Pour qui roulent certains « progressistes » ?
Quand Bouchra Belhaj Hmida tire la sonnette d’alarme :
Il est toujours utile de prêter l’oreille à ceux et à celles qui nous disent la vérité. L’erreur consisterait en effet à croire que le peuple tunisien ne croit qu’en ce qu’il voudrait bien entendre. Ce peuple a muri.
Il est toujours utile de prêter l’oreille à ceux et à celles qui nous disent la vérité. L’erreur consisterait en effet à croire que le peuple tunisien ne croit qu’en ce qu’il voudrait bien entendre. Ce peuple a muri. Et, aujourd’hui, nul n’est dupe de l’emphase des politiques, ni de leurs recettes de la séduction et, encore moins, des programmes bâtis autour d’eux et exclusivement pour eux.
Bouchra Belhaj Hmida vient de marquer un constat d’une rare limpidité avanthier sur Midi show. En ces jours de célébrations – timides et comme contrariéesde la Fête de la femme tunisienne, elle a « balancé » toute leur vérité aux progressistes à propos de l’échec de la Colibe, ce projet qui tenait à coeur à BCE. Elle fait à ce propos une révélation choquante. A savoir que si ce projet a été enterré au sein de la Commission parlementaire des droits, des libertés et des relations extérieures de L’ARP, c’est à cause de l’absentéisme « récurrent » des progressistes, alors même que les parlementaires d’ennahdha étaient toujours présents pour mieux marquer leur opposition à l’égalité successorale.
L’âge vermeil des progressistes d’antan
La Colibe n’est pas notre propos dans ces lignes. D’ailleurs il y a à parier que les partis ne le remettront pas avec conviction dans leurs axes de priorités tout le long de cette campagne. Il ne faut pas réveiller les démons, ni tenter le diable. Au besoin, ce projet sera dévolu à une partie de la société civile qui se prévaut d’un certain féminisme tout exclusivement tunisien. Oui, mais avec quels outils, dès lors que les ponts tardent à être jetés entre, justement, la société civile et l’etat qui reste, par essence, conservateur ?
Le plus significatif aujourd’hui c’est plutôt de faire écho au dépit de Bouchra Belhaj Hmida par rapport au désengagement des centristes-progressistes. En 2011, ils se voilaient la face, apeurés par la déferlante révolutionnaire qui ne faisait pas la distinction entre le progressisme à la Bourguiba et l’etat-léviathan de Ben Ali. Seuls les anciens opposants à la dictature, parmi les progressistes : Ben Jaafar l’éternel incompris, Néjib Chebbi, et Moncef Marzouki (militant des droits de l’homme) ont retrouvé une place au soleil. Pas pour longtemps : Ben Jaafar s’est vite consumé dans une alliance contre-nature avec Ennahdha. Néjib Chebbi, qui luttait contre Ben Ali de l’intérieur, a payé de sa crédibilité une campagne mal agencée et mal réfléchie. Moncef Marzouki, lui, était intronisé Président de la république, mais par la bonne grâce d’ennahdha. Et il en a payé le prix aux élections de 2014, tout autant que Mustapha Ben Jaafar pour les mêmes motifs. On ne vend pas son âme au diable, à moins d’être fasciné par Méphisto. Seul, parmi les progressistes de l’âge vermeil de la classe politique, Moncef Marzouki ne démord pas. Il se représente en effet. Et voilà qu’à défaut de son Méphisto (Ennahdha de 2011), il s’en réinvente d’autres avec lesquels il traite un désistement en sa faveur : Hamadi Jbali et Kaïs Saïd. C’est-à-dire tout, sauf des progressistes !
Champ sémantique rénové et élargi ?
Il est vrai qu’en 2014 Béji Caïd Essebsi avait remis au goût du jour un certain progressisme à la Bourguiba en lançant cette machine de guerre qu’est Nidaa Tounes, réussissant aussi à embarquer toutes les antinomies dans cette réplique d’arche de Noé, puisqu’on y a retrouvé toutes les sensibilités, destouriennes, syndicalistes, réformatrices, le centre-droite, le centregauche, sans réelles contraintes d’affluer vers le milieu. Le milieu, il se le réservait. Mais, en tous les cas, un must entre le PSD de Bourguiba (parti d’essence socialiste, il ne faut pas l’oublier) et le MDS d’ahmed Mestiri auquel BCE avait adhéré dans l’esprit d’une ouverture démocratique et en réaction à l’absolutisme du « Combattant suprême », en l’occurrence un peu trop suprême, dès lors qu’il s’agissait de sacralité du pouvoir, le sien.
Très vite cependant, la machine de Nidaa Tounes s’est révélé être tout aussi centralisatrice que le PSD de Bourguiba. Elle perdit aussi ses pendants progressistes, le jour de ce deal de Paris, dans cette logique du consensus avec le parti le plus anti-progressiste par excellence, parce que bâti sur les dogmes religieux. En cinq ans, on aura assisté à des renversements de situations ayant fini par tourner aux règlements de comptes, règlements ayant lourdement conditionné la marche de l’etat.
Nidaa a ainsi éclaté en morceaux. Mais bon nombre de ses co-fondateurs ont mis en place leurs propres formations politiques, reprenant cependant la matrice, la charte fondatrice de BCE et se proclamant tous du progressisme-centrisme, legs idéologique bourguibien. Et, voilà que tous se proclament de ce « legs » et que tous se bousculeront au portillon du mausolée Bourguiba.
Nous aurons donc trop de « centristes » au centre. Et trop de progressistes dans ce nouvel éventail sémantique du positionnement. Seront-ils néanmoins progressistes jusqu’au bout ? Ne seront-ils pas tentés de composer avec la Tour de Babel islamiste ?