Contenter tout le monde et ne satisfaire personne ?
Habib Jemli au milieu d’un scénario surréaliste :
Il veut donner l’impression d’être un homme bien droit dans ses bottes, parfaitement conscient des enjeux qui détermineront la formation du prochain gouvernement, clamant dès le départ « son indépendance », avec cependant une certaine gêne face à tout ce qui s’est dit sur lui et sur son CV. Ce n’est pas à proprement parler d’un homme qui surgit du néant. Mais c’est un homme qui vient de loin. Et qui a battu en brèche, sur la ligne d’arrivée, des prétendants de calibre comme Mongi Marzouk, polytechnicien jugé par les caciques du Conseil de la Choura un peu trop indépendant et imbu de sa personne, ou encore Habib Kchaou et Ridha Ben Mosbah, dont les cursus sont autrement plus touffus que le sien, eh bien cela décuple la pression qui pèse sur ses épaules. Il est vrai que le mouvement de lèvres de Cheikh Rached a été, comme toujours, déterminant. C’est donc lui son oiseau rare, un peu trop rare, en fait.
Il veut donner l’impression d’être un homme bien droit dans ses bottes, parfaitement conscient des enjeux qui détermineront la formation du prochain gouvernement, clamant dès le départ « son indépendance », avec cependant une certaine gêne face à tout ce qui s’est dit sur lui et sur son CV. Ce n’est pas à proprement parler d’un homme qui surgit du néant. Mais c’est un homme qui vient de loin. Et qui a battu en brèche, sur la ligne d’arrivée, des prétendants de calibre comme Mongi Marzouk, polytechnicien jugé par les caciques du Conseil de la Choura un peu trop indépendant et imbu de sa personne, ou encore Habib Kchaou et Ridha Ben Mosbah, dont les cursus sont autrement plus touffus que le sien, eh bien cela décuple la pression qui pèse sur ses épaules. Il est vrai que le mouvement de lèvres de Cheikh Rached a été, comme toujours, déterminant. C’est donc lui son oiseau rare, un peu trop rare, en fait.
Pour autant, Habib Jemli n’entend pas, ou, du moins, il en donne l’impression , se laisser assujettir aux désidératas des uns et des autres, quitte à contrevenir aux « injonctions » (déjà ?) de son bienfaiteur. Il prend donc son bâton de pèlerin et entame, dès hier, ces consultations dont il dit qu’elles n’excluront aucune formation représentée au parlement (on ne sait pas s’il osera discuter avec Abir Moussi et tenter le diable) et il a même parlé de compétences technocrates indépendantes. Quelle liberté de manoeuvre cependant ?
Le bourbier des alliés révolutionnaires
Il commence avec un premier handicap déjà : est-il Nahdhaoui ou non ? Son passage comme secrétaire d’etat dans les deux gouvernements de la Troïka constituent autant d’indices aux yeux de ceux, parmi les prétendants à la formation gouvernementale, qui exigeaient que le futur Chef du gouvernement n’émanât point des rangs d’ennahdha. De sorte qu’il s’est retrouvé, dès le départ à se justifier, à se dissocier de cet ADN handicapant et à étaler son cursus d’ancien commis de l’etat, ses diplômes et ses expériences dans le secteur privé. La pression vient surtout du Mouvement Echaab qui affirme, de la bouche même de Zouheir Maghzaoui,
que son parti est en train de passer le Chef du gouvernement désigné sous la loupe. Ils verront bien, toujours selon leurs dires, si Habib Jemli exclura Qalb Tounes de la formation gouvernementale. En soi, cette position est pour le moins paradoxale : Echaab refuse que le Chef du gouvernement désigné soit issu des rangs d’ennahdha et, en même temps, il refusera que Qalb Tounes participe au gouvernement, ce qui rejoint la position de Rached Ghannouchi. Donc, Habib Jemli ne serait pas aussi indépendant qu’il voudrait l’être.
De son côté Attayar, dont on dit qu’il est secoué par des remous internes, affirme, à travers Mohamed Hamdi, que les déclarations de Habib Jemli ne sont pas encourageantes, ne serait-ce que parce qu’il s’oriente vers l’option de personnalités indépendantes des partis pour chapeauter les ministères de souveraineté. Voilà de quoi inspirer un certain « radicalisme » de la part de Mohamed Abbou : il veut toujours les ministères de l’intérieur, de la Justice et de la Réforme administrative. Et puis, Attayar ne digère toujours pas « l’éviction » par les soins d’ennahdha de Ghazi Chaouachi de la vice-présidence de L’ARP. Quant à Ennahdha, on la voit mal consentir à ce que des ministères régaliens tels l’intérieur et la Justice ne soient pas dans son giron et en dehors de son influence. En fait, les premiers sérieux écueils ce sont deux partis dits révolutionnaires qui les dressent, la Coalition Al Karama étant toujours dans sa logique : soutien inconditionnel à Ennahdha, mais passage dans l’opposition au cas où Qalb Tounes figurait dans le gouvernement Jemli. Bourbier donc.
Injonction ou simple pavé de Ghannouchi ?
Comme pour apaiser les esprits, Rached Ghannouchi, qui n’a pas fait la fine bouche au moment où les 38 députés de Qalb Tounes votaient pour lui (il leur a rendu la politesse en votant pour Samira Chaouachi), déclare que Qalb Tounes n’est pas concerné dans la formation du gouvernement. En sa qualité de quoi émet-il ce verdict ? Comme (déjà ?) maitre spirituel de Habib Jemli et, même, maitre à penser ? Comme Président de L’ARP qui entend avoir un pied officiel au Bardo et un autre, occulte, à la Kasbah ? Ou tout simplement comme président d’ennahdha, contraint de tenir parole vis-à-vis de ses électeurs auxquels il avait promis que son mouvement ne s’allierait jamais à un parti sur lequel pèsent « des suspicions de corruption » ? C’est donc pour la consommation interne ou pour la consommation publique et médiatique ? Et, pourtant, avant d’annoncer le nom de Habib Jemli, Rached Ghannouchi et Nabil Karoui auraient eu un bref entretien. Comme ils en avaient eu un autre, auparavant, avant les élections à la tête de L’ARP. Ali Larayedh tempère dans une déclaration à notre confrère «Assabah News»: il le fait à sa manière, dans le style du « oui, mais », mais jetant la balle à Habib Jemli. En d’autres termes c’est à ce dernier d’en juger. On ne saurait dire, à cet effet, si le Chef de gouvernement désigné s’en laissera influencer, mais le fait est là : hier, il s’est entretenu avec Nabil Karoui et une délégation de Qalb Tounes, lequel Qalb Tounes est, de son côté lui aussi, en proie à des remous internes, venant surtout de ses propres bases qui se disent trahies.
Le chemin est en effet encore long et autrement parsemé d’embûches. Habib Jemli se retrouve au milieu d’un scénario surréaliste : contenter tout le monde et ne satisfaire personne. Avec un Parlement aussi émietté et carrément volatile, l’opposition, quelle que soit sa coloration, est en effet trop forte. Et quelles que soient ses colorations, une potentielle coalition gouvernementale ne sera jamais assez forte et assez compacte pour obtenir ce satané vote de confiance. A moins de déployer les grandes manoeuvres. Avec, ou sans, l’assentiment de Habib Jemli….