La Méditerranée fortement menacée
• La région se réchauffe 20% plus rapidement que la moyenne mondiale • En 20 ans, plus de 250 millions de personnes dans les pays méditerranéens seront classées comme «pauvres en eau»
Le 4ème Forum régional de l’union pour la Méditerranée (UPM) s’est tenu hier à Barcelone sur le thème: «Préparer l’avenir». Le forum qui a réunit les ministres des Affaires étrangères des États membres de l’upm, a été présidé par la coprésidence de l’upm, assumée par la Haute Représentante de l’union européenne pour la politique étrangère et de sécurité et la Vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini, et par le ministre des Affaires étrangères et des expatriés de Jordanie, Ayman Safadi. Il a également accueilli le ministre des Affaires étrangères, Union européenne et Coopération de l’espagne par intérim, Josep Borrell, et le Secrétaire Général de l’union pour la Méditerranée, Nasser Kamel.
Le 4ème Forum régional de l’union pour la Méditerranée (UPM) s’est tenu hier à Barcelone sur le thème: «Préparer l’avenir». Le forum qui a réuni les ministres des Affaires étrangères des États membres de l’upm, a été présidé par la coprésidence de l’upm, assumée par la Haute Représentante de l’union européenne pour la politique étrangère et de sécurité et la Vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini, et par le ministre des Affaires étrangères et des expatriés de Jordanie, Ayman Safadi. Il a également accueilli le ministre des Affaires étrangères, Union européenne et Coopération de l’espagne par intérim, Josep Borrell, et le Secrétaire Général de l’union pour la Méditerranée, Nasser Kamel.
S’appuyant sur le succès des trois premières éditions, le 4ème Forum régional de l’upm a été une occasion pour faire le bilan des progrès réalisés à ce jour et de discuter de la voie à suivre pour renforcer le développement, la coopération et l›intégration régionale dans la région euro-méditerranéenne.
À l›occasion du forum régional, le Secrétariat de l›upm a organisé un événement pour présenter les principales conclusions du tout premier rapport scientifique exhaustif sur l’impact du changement climatique et environnemental en Méditerranée, élaboré depuis 2015 par un réseau de plus de 80 scientifiques de l’ensemble de la zone euro-méditerranéenne nommés MEDECC - Experts méditerranéens en changements climatiques et environnementaux.
A l’ouverture des travaux, M.nasser Kamel SG de l’upm a indiqué que « Très conscient de ce besoin pressant, le Secrétariat de l’upm a commencé en 2015 à soutenir étroitement et à collaborer avec MEDECC, un réseau de 600 scientifiques issus des 35 pays de la région méditerranéenne. En unissant nos forces, nous avons construit une évaluation scientifiquement solide du changement climatique et environnemental et de ses impacts sur le bassin méditerranéen. Le résultat final de cette entreprise collective a été le développement de la toute première interface politique régionale sur les changements climatiques et environnementaux. ». Saisissant au vol les propos de M.nasser Kamel sur les aléas climatiques et les menaces qui pèsent sur la Méditerranée, l’ambassadeur Maciej Popwski, directeur général adjoint à l’union Européenne a rassuré l’assistance quant au soutien indéfectible de L’UE pour atténuer l’impact des changements climatiques en Méditerranée. « Je veux annoncer l’intention de L’UE de prévoir de nouveaux instruments pour combattre les changements climatiques dans la région », a-t-il asséné.
