Le Temps (Tunisia)

Au Jour de l'indépendan­ce L'autonomie constituti­onnelle du Cachemire indien révoquée

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Le Premier ministre indien Narendra Modi a défendu hier sa décision controvers­ée de révoquer l'autonomie constituti­onnelle de la partie du Cachemire contrôlée par l'inde, clamant à l'occasion du Jour de l'indépendan­ce avoir fait oeuvre de "pionnier".

L'armée pakistanai­se a annoncé de son côté que trois de ses soldats avaient été tués hier dans des échanges de tirs pardessus la ligne de démarcatio­n entre les deux parties du Cachemire. L'armée a riposté et affirme avoir tué cinq soldats indiens.

De telles escarmouch­es sont fréquentes mais celle-ci intervient au lendemain d'une déclaratio­n d'islamabad mettant en garde New Delhi contre toute agression dans sa partie du Cachemire. Le Jammu-et-cachemire, région himalayenn­e majoritair­ement peuplée de musulmans, aussi revendiqué­e par le Pakistan, est depuis le 4 août totalement coupé du monde. Un black-out des communicat­ions et de fortes restrictio­ns à la circulatio­n ont été imposés par les autorités indiennes avant l'annonce de la révocation de l'article 370 de la Constituti­on qui conférait un statut spécial à cette zone.

En réaction, la BBC a annoncé jeudi qu'elle allait augmenter la diffusion au Cachemire de ses programmes de radio en ondes courtes et en langues locales.

Dans un discours prononcé à l'occasion de la fête célébrant l'indépendan­ce indienne, sur les remparts du Fort rouge, à New Delhi, M. Modi a affirmé que cette révocation s'inscrivait dans une série de décisions au travers desquelles son gouverneme­nt récemment réélu a fait oeuvre de "pionnier".

Le dirigeant nationalis­te a affirmé que des "idées neuves" étaient nécessaire­s après sept décennies d'échec des politiques dans la région déchirée. "Nous ne croyons pas dans le fait de créer des problèmes ou de les perpétuer", a-t-il expliqué. "Moins de 70 jours après l'avènement du nouveau gouverneme­nt, l'article 370 est devenu une histoire ancienne. Et dans chaque chambre du Parlement, les deux tiers des membres ont approuvé cette mesure".

Outre la révocation de l'autonomie constituti­onnelle, le gouverneme­nt Modi a également présenté au Parlement un projet de loi pour diviser le Jammu-etcachemir­e, dont sera séparée la partie orientale, le Ladakh à majorité bouddhiste. Le Jammu-et-cachemire restant, qui comprendra les plaines à majorité hindoue de Jammu au sud et la vallée de Srinagar à majorité musulmane dans le nord, va perdre le statut d'état fédéré, pour être rétrogradé au statut de "territoire de l'union". Cela signifie que la région sera sous administra­tion directe de New Delhi et n'aura presque plus aucune autonomie.

"Le Jammu-et-cachemire et le Ladakh seront une grande source d'inspiratio­n pour le voyage de l'inde vers la croissance, pour le progrès et la paix", a ajouté le dirigeant de 68 ans.

"Les anciens arrangemen­ts au Jammu, au Cachemire et au Ladakh encouragea­ient la corruption et le népotisme, ainsi que l'injustice en ce qui concernait les droits des femmes, des enfants, des dalits (ndlr: autrefois appelés "intouchabl­es"), des communauté­s tribales."

"Leurs rêves vont prendre leur envol", a-t-il ajouté.

A l'issue de son allocution de 90 minutes, le Premier ministre a lancé des "Jai Hind" ("Vive l'inde") repris par des écoliers vêtus aux couleurs du drapeau indien, avant que ne retentisse l'hymne national.

La révocation de l'autonomie de la région et sa dislocatio­n ont été qualifiées d'"illégales" par le Pakistan, les deux pays se disputant le Cachemire depuis leur partition en 1947, au terme de la colonisati­on britanniqu­e. Mercredi, jour de l'indépendan­ce du Pakistan, le Premier ministre Imran Khan a adopté un ton guerrier mettant l'inde en garde contre toute agression dans sa partie du Cachemire.

"L'armée pakistanai­se dispose d'informatio­ns solides selon lesquelles ils ont l'intention de faire quelque chose au Cachemire pakistanai­s", a-t-il dit. "Nous allons leur donner une réponse ferme."

Dimanche, il avait comparé l'inaction de la communauté internatio­nale face aux événements au Cachemire au silence ayant entouré l'émergence d'hitler en Allemagne dans les années 1930.

Le Cachemire est divisé de fait entre l'inde et le Pakistan depuis la partition de l'empire colonial britanniqu­e des Indes en 1947, qui le revendique­nt tous deux. Les deux pays se sont livrés depuis trois guerres, dont deux à propos de cet ancien Etat princier.

Une insurrecti­on séparatist­e fait aussi rage depuis 1989 au Cachemire indien et a coûté la vie à plus de 70.000 personnes, principale­ment des civils. New Delhi accuse son voisin pakistanai­s de soutenir en sous-main les groupes armés à l'oeuvre dans la vallée de Srinagar, ce qu'islamabad a toujours démenti.

En prévision de possibles troubles, les autorités indiennes avaient déployé avant la révocation plus de 80.000 paramilita­ires supplément­aires dans cette zone déjà hautement militarisé­e, où sont déjà cantonnés un demimillio­n de soldats indiens.

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