Le "deuxième poumon vert de la planète" en train de brûler
Depuis quelques jours, les forêts d'afrique centrale brûlent encore plus vite que l'amazonie, dans l'indifférence générale. Mais attention aux conclusions hâtives : il ne s'agit pas d'incendies de même nature et leurs causes sont différentes. Abondamment diffusée, une carte satellitaire de la Nasa montre en rouge incandescent la zone des départs de feu qui prennent le coeur du continent africain en écharpe, du Gabon à l'angola, de l'atlantique à l'océan indien.
L'inquiétude est remontée jusqu'au G7 de Biarritz. "La forêt brûle également en Afrique subsaharienne. Nous sommes en train d'examiner la possibilité d'y lancer une initiative similaire à celle que nous venons d'annoncer pour l'amazonie", a tweeté Emmanuel Macron.
Les pays du G7 veulent en effet débloquer d'urgence 20 millions de dollars pour envoyer des avions bombardiers d'eau lutter contre les incendies de forêts en Amérique du Sud, même si le Brésil a refusé la main tendue. Mais ces Canadairs vont-ils bientôt aussi survoler les forêts primaires du Gabon en remplissant leur réservoir dans les rapides du fleuve Congo?
Comparaisons "hâtives"
L'inquiétude du président français est légitime. La forêt du bassin du Congo est communément comparée au "deuxième poumon vert" de la planète, après l'amazonie. Elle couvre une superficie d'environ 2 millions de km² sur plusieurs pays, dont une moitié en République démocratique du Congo (RDC), et le reste dans les pays voisins (Gabon, Congo, Cameroun et Centrafrique). Comme l'amazonie, les forêts du bassin du fleuve Congo absorbent des tonnes de CO2 dans leurs arbres et tourbières. Elles sont des sanctuaires d'espèces en voie de disparition, comme les éléphants des forêts, les grands singes... Prudence cependant. Les feux observés en Afrique sur les cartes de la Nasa "ne sont pas dans cette zone de forêt, mais plutôt en Angola, en Zambie", relève Guillaume Lescuyer, spécialiste de l'afrique centrale au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).
Dans un communiqué, l'angola s'est agacé des comparaisons hâtives avec le Brésil, "qui peuvent conduire à une dramatisation de la situation, et une désinformation des esprits les plus imprudents".
Des forêts menacées de disparition "à l'horizon 2100"
Ces feux sont ordinaires en cette fin de saison sèche, ajoute le ministère angolais de l'environnement : "Il se trouve qu'à cette époque de l'année, dans plusieurs régions de notre pays, il y a des incendies provoqués par les agriculteurs en phase de préparation des terres, en raison de la proximité de la saison des pluies".
"La forêt brûle en Afrique mais pas pour les mêmes causes", détaille Tosi Mpanu Mpanu, ambassadeur et négociateur climat pour la RDC aux conférences climat des Nations unies. "En Amazonie, la forêt brûle essentiellement à cause de la sécheresse et du changement climatique. Mais en Afrique centrale, c'est essentiellement dû aux techniques agricoles", poursuit-il. Pratique millénaire et artisanale, aux antipodes des cultures intensives de soja au Brésil, l'agriculture itinérante sur brûlis est la première cause de la déforestation.
En RDC, où seulement 9 % de la population a accès à l'électricité, les communautés villageoises n'ont que le bois pour faire bouillir la marmite. "Au rythme actuel d'accroissement de la population et de nos besoins en énergie, nos forêts sont menacées de disparition à l'horizon 2100", s'est inquiété la semaine dernière le président congolais Félix Tshisekedi.
Aux risques d'incendies s'ajoute la déforestation qui menace les essences (Okoumé du Gabon, Afrormosia de la RDC...) et l'exploitation des ressources naturelles, comme le pétrole et les mines. "On estime que le couvert forestier de la RDC est passé de 67 % à 54 % du territoire entre 2003 et 2018. La déforestation est réelle", reprend Tosi Mpanu Mpanu, "monsieur" climat de la RDC aux réunions annuelles des COP.