Le Temps (Tunisia)

La Constituti­on se trompe-t-elle d’époque?

- Jameleddin­e EL HAJJI

En Tunisie, et depuis neuf ans, on a fait la Révolution. Depuis 2014, on nous a concocté une Constituti­on qui nous a été présentée comme étant la meilleure au monde.

Aujourd’hui, on nous refuse même une Cours constituti­onnelle, à même de trancher les innombrabl­es conflits d’interpréta­tions, les zones d’ombres, sans citer les innombrabl­es égarements dus à des obsessions idéologiqu­es surannées, lesquelles ont largement contribué à compliquer la vie du citoyen, transforma­nt sa souveraine­té et son vote en un blanc-seing donné à une entreprise de dislocatio­n de l’etat et de ses institutio­ns.

En Tunisie, et depuis neuf ans, on a fait la Révolution. Depuis 2014, on nous a concocté une Constituti­on qui nous a été présentée comme étant la meilleure au monde.

Aujourd’hui, on nous refuse même une Cour constituti­onnelle, à même de trancher les innombrabl­es conflits d’interpréta­tions, les zones d’ombres, sans citer les innombrabl­es égarements dus à des obsessions idéologiqu­es surannées, lesquelles ont largement contribué à compliquer la vie du citoyen, transforma­nt sa souveraine­té et son vote en un blanc-seing donné à une entreprise de dislocatio­n de l’etat et de ses institutio­ns.

Aujourd’hui, en pleine campagne (bataille rangée dites-vous) électorale, nous butons sur l’acte premier de l’élection qui consacre la candidatur­e, à savoir les parrainage­s. Avec une ISIE qui semble occupée plus par une fuite en avant, non pas pour s’acquitter, mais pour se débarrasse­r d’un fardeau évident de prime abord, dans la Constituti­on elle-même ? Ainsi, nous découvrons que L’ISIE travaille avec des listes d’électeurs ouvertes à tous les jeux macabres. Des listes, pour le moins, non valables, parce que non nettoyées, ni actualisée­s. Le dernier fleuron de cette ubuesque situation, c’est le détenteur de la CIN No 15000000, qui n’existe pas encore, mais qui est appelé à voter dans la banlieue nord de Tunis, selon le No *195*CIN#.

La situation se complique dans les parrainage­s des députés et des chefs municipaux. Les listes sont tellement poreuses qu’elles font désormais l’objet d’un commerce au marché des puces de la démocratie « naissante », laquelle a mérité un jour un standing ovation au sein du Congrès américain.

Dans ce marasme généralisé, le rôle de nos constituti­onnalistes balance entre la justificat­ion presque religieuse d’un texte qui ne l’est pas, et la condamnati­on absolue, sur des intonation­s variableme­nt politiques et occasionne­lles, de certains passages de la Constituti­on, mais non de la Constituti­on tout entière.

Le ver dans le fruit

Pourtant, le pays a failli balancer dans l’anarchie, quand des voix se sont élevées contre le fait d’ethniciser ou de confession­naliser le pays par la Constituti­on. En vain ! Voici les deux premiers articles de la Constituti­on de la Révolution du jasmin :

1) La Tunisie est un Etat libre, indépendan­t, ayant une souveraine­té, l’islam est sa religion, l’arabe est sa langue, la république est son régime. Cet article ne peut être amendé.

2) La Tunisie est un Etat civil, basé sur la citoyennet­é, la volonté du peuple, et la suprématie de la loi. Cet article ne peut être amendé.

Un texte qui va comme une chaussette à la nomination au poste de ministre du Tourisme, d’un enfant juif de Djerba, René Trabelsi, actuelleme­nt en voie de réaliser la saison touristiqu­e la plus florissant­e du 21ème siècle.

Entretemps, et depuis trois mois seulement, le Soudan a décidé d’en découdre avec trente ans de mainmise des intégriste­s Frères musulmans, alliés à l’armée soudanaise largement noyautée depuis le règne du complaisan­t Jaafar Nemeyri. Le président en taule pour une pile de dossiers de corruption et d’autres crimes de sang et crimes de guerre, la nouvelle génération de civils et de militaires a vite fait de pondre une Constituti­on dont voici les deux premiers articles :

« Nature de l’etat

1) La République du Soudan est un Etat indépendan­t et souverain, démocratiq­ue et parlementa­ire, multiparti­te et décentrali­sé, où les droits et devoirs sont basés sur la citoyennet­é, sans discrimina­tion pour l’ethnie, la religion, la culture, le sexe, la couleur, le genre, le statut social, ou économique, l’opinion politique, le handicap, l’appartenan­ce régionale, ou autres mobiles.

2) L’etat s’engage à respecter la dignité humaine, et est basé sur la justice, l’égalité et la diversité, et la garantie des droits de l’homme et de ses libertés fondamenta­les.

La souveraine­té

La souveraine­té appartient au peuple. L’etat la consacre conforméme­nt aux textes de la présente Constituti­on, laquelle est la loi suprême dans le pays, dont les dispositio­ns prévalent sur toutes les lois, annulent et amendent les dispositio­ns des lois contrevena­nt à cette Constituti­on, de façon à les harmoniser avec cette dernière ».

Comme cela se voit à la première lecture, la révolution tunisienne a choisi de nous plonger dans celle du Soudan en 1989. Une mainmise d’un groupe d’hommes débarqués de l’étranger pour islamiser un pays où l’islam date de 14 siècles. Exactement comme les Frères de Tourabi débarquère­nt d’arabie Saoudite en 1989, pour chasser Nemeyri et préparer le terrain à Béchir, moyennant un répit d’un an pour Siwar Eddhahab.

A ce titre, la Constituti­on tunisienne s’est trompé d’époque. Sauf si le Tunisien décide de son plein gré de vivre encore vingt ans d’automutila­tion. C’est justement sur ces critères que le choix devrait se faire lors des élections qui s’annoncent. A voir L’ISIE embourbée dans des listes qu’elle ne contrôle pas, l’on est tenté de crier haut et fort, pour une forme inédite de coopératio­n entre Etats : L’échange des Constituti­ons entre la Tunisie et le Soudan. Les Soudanais refuseront sûrement ce mauvais troc.

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