Le Parlement accuse !
Le scandale de «l’école» coranique El Rihanet du Régueb continue à alimenter la toile. Les débats dans la sphère publique, politique et médiatique continuent de plus belle. Le cas de ces 42 enfants qui sont totalement isolés, embrigadés, surexploités et déscolarisés chamboule depuis une semaine la Tunisie et met à nu tous ces dossiers qu’on étouffe, à savoir la déscolarisation, la réforme du secteur éducatif, le laxisme gouvernemental et la lenteur de la machine parlementaire qui, victime du sacrosaint consensus, est incapable de trancher sur les dossiers les plus urgents et virulents.
Le scandale de «l’école» coranique El Rihanet du Régueb continue à alimenter la toile. Les débats dans la sphère publique, politique et médiatique continuent de plus belle.
Le cas de ces 42 enfants qui sont totalement isolés, embrigadés, surexploités et déscolarisés chamboule depuis une semaine la Tunisie et met à nu tous ces dossiers qu’on étouffe, à savoir la déscolarisation, la réforme du secteur éducatif, le laxisme gouvernemental et la lenteur de la machine parlementaire qui, victime du sacrosaint consensus, est incapable de trancher sur les dossiers les plus urgents et virulents.
Au Parlement depuis le 5 février, l’affaire est au centre de débats en plénière et en commission. Les avis divergent, les voix s’insurgent et les accusations fusent de partout. La secte du Régueb alimente et aiguise la discorde qui règne entre les blocs parlementaires. En attendant la séance plénière extraordinaire durant laquelle le Législatif va auditionner les autorités concernées, à savoir les ministères des Affaires Religieuses, de l’intérieur, des Relations avec les Instances Constitutionnelles et de la Société civile, de la Femme, Le Temps s’est entretenu avec quelques députés afin de connaître leur lecture de l’affaire qui continue à défrayer la chronique.
Houda Slim (Bloc Coalition nationale) Absence d’une vraie volonté politique
«J’étais partie mardi avec 4 autres députés en visite au Centre national d’hébergement des enfants Amali à Hammam-lif où sont hébergés les enfants de l’école du Régueb. On s’est entretenu à l’occasion avec le délégué à la protection de l’enfance, le directeur du centre et es encadreurs. Nous avons remarqué que ces enfants sont bien encadrés et sont accueillis dans de très bonnes conditions malgré le fait que le centre n’était pas vraiment prêt à accueillir un tel nombre d’enfants et qu’il était en pleins travaux. Ils sont au centre d’un excellent encadrement psychologique et médical. Ils ont été répartis par deux tranches d’âge. Les plus jeunes avaient des jouets, une télévision et des goûters à disposition. En engageant la conversation avec quelques-uns d’eux, je leur avais demandé pourquoi ils ont quitté leurs écoles et ils se sont inscrits dans cette «école coranique», leurs réponses m’ont sidérées. «Il y avait beaucoup de dépassement et de débauche dans nos anciennes écoles, comme l’alcool, la drogue et le tabac.». Quant aux plus âgés et qui étaient logés dans l’étage supérieure du centre, ils ont refusé de communiquer avec nous. On a senti que leur endoctrinement était dans un stade plus avancé que les plus petits. Ils nous guettaient d’en haut. Les encadrants de l’enfance nous ont signalé que la veille, ces enfants se sont révoltés et ont causé des dégâts à l’établissement réclamant leur départ du centre et leur retour à «l’école du Régueb». L’un deux était pieds nus et refusait ses nouvelles chaussures car selon lui, il «(va) retourner bientôt à la montagne où se trouve son école.» D’autres, se confiant à nous «nous refusons de manger votre nourriture car à l’école nous mangeons maigrement et même des plats où il y a des verres. Nous préférons nous préparer à une vie dure et très rude que la vôtre.». Pour conclure, nous avons remarqué que ces enfants ont subi un endoctrinement profond. Ils ont été exprès isolés de leurs familles et de la société. Concernant la partie gouvernementale, nous avons rencontré des représentants de l’enfance et du ministère de la Femme. Leurs réponses n’étaient pas du convaincantes et demeuraient très laxistes. Tous les ministères concernés rejetaient la faute aux budgets qui leurs étaient alloués, aux moyens rudimentaires et à la pénurie des ressources
humaines dont ils disposent afin de contrôler ces agissements et d’y mettre fin. Ils se disent également bloqués par l’aspect législatif qui ne dit pas clairement qui a les prérogatives requises pour fermer ce genre de locaux ou suspendre les activités de telles associations. Personnellement, je pense que ce qui se trame derrière c’est plutôt l’absence d’une vraie volonté politique pour contrecarrer ce genre de scénario. Car, nous ne le cachons pas, certains encouragent à ces agissements, d’autres les alimentent, d’autres encore sont complices. Pour conclure, le paysage politique n’est pas équilibré et homogène. Les partis politiques n’ont pas tous les mêmes idéologies ni le même projet sociétal, ni la même vision de l’état. Ceci explique le laxisme gouvernemental et son incapacité à mettre fin à ces atteintes aux droits des enfants.»