Une production scientifique intense
Après une intervention filmée en vidéo du secrétaire général du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), M.abdalah Mokssit dans laquelle il est revenu sur 30 ans de travaux laborieux où le GIEC évalue l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes, ses impacts. M. Mokssit a indiqué aussi que le GIEC identifie également les possibilités de limiter l’ampleur du réchauffement et la gravité de ses impacts et de s’adapter aux changements attendus. Selon lui, les rapports du GIEC fournissent un état des lieux régulier des connaissances les plus avancées. « Cette production scientifique est au coeur des négociations internationales sur le climat. Elle est aussi fondamentale pour alerter les décideurs et la société civile », a-t-il conclu. MME Elen Lemaître-curri, directrice Plan Bleu (Centre d’études régional) a rappelé le contexte historique qui a donné vie à ce rapport. « à la suite de l’appel lancé par les ministres de l’environnement de l’upm en 2014, qui soutient l’évaluation scientifique de MEDECC sur les impacts du changement climatique et environnemental dans le bassin méditerranéen, le Secrétariat de l’union pour la Méditerranée, en coopération avec Plan Bleu (Centre d’activités régionales du PNUE / PAM) et le MEDECC, a contribué à la mise en oeuvre de la Stratégie Méditerranéenne pour le Développement Durable 2016-2025 (SMDD) adoptée par les Parties contractantes à la Convention de Barcelone », a-telle indiqué.
Plus de 80 scientifiques
Elle a ajouté que Depuis 2015, un réseau de plus de 80 scientifiques de toute la région Euro-méditerranéenne (réseau Medecc) a élaboré un rapport majeur et novateur qui constituera la plus grande évaluation scientifique des changements climatiques et environnementaux au niveau régional en Méditerranée.
Place fut donnée à Mme Samia Cherif, coordinatrice et co-auteure du rapport, pour présenter les résultats préliminaires du rapport. A cet effet, elle a souligné que l’objectif du rapport est de fournir les meilleures informations scientifiques sur les risques liés aux changements climatiques et environnementaux pour la région méditerranéenne : étant bordée de trois continents, les zones de la région sont souvent traitées inutilement comme des entités distinctes dans les rapports officiels. Il vise, selon Mme Cherif à « faciliter la prise de décision et contribuer à la réalisation des contributions définies au niveau national dans le cadre de l’accord de Paris, des plans d’adaptation nationaux et d’autres politiques telles que le développement rural, la santé, la biodiversité et autres et à encourager la coopération régionale et concertée dans tous les domaines liés au changement climatique et environnemental »
Principales conclusions
Sur le plan du climat, le rapport constate que le bassin méditerranéen est l’un des points chauds les plus en vue du changement climatique et environnemental. Il abrite 500 millions de personnes.
En effet, la région méditerranéenne s’est réchauffée env. 1,5 ° C depuis l’époque préindustrielle, 20% plus vite que la moyenne mondiale. « Sans mesures d’atténuation supplémentaires, la température régionale augmentera de 2,2 ° C d’ici 2040, pouvant dépasser 3,8 ° C dans certaines sous-régions d’ici 2100 », estime les scientifiques selon MME Cherif.
En effet, les sécheresses extrêmes deviendront plus fréquentes dans tout le bassin méditerranéen, entraînant des impacts importants sur de nombreux systèmes.
En ce qui concerne le niveau de la mer, son élévation, bien qu’estimée jusqu’à présent à des niveaux plus bas, pourrait dépasser 1 m d’ici à 2100, ce qui toucherait un tiers de la population dans les zones côtières de la région et mettrait en péril les moyens de subsistance d’au moins 37 millions de personnes en Afrique du Nord.
En effet, d’ici 2050, les villes méditerranéennes représenteront la moitié des 20 villes du monde qui subissent les dommages annuels les plus importants dus à l’élévation du niveau de la mer. « Ces coûts vont mettre à rude épreuve les ressources déjà limitées de nombreuses zones urbaines de la région » souligne le rapport. De même, la productivité agricole dans les zones côtières est menacée par l’inondation des sols et les eaux souterraines par l’intrusion d’eau de mer.
Ressources en eau
Mais là ou le bat blesse, est le fait que la disponibilité en eau douce « diminuera probablement de 15% au cours des prochaines décennies, ce qui créera de graves contraintes pour l’agriculture et l’utilisation par l’homme dans une région déjà touchée par la pénurie d’eau ».
