Le ver est dans la pomme
Etat de droit et contrat social
La proposition du président de la République par intérim, Mohamed Ennaceur de concevoir un contrat social qui puisse garantir les droits et les libertés, est une initiative pertinente et intelligible car dénotant de cette volonté de mettre fin à toutes les tensions et les discordes dans un souci d’une véritable paix sociale. En effet, c’est là le but par tous les gouvernants qui s’engagent à prendre le sort du pays entre les mains. Cela est surtout constant dans les discours politiques, prononcés pendant les campagnes électorales, à charge de tenir leurs promesses une fois accédant au pouvoir.
Appâter pour mieux gouverner
En fait l’idée d’un contrat social ou d’un pacte intervient chaque fois que l’etat est fragilisé et que le pays se trouve dans une mauvaise passe tant sur le plan politique que socio-économique. Raison pour laquelle, face à cette menace de déclin, les gouvernants essaient d’intervenir dans un sens favorable aux doléances des citoyens, en vue d’une paix sociale.
Les trois types de contrat social qu’a connus le pays ne peuvent que corroborer cette idée. Il y a eu d’abord, en 1875 le pacte fondamental, préalable à la Constitution de 1861, dans lequel furent consacrés des principes de droits et de libertés publiques Le pacte national sous Ben Ali, a été signé en 1988, par l’ensemble de la classe politique.
Aucun de ces pactes sociaux, n’a été appliqué à la lettre, celui de 1875, ayant été délaissé, lorsque la situation a empiré sur le plan politique. Idem pour le pacte national de l’ex-président déchu, dont les promesses d’assurer la justice et de consolider les droits humains se sont peu à peu évaporés, à la grande désillusion de ceux qui ont tôt cru au père Noël. Si bien que l’on est amené à se poser des questions sur leur finalité. Etait-ce au fond un moyen par les gouvernants pour appâter le peuple et s’accorder un moment de répit, afin d’en tirer le meilleur profit possible.
Il ne s’agit donc pas de réaliser un contrat social sans cette volonté d’éradiquer efficacement et sérieusement les tares qui nuisent au pays à savoir, la corruption, dans tous ses aspects.
Entre les pratiques et la loi, un fossé
Lutter contre toute sorte de trafic, notamment avec les marches parallèles qui mènent le pays vers la ruine et nuisent à l’économie. Il est nécessaire de procéder à une épuration systématique dans tous les secteurs de l’etat, sans exception.
Est-il pensable en effet que ce sont actuellement les marchés parallèles monopolisés par les gros trafiquants qui commandent les prix ? Le commerce des cigarettes en est un exemple frappant. A-t-on jamais cherché à connaître qui sont les vrais trafiquants zen menant une sérieuse enquête pour les dénoncer ?
Par ailleurs plusieurs produits soumis au paiement de taxes, passent par les mailles du filet de la douane, moyennant des pots de vin avec les mêmes pratiques des deux poids deux mesures de l’ancien régime qui ont même empiré.
Sur le plan de l’emploi il n’y a pratiquement pas de contrôle, sur les méthodes de recrutement et ce, à plus d’un titre.
Il n’y a pas une vraie politique de l’emploi tendant à donner sa chance à chacun d’une façon équitable, favoritisme et corruption obligent. Des mineurs sont engagés dans des travaux pénibles, en violation des droits du travail et de l’enfance.
Sur le plan économique et financier, la corruption est aussi présente, surtout dans les opérations qui nécessitent une transparence absolue avec les appels d’offres, qui sont explicitement arrêtés par la loi.
En matière de justice, il n’y a pas suffisamment de moyens assurant un procès équitable et préservant les droits des justiciables comme il se doit.
Intègres dans leur majorité les magistrats ne cessent de dénoncer le manque d’agencement dans la distribution des tâches, et d’appeler à l’amélioration de la situation matérielle du juge. C’est justement la cause qui peut faire tomber certains dans la tentation. En Angleterre le magistrat a une suffisance matérielle telle qu’aucune tentative de corruption ne vienne lui effleurer l’esprit.
Corruption dans tous ses états
C’est donc à cause de la corruption sous toutes ses formes que le pays est en mauvaise passe sur le plan économique et social. Cela favorise le terrorisme dont la recrudescence est due en grande partie à un trafic qui a pu foisonner au fil du temps, depuis 2011, grâce à la corruption.
C’est à tous ces facteurs qu’il faut penser afin de réaliser un contrat social, où gouvernants et gouvernés s’engagent à abandonner des pratiques de l’homme primitif, et à se conformer à l’application stricte de la loi qui est la même pour tous.
Si le ver est dans le fruit, il faut traiter l’arbre et améliorer le terreau, avec de meilleurs ingrédients. La tâche est ardue, mais l’espoir est permis.
Il faut un contrat qui comme l’affirme Rousseau à juste titre : « ne répond pas à un désir, mais à un besoin vital. En effet, à un moment donné, les obstacles qui nuisent à la conservation des hommes dans l’état de nature viennent à l’emporter par leur résistance sur les forces que chaque individu peut employer pour se maintenir dans cet état. Alors cet état primitif ne peut plus subsister, et le genre humain périrait s’il ne changeait sa manière d’être ».