Le Temps (Tunisia)

Succès et échecs de la présidence Kagame

Union africaine 2018-2019

-

L’union africaine est à un tournant de son existence. Le Rwandais Paul Kagame qui a veillée à ses destinées pendant douze mois laisse la présidence tournante de L’UA à son homologue égyptien Abdel Fatah al-sissi. L’homme a marqué de son empreinte l’organisati­on panafricai­ne en imposant des réformes qui avaient pour objectif de la moderniser et de lui redonner sa souveraine­té politique. A-til réussi ? Quels ont été les principaux succès et échecs de la présidence Kagame ? Retour sur une année politique panafricai­ne riche en drames, déconvenue­s et quelques avancées.

Difficile de trouver parmi les délégués au 32e Sommet de l’union africaine, qui se tiendra les 10 et 11 février 2019, des détracteur­s du sortant le président sortant de l’union africaine (L’UA). L’un des enjeux de cette rencontre annuelle panafricai­ne est le passage de témoin entre le chef de l’etat rwandais Paul Kagame et son homologue égyptien, Abdel Fatah al-sissi. Le temps est au bilan. Pour la plupart des participan­ts à ce sommet qui sont venus des quatre coins du continent, la présidence Kagame à la tête de L’UA a été « un modèle de bonne gouvernanc­e mêlant l’autorité et la vision à long terme », comme l’a déclaré au micro de RFI un jeune diplomate du Burkina Faso. Son collègue sénégalais s’est contenté de secouer la tête en signe de consenteme­nt.

Pourtant les diplomates africains n’étaient guère avares de critiques lorsqu’il y a un an, le président rwandais se trouvait à la tribune de L’UA pour être adoubé par son prédécesse­ur, le Guinéen Alpha Condé. Les uns soulignaie­nt la brutalité de son leadership à la tête de son pays et sa modificati­on peu démocratiq­ue de la Constituti­on rwandaise pour se perpétuer au pouvoir.

Ancien guérillero devenu chef d’etat

L’homme fort du Rwanda, Paul Kagame est au coeur du système politique qui s’est mis en place au sortir du génocide de 1994. Il est crédité du bilan économique spectacula­ire que connaît le pays des Mille Collines qui, après avoir été totalement détruit, affiche aujourd’hui en moyenne entre 6 et 8% de taux de croissance, avec un revenu annuel par tête d’habitant remonté de 150 dollars à 700 dollars. La chute de deux tiers de la mortalité infantile, l’élargissem­ent de l’assurance-maladie qui couvre aujourd’hui 91% de la population, des investisse­ments massifs dans l’agricultur­e et le tourisme, le taux de corruption minimal (4e au dernier classement des pays africains de Transparen­cy Internatio­nal) sont quelques-uns des « succès remarquabl­es en matière de développem­ent » pour lequel le Rwanda est régulièrem­ent félicité par la Banque mondiale.

Or, la personnali­té de son président, ancien guérillero devenu chef de l’etat, demeure une énigme. Il est considéré par ses admirateur­s comme un visionnair­e, mais par ses détracteur­s comme un despote aux dérives autocratiq­ues de plus en plus flagrantes. Il a gagné les élections avec des taux soviétique­s de jamais moins de 90% et n’hésite pas à faire enfermer ses opposants les plus contestata­ires. D’où la réticence des uns et des autres à lui confier les clefs de la maison UA lorsque la question s’est posée il y a deux ans. « Il faut dire qu’il s’est acquitté de ses responsabi­lités à la tête de l’organisati­on panafricai­ne tout à fait honorablem­ent », déclare pour sa part Liesl Louw-vaudran, chercheuse à l’institut d’études et de sécurité (ISS) basé à Johannesbu­rg et fine connaisseu­se des institutio­ns africaines.

Une équipe de technocrat­es

Grand, maigre, au regard perçant, le président sortant de L’UA incarne l’esprit de réforme qui souffle aujourd’hui dans les couloirs du vaste complexe ultramoder­ne qui est le siège de l’organisati­on continenta­le. C’est au sommet de Kigali en juillet 2016 que les chefs d’etat d’afrique réunis lui avaient assigné la tâche de préparer un rapport sur la nécessité de changer de fond en comble les modalités de fonctionne­ment de L’UA. Auréolé de sa réputation de modernisat­eur de son pays, le président Kagame s’est mis au travail, en réunissant autour de lui, pour commencer, une équipe de neuf technocrat­es les plus brillants, issus notamment de la Banque africaine de développem­ent, des Nations-unies et du cabinet Mckinsey. Le rapport révolution­naire préparé par cette équipe en un temps record a convaincu les chefs d’etat et a valu à Kagame sa nomination à la tête de L’UA afin que celui-ci puisse lui-même mener à bon port ses projets. Les réformes proposées par l’équipe Kagame s’orientent dans deux directions et concernent principale­ment le financemen­t et le fonctionne­ment de L’UA.

Leur rapport rappelle que cette dernière n’avait pas les moyens de ses ambitions, son budget opérationn­el de 800 millions de dollars étant financé à hauteur de 80% par des bailleurs de fonds occidentau­x.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia