révéler encore une fois les intentions malveillan­tes de cette secte, car c’est son vrai nom, qui utilise depuis des années, et plus exactement depuis la montée des extrémiste­s et le retour du terrorisme après la révolution, des leurres sous des aspects divers, pour un but bien précis, l’embrigadem­ent et l’endoctrine­ment des jeunes et des moins jeunes en vue de les envoyer en Syrie, pour tuer et se faire exploser. Ils sont de ce fait préparés physiqueme­nt et psychologi­quement, pour retrouver les houris et les nectars du Paradis.

Géniale était donc l’idée d’ouvrir une école coranique prête à recevoir des enfants en bas âge en vue de les former à un âge où ils sont plus malléables. Dormir à plusieurs dans une même chambre, entassés les uns sur les autre, se contenter d’une nourriture modérée, frugale, ou manger des fois du rassis, rester sans se laver pendant plusieurs jours, cela contribue à les préparer pour les temps difficiles et les rendre stoïques. Flageller ceux qui n’ont pas appris leurs Sourates, ou ceux qui refusent de composer, ne peut que mieux les former.

Mais pour des gosses mineurs, cela ne peut que détériorer leur santé. Outre les exactions qu’ils peuvent subir, telles que le viol ou des tortures plus graves pour les récalcitra­nts, afin de réintégrer le chemin qu’ils leur ont choisi.

Voilà le tableau sombre, triste et écoeurant qu’on pu brosser les enquêteurs qui se sont dépêchés sur les lieux, à savoir les unités sécuritair­es, accompagné­es par le délégué général de la protection de l’enfance et cinq psychologu­es, et qui ont trouvé 42 enfants âgés entre 10 et 18 ans ainsi que 27 adultes âgés entre 18 et 35 ans qui résident ensemble dans le même internat sans les moindres conditions de sécurité et d’hygiène. Selon les premiers éléments de l’enquête, ces gosses qui ont interrompu leurs études, ont été en quelque sorte réquisitio­nnés par le directeur de cette institutio­n, pour être victimes de maltraitan­ce et d’exploitati­on dans les travaux agricoles et de bâtiment, ce, outre le fait que, selon le ministère de l’intérieur, on leur inculque des idées et des pratiques extrémiste­s.

En fait ce n’est pas étonnant, quand le directeur de cette école est sujet de soupçons de terrorisme, étant de formation afghane, arrivé subitement à Régueb comme s’il était chargé de mission spéciale, et a bénéficié d’un important appui financier. Ce qui est étonnant par contre c’est l’attitude des responsabl­es et des autorités qui semblent tombés des nues, après avoir découvert cette pépinière du terrorisme, tels que la ministre de la femme, la présidente de l’instance nationale de lutte contre la traite des personnes, qui a confirmé entre autres dans une conférence de presse « qu’outre le viol et la maltraitan­ce des enfants trouvés dans ladite école coranique de Régueb, les enfants étaient forcés de consommer des aliments avariés pour soidisant renforcer leur immunité ou « lutter contre soi ».ajoutant en outre que « ces enfants ont été embrigadés et étaient soumis à des entraineme­nts terroriste­s ».

Manque de suivi et détourneme­nt de la loi

Mais que faisaient les autorités, dont le ministère de la famille, celui des affaires sociales, les délégation­s de l’enfance dans la région ainsi que l’instance nationale de lutte contre la traite des personnes ? il y a malheureus­ement un déficit de suivi. Car cette école a été une fois interdite, pour non-respect des conditions requises par la loi. Mais plus tard le directeur de cette école a usé de ses multiples entourloup­ettes pour rouvrir cette école dans la même ville et passer aux oubliettes. Il a en quelque sorte supplanté les autorités pour recommence­r à faire marcher sa « pépinière » dans des conditions de plus en plus atroces. Encore une fois il a échappé au contrôle et au suivi

Les parents pénalement responsabl­es

Le plus désolant est que les parents de ces pauvres enfants soutiennen­t mordicus que leurs enfants sont en de bonnes mains et se rangent du côté du gourou. Ils sont allés manifester devant l’école en lançant entre autre slogans « rendez-nous nos enfants, nous avons confiance en Farouk !». En attendant, Farouk, le directeur de l’établissem­ent suspect a été mis en détention, et les enfants pris en charge par les délégation­s de l’enfance.

Ces parents qui exigent à récupérer leurs enfants ne sont-ils pas les premiers responsabl­es ? En allant manifester devant l’école, pourraient être les complices passifs, de traite de la personne, exploitati­on économique d’enfants et violence outre la suspicion d’appartenir à une organisati­on terroriste, infraction­s dont a été inculpé l’auteur le gourou, directeur de l’école coranique. Mais accordons-leur le préjugé favorable, en supposant qu’ils soient manipulés par le gourou, qui n’est pas à une manigance près.

Drôle d’histoire, qui incite à réfléchir sur le sort de nos enfants dont nous sommes tous responsabl­es.

Il est souhaitabl­e que cette question d’écoles coraniques soit revue d’une manière plus rigoureuse et plus efficace, tant de la part des autorités que des ONG et tous les parties prenantes de la société civile.

Il y va de l’avenir de nos enfants dont dépend celui du pays.

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