A cet effet, plus de 250 millions de personnes seront considérées comme «pauvres en eau» dans 20 ans. « Cela aura probablement de nombreuses répercussions sur les moyens de subsistance, notamment des sources de conflits accrus entre les peuples et une migration de masse accrue », révèle le rapport.
Les écosystèmes affectés
Le bassin méditerranéen est un haut lieu de la biodiversité dans le monde, mais de nombreux écosystèmes sont menacés par le changement climatique, la gestion des sols, la pollution et la surexploitation.
L’une des manifestations les plus inquiétantes est l’acidification de l’eau de mer et l’augmentation de la température de la mer qui ont déjà entraîné la perte de 41% des principaux prédateurs y compris les mammifères marins. « 34% des espèces de poissons sont perdues à cause de la surpêche » lit-on dans le rapport.
Sur la terre ferme, les changements de la biodiversité en Méditerranée incluent la dégradation des forêts et la perte de zones humides, mais aussi la perte d’habitats ouverts en raison de l’abandon de l’agropastoralisme. Les paysages agricoles perdent de nombreuses espèces de plantes, oiseaux et autres animaux en raison de l’intensification. Les changements climatiques et l’utilisation non durable des terres exacerberont ces tendances.
« Au cours des dernières décennies, l’augmentation de la température de l’eau a contribué à l’ampleur et à l’intensité des épidémies de méduses, qui sont devenues une espèce parasite car elles sont rares et perturbent d’autres écosystèmes très équilibrés », a fait remarquer Mme Cherif. Et d’ajouter que « l’invasion des moustiques tigres (Aedes albopictus) s’est aggravée par les changements climatiques et de l’environnement. Plus de 700 espèces de plantes et d’animaux marins non indigènes indiquent des conditions plus chaudes (venant souvent de la mer Rouge). Certains prédateurs exotiques, tels que les poissons-lions, peuvent leur conférer des avantages par rapport aux espèces indigènes, entraînant une extinction régionale ou la perte de leur habitat », a-t-elle expliqué. Pour sa part, M.volfgang Cramer a révélé que les méga incendies, causés par des conditions chaudes et sèches mais également des changements de paysage, « ont détruit des superficies forestières record ces dernières années, nuisant ainsi à la biodiversité et à leur capacité d’absorption du CO2. La future zone brûlée pourrait augmenter de 40%, avec un scénario de réchauffement de 1,5 ° C ».
La sécurité alimentaire
Pour lui, « la demande en denrées alimentaires devrait augmenter en raison de la croissance démographique et des pénuries surviendront lorsque les rendements des cultures, des poissons et du bétail vont diminuer. 90% des stocks de poisson commercial sont déjà surexploités en Méditerranée, le poids corporel maximal moyen du poisson devant diminuer jusqu’à 49% d’ici 2050 », a-t-il affirmé.
La santé humaine est également menacée, selon M.cramer. « Les maladies et les décès liés à la chaleur devraient devenir plus fréquents, en particulier dans les villes en raison de l’effet d’îlot thermique urbain et pour les groupes de population vulnérables tels que les personnes âgées, les jeunes et les plus pauvres. La dégradation de la qualité de l’air, du sol et de l’eau a des conséquences sur la santé humaine par le biais de maladies respiratoires et cardio-vasculaires, ainsi que sur un accès réduit à une alimentation saine », a-t-il assuré.
Toutefois, le rapport souligne aussi qu’à mesure que les vagues de chaleur deviennent plus fortes et plus fréquentes, les systèmes de soutien social pour les populations âgées et défavorisées deviennent plus tendus et renforcent les déséquilibres sociaux. En effet, « de par leur impact sur l’agriculture et la sécurité alimentaire, les sécheresses intenses ont joué un rôle important dans la crise régionale actuelle ». Il n’empêche, les pays du sud et de l’est de la Méditerranée sont généralement plus vulnérables en raison de leurs capacités socio-économiques limitées d’adaptation aux changements environnementaux. Les conflits concernant des ressources limitées (terre, eau, nourriture, etc.) peuvent accroître les migrations humaines à grande échelle.