«La Femme au couteau» Une Mamy Wata de la psychologie freudienne
Datant de 1969, «La femme au couteau» a été restaurée. Film de Timité Bassori, il est considéré comme le tout premier long métrage de fiction de la Côte d’ivoire. Il a été projeté, à l’occasion du FESPACO, devant son réalisateur, qui est également son acteur principal, âgé, aujourd’hui, de près de 86 ans. Un film qui traite de la psychologie freudienne à travers une Mamy Wata de l’inconscience.
«La femme au couteau» a été projeté, parmi les films restaurés, au dernier FESPACO. Il est l’unique long métrage réalisé par Timité Bassori, considéré comme le père du cinéma ivoirien. Thriller psychologique, «La femme au couteau» a pour thème le traumatisme d’un jeune ivoirien revenu d’europe ; un traumatisme dû à son enfance, et à sa mère, devenue, par la force des choses, une Mamy Wata de l’inconscient.
«De retour d’europe, un jeune intellectuel ivoirien rentre dans son pays. Outre la confrontation entre le modernisme et la tradition, il est en butte à une inhibition sexuelle : un fantasme, une femme brandissant un couteau, le paralyse. Ne trouvant secours ni auprès des médecins, ni auprès des féticheurs, il est en proie à des divagations réelles et imaginaires, l’empêchant de s’accomplir en tant homme. Grâce à une amie, il comprendra qu’il était resté traumatisé, à son insu, par l’image répressive de sa mère durant son enfance». A travers «La femme au couteau», Timité Bassori a voulu «que le cinéma africain déstabilise les Africains». Il a, pour cela, joué sur le transfert et l’interprétation des rêves de la psychologie freudienne, et sur la remise en question des traditions africaines. Du côté du transfert, le personnage principal, campé par Timité Bassori, alors âgé de 36 ans à l’époque, reproduit sans le savoir des émotions et des scénarios installés au cours de l'enfance et refoulés. Ses rêves sont l’expression d’un désir inconscient, d’une expression d’un malaise, d’un comportement qu’il a du mal à interpréter. D’autre part, en rêve, le couteau est un symbole phallique. Dans le film, c’est une femme qui le tient d’où la notion de castration.
Les traditions africaines sont considérées par le réalisateur comme trop stricte dans l’éducation. La femme au couteau que voit le jeune héros peut être comme une Mamy Wata. Cette dernière est une divinité aquatique –c’est peut-être pour cela que Bassori fait prendre conscience à son personnage au bord de l’océan Atlantique. C’est une femme extraordinaire et très puissante. Selon les traditions, Mamy Wata enlève ses adeptes ou des gens au hasard alors qu'ils nagent ou qu'ils sont en bateau. Dans le film «La femme au couteau», l’on peut considérer que l’esprit du personnage principal nage dans une fantasmagorie. La Mamy Wata du long métrage est en fait l’image de la mère ; une mère castratrice.
Le film de Timité Bassori a, donc, aussi un côté fantastique. Le réalisateur ivoirien s’est essayé à ce style dès sa première réalisation, un court métrage de 1964, intitulé «Sur la dune de la solitude». L’histoire de deux jeunes gens qui se rencontrent, un soir, au bord de la lagune. Et après une nuit ensemble, la jeune fille disparaît et le jeune homme retrouvera plus tard le visage de sa compagne d’une nuit sur un lit de mort. Une histoire tirée de la légende de Mami Wata.