Meherzia Labidi (Bloc Ennahdha)
C’est une honte pour nous
«Au sein de notre bloc parlementaire, nous croyons en l’état de droits et en la souveraineté de la République. N’importe quel établissement éducatif, peu importe la discipline qu’il exerce, et qui concerne nos enfants et nos jeunes doit être réglementé par la loi tunisienne et contrôlé par les autorités de tutelle. La véritable école est celle qui est autorisée par l’état. Nous sommes en train de construire un être humain, le citoyen tunisien de demain. Le gouvernement a cette responsabilité de veiller à ce que tout milieu éducatif ou autre réponde aux règles et respecte la loi. Tout abus ou dépassement doit être fermement sanctionné et interdit. Indépendamment des disciplines enseignées, il est formellement interdit de mélanger les enfants même pendant les pauses, que dire durant le sommeil ! Nous ne devons pas nous taire face à ces dépassements qui violent l’intégrité et la dignité des enfants et des jeunes. L’apprentissage du texte sacré en Tunisie a ses propres règles depuis de longues décennies. Nos érudits et cheikhs ont, de tous les temps, eu leur propre lecture et pédagogie pour la mémorisation et la récitation du Coran. Je citerai à titre d’exemple l’école du grand Cheikh Ali Al Barrak ou encore le Cheikh Abderrahmane Hifiane, membre du comité international d’arbitrage de mémorisation, de psalmodie, de récitation et d’exégèse du Coran. L’apprentissage du texte coranique doit se faire sous la tutelle de la Ligue des associations coraniques qui est encadrée par l’etat, par le ministère des Affaires religieuses, plus précisément. La mémorisation du Coran est un droit mais cela doit se faire dans un cadre légal. Le droit à l’enseignement aussi est sacré. C’est une honte pour nous tous que 42 enfants et jeunes tunisiens
aient quitté l’école publique et soient isolés de leurs familles ! Ces enfants ont été assujettis, surexploités. Des cas de traite et de viol ont été recensés ! C’est inadmissible. Il est plus urgent de réformer le système éducatif ! Une centaine d’enfants quittent chaque année l’école.
Nous sommes tous responsables : Parlement, gouvernement et société civile ! Il est temps d’en finir avec ce vide législatif sans pour autant toucher à la liberté associative qui demeure un des premiers acquis de la révolution. Sans ce décret-loi 88, portant organisation des associations, nous n’aurions pas pu avoir des associations aussi fortes comme Bawsala qui observe les travaux parlementaires ou encore celles suivent de très près le processus électoral, celles aussi qui défendent les droits de l’homme. D’ailleurs, il paraît que cette association qui a ouvert l’espace du Régueb émane du mouvement de la prédication “Daawa wa Tabligh”. A cet effet, le ministre des Affaires Etrangères va bientôt présenter au Parlement un projet de loi qui régularise et réglemente les écoles coraniques».
Bouchra Bel Haj Hmida, Bloc Coalition Nationale La BCT refuse de coopérer avec le gouvernement
«Il s’agit d’une plaie qui dure depuis 2012. Nonobstant, ces salafistes travaillent sur le terrain depuis des dizaines d’années. Ils étaient tolérés politiquement parce qu’ils ne revendiquaient pas le pouvoir. Or, ils travaillent sur le culturel et l’enfermement des jeunes générations dans des lectures rétrogrades de la religion. Le travail de l’étatn’a commencé que depuis deux ans pour faire face à ces associations et ces «écoles» dont le financement est étranger. J’en ai parlé plus d’une fois à l’assemblée et au Parlement. En vain. J’ai appris que le gouvernement et la commission d’enquête sur l’envoi des jeunes dans les zones de conflit ont demandé à plusieurs reprises les mouvements bancaires de ces associations suspectes auprès de la Banque Centrale. Contre toute attente et étant indépendante, celle-ci ne s’est pas montrée coopérative.
L’actuel décret-loi ne donne pas beaucoup de moyens à l’exécutif. Tout est entre les mains de la justice. Or, le pouvoir judiciaire, outre le fait qu’il soit surchargé, est forcément lent. Le projet de loi en cours pourrait faciliter la procédure mais il faut, d’abord, s’assurer qu’il ne sera utilisé pour réprimer la société civile.»