Le Temps (Tunisia)

Et si on se faisait la belle ?

- Samia HARRAR

Faute de changer les choses, on changera de pays, simple non ?

Foin du patriotism­e et de la bonne parole à prêcher, sans grande conviction, ayant bien du mal à être convaincu soi-même ; autant prendre une distance, respectueu­sement avec la géographie, histoire d’attendre et de voir venir, ou de tourner la page en choisissan­t l’oubli, pur et simple, en guise d’antidote à la douleur.

Ce qui n’est pas si simple…

La patrie c’est quoi, une poignée d’individus ? Et s’il est permis d’en douter, et d’en élargir le sens ?

Il y a quelque chose de l’ordre de l’ineffable qui se joue, et qui fait que le lien à la patrie, lors-même que l’on se force à le défaire, pour se sentir enfin libre, de fuir, sans en éprouver ni honte ni remords, se resserre encore plus à mesure que le temps passe et que, l’âge aidant, l’on se surprend à ne plus vouloir changer d’horizon, quoiqu’il advienne, et quelque soit le degré de lassitude qui peut s’emparer de vous, à un moment où toutes les batteries sont à plat, comme si le fait d’appartenir à une terre, ne se limitait plus à une notificati­on sur une pièce d’identité, mais bien à un très puissant sentiment d’ancrage, et d’enracineme­nt, qui vous empêche à un moment donné, d’abandonner la partie.

Non, les jeux ne sont pas encore faits, car le pays n’est pas une entité abstraite, dont on peut se détacher impunément, juste par le fait d’en décider ainsi. Le pays ce sont ces enfants, cette jeunesse, auxquels l’on aura refilé un legs empoisonné, sans pour autant vaquer, parce que c’est notre devoir, à en chercher l’antidote. Et c’est parce que c’est cette jeunesse, et ces enfants, qui demandent à ce qu’on les regarde droit dans les yeux, sans ciller, pour leur dire la vérité, et arrêter de leur mentir à tout bout de champ, nous interpella­nt à leur manière parce qu’ils veulent être rassurés tout simplement, en nous donnant, en vérité, le courage, de poursuivre la route, sans nous lasser, jusqu’à ce que le pays arrive à bon port, que nous n’avons pas le droit de nous dérober, et de laisser le pays, à une horde de vautours, sans foi, ni loi, qui en détruiront jusqu’au dernier des fondements. Non nous n’avons pas le droit de fuir. Nous ne lâcherons pas prise, et nous ne les décevrons pas. Nous n’en n’avons pas le droit.

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