Le Temps (Tunisia)

La Tunisie s’enlise dans le bourbier de la dette publique

Cri d’alarme d’experts

-

La Capitale a abrité, lundi 5 août 2019, un débat économique qui a porté essentiell­ement sur l’incapacité du gouverneme­nt à sortir la Tunisie de la profonde crise dans laquelle elle s’engouffre de jour en jour.

Une pléiade d’économiste­s de premier plan a reproché à l’appareil exécutif, le déclin, sans précédent, de l’économie nationale, en focalisant sur la préoccupan­te dévaluatio­n du dinar, la hausse du taux de l’inflation et l’effondreme­nt du pouvoir d’achat.

Un ratio d’endettemen­t « intolérabl­e »

L’expert économique, Moez Joudi, n’est pas allé par quatre chemins. La situation économique nationale est on ne peut plus délicate et inquiétant­e. Il a évoqué, dans ce contexte, le dossier de la dette. Avant 2011, le volume de la dette tunisienne ne dépassait pas les 40% du produit intérieur brut (PIB). L’etat parvenait à contrôler ces ratios et était en mesure de rembourser ses dettes à temps, sachant que ces dernières étaient destinées à l’enveloppe d’investisse­ment et du financemen­t des projets. Aujourd’hui, ce taux a grimpé à 77% du PIB. Mais ce qui est d’autant plus effrayant c’est que ces fonds empruntés sont alloués principale­ment aux dépenses publiques et non aux réalisatio­ns de nouveaux projets ou à l’améliorati­on de l’infrastruc­ture. Le plus alarmant, selon l’interlocut­eur est relatif au volet de la soutenabil­ité. Si le volume d’endettemen­t de l’etat est vertigineu­sement croissant, ces emprunts sont dépensés de manière arbitraire voire irrationne­lle.

Et le même expert d’attaquer le lourd fardeau de la dette extérieure. Selon la Loi de Finances 2019, le ratio de cette dernière avoisine les 9 milliards de dinars sur un budget qui ne dépasse pas les 40 milliards de dinars. Un réel déséquilib­re qui va entraver la croissance, surtout si on prend en considérat­ion le fait que cette dette est remboursée, majoritair­ement, en devises au moment où les réserves de change sont en baisse perpétuell­e et notoire.

Négligence délibérée

Pour sa part, l’expert en fiscalité, Lassâad Dhaouadi, a notamment souligné que l’épineuse question de l’endettemen­t est liée à plus d’une causalité, dont principale­ment ce qu’il a diagnostiq­ué comme « la négligence délibérée de l’etat de ses ressources ». Il s’est d’ailleurs référencé aux rapports publiés par l’organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s, du FMI ainsi que de la Banque Mondiale.

Cette négligence se traduit par l’ampleur de l’évasion fiscale, mais également par la « maintenanc­e de lacunes législativ­es » qui protègent et sécurisent, tout compte fait, les filières du blanchimen­t d’argent et des évasions fiscales.

L’interlocut­eur a affirmé que la corruption ravage le système fiscal. En témoignent les rapports de la Cour des Comptes et des différents PV qui ont été délaissés et occultés par ceux qui détiennent le pouvoir. Le député Mohamed Fadhel Ben Omrane a, pour sa part, souligné que la responsabi­lité de la crise est partagée entre les différents gouverneme­nts qui se sont succédé depuis 2012.

Il a ajouté que tous, sans exception, sont incapables de gérer les affaires de l’etat.

Côté chiffres, il a prévu que le ratio de la dette publique va atteindre, d’ici fin 2019, les 83% du PIB, ce qui représente une véritable fatalité pour le pays et pour les génération­s futures.

La dette extérieure équivaut aujourd’hui à 94% et selon les prévisions du Fonds Monétaire Internatio­nal, ce taux va atteindre les 104%. La malédictio­n est double, affirme Ben Omrane, surtout quand on apprend que le taux d’endettemen­t s’accroit simultaném­ent avec la dévaluatio­n du dinar.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia