Kaïs Saïed met la pression…douce
Le style change, les approches changent, le discours change, mais les exigences pour le pays ne changent pas. L’urgence première, aujourd’hui, c’est la formation d’un gouvernement. Le pays ne saurait en effet attendre longtemps, manquer de visibilité et supporter encore le poids intenable d’une conjoncture socio-économique où les indicateurs, hormis toute la bonne volonté du gouvernement Chahed et les bonnes nouvelles venant du GAFI, ont besoin d’être rééquilibrés. Le Président de la république sonne dès lors la fin de la récréation. Sans doute, les Tunisiens sont-ils encore curieux de mieux connaitre leur nouveau Président. Ils s’accrochent, surtout sur la toile, aux détails : son café matinal à côté de sa maison à Mnihla ; des interprétations tenant aux raisons qui font qu’il ne se soit pas encore installé avec sa famille à Carthage ; la prière du vendredi à la mosquée…
Le style change, les approches changent, le discours change, mais les exigences pour le pays ne changent pas. L’urgence première, aujourd’hui, c’est la formation d’un gouvernement. Le pays ne saurait en effet attendre longtemps, manquer de visibilité et supporter encore le poids intenable d’une conjoncture socio-économique où les indicateurs, hormis toute la bonne volonté du gouvernement Chahed et les bonnes nouvelles venant du GAFI, ont besoin d’être rééquilibrés.
Le Président de la république sonne dès lors la fin de la récréation. Sans doute, les Tunisiens sont-ils encore curieux de mieux connaitre leur nouveau Président. Ils s’accrochent, surtout sur la toile, aux détails : son café matinal à côté de sa maison à Mnihla ; des interprétations tenant aux raisons qui font qu’il ne se soit pas encore installé avec sa famille à Carthage ; la prière du vendredi à la mosquée… Autant de curiosités qui titillent l’imagination « légendaire » de nos compatriotes. Mais nous l’avions souligné déjà : Kaïs Saïed, l’anti-vedette, est vedette malgré lui. Un OVNI, s’il ne fait pas peur, du moins il suscite la curiosité. Mais, comme par un effet de « fascination », on part à l’exploration du monde Saïed, ce monde qu’il s’arrange pour garder opaque et secret.
Un bâton de pèlerin
Sauf que le nouveau Président relève déjà les défis annoncés. Il sait que l’urgence première consiste à infléchir la formation d’un gouvernement. Il entame donc un cycle de consultations. D’abord, la visite dite de « courtoisie » chez lui à La Mnihla, des dignitaires du Mouvement Echaab, et dont on s’imagine bien qu’il a été question de gouvernement et la position de ce parti vis-à-vis des intentions d’ennahdha, officiellement et constitutionnellement le parti qui doit former le gouvernement.
Mais, après, le nouveau Président s’est (avant-hier) officiellement et personnellement investi dans la question. Il reçoit donc Rached Ghannouchi, le leader d’ennahdha parti vainqueur des législatives. Juste après, il reçoit le président de Qalb Tounes, Nabil Karoui (c'est-à-dire son compétiteur dans la finale de la présidentielle). Il reçoit enfin, dans la même journée, le leader d’attayar Mohamed Abbou. Concertations certes, négociations peut-être –quoique ce ne soit pas son rôle- mais quelque chose qui émerge : Kaïs Saïed a fait comprendre aux uns et aux autres que le gouvernement ne doit pas être assujetti aux quotas partisans, même s’il a clairement déclaré respecter « religieusement » l’article 89 de la constitution, lequel article stipule qu’il incombe à Ennahdha, parti vainqueur des législatives, de désigner la personnalité de sa préférence et c’est cette personnalité qui formera le gouvernement. Dans ce marathon de concertations, le Président a-t-il officiellement demandé à Ennahdha d’y procéder ? Pas encore. D’ailleurs, selon certaines indiscrétions, il le fera (il y est obligé), mais il prendra tout son temps pour connaitre les intentions des blocs parlementaires formant la nouvelle architecture parlementaire. Et c’est donc parti : un bâton de pèlerin, une technique, plutôt une violence douce: pas de gouvernement de complaisances partisanes. Et, pourquoi pas, un gouvernement de salut national formé de compétences affirmées.
Quelle position réelle d’ennahdha ?
Dans ce tsunami électoral provoqué d’abord par la déferlante Kaïs Saïed, provoqué ensuite par le dépérissement de Nidaa Tounes, par la régression des forces centristes progressistes, et par la disparition de la Gauche dans la nomenclature parlementaire, Ennahdha se retrouve sans adversaires réels, si l’on exclut le parti d’abir Moussi (qui est en train d’imiter les épanchements fascisants de Marine Lepen et ça commence à ennuyer). Mais Ennahdha se retrouve aussi sans alliés. Seifeddine Makhlouf, le plus proche du parti islamiste sur le plan idéologique, ne se voit pas satellisé par les caciques de Montplaisir. Le parti Errahma, artillerie légère dans le rapport des forces au parlement, mais idéologiquement outrancièrement «lourde» se distancie lui aussi d’ennahdha. On connait par ailleurs la position du Mouvement Echaab qui est en train de pousser vers un concept surgi ces derniers jours et tenant au « parti du président », alors que le Président n’en a pas constitutionnellement le droit, du moins tant qu’il est à Carthage. On connait les franches injonctions de Mohamed Abbou. On sait par ailleurs qu’ennahdha a bien déclaré à maintes reprises que le gouvernement qu’elle formera exclut systématiquement
Qalb Tounes.
Au demeurant, le triomphalisme des premiers jours après le verdict des législatives, a été très mal perçu par les Tunisiens et par les sympathisants nahdhaouis eux-mêmes. L’arrogance du pouvoir est en effet mauvaise conseillère. Et puis, toutes ces déclarations obséquieuses et laudatrices en faveur du « leader » et les acclamations pour son intronisation à la Kasbah. Et puis, encore, cette baguette magique de 12 milliards de dinars qu’ennahdha rapporterait au budget de l’etat… On sait qui en seraient les pourvoyeurs de fonds. Dérapages donc, auxquels a néanmoins remédié Rached Ghannouchi, dans sa déclaration après l’entrevue avec le Président. Curieux de constater aussi que Nabil Karoui ait, pour sa part, tendu la main et que Mohamed Abbou ait un tantinet assoupli ses positions.
Maintenant, Ennahdha assouplit-elle aussi ses positions ? Ce ne sera plus la Troïka, ce ne sera plus le consensus avec feu BCE. Peut-être bien une troisième voie à laquelle appelle Kaïs Saïed. Sortie de crise ?