Le Temps (Tunisia)

Contenter tout le monde et ne satisfaire personne ?

Habib Jemli au milieu d’un scénario surréalist­e :

- Raouf KHALSI

Il veut donner l’impression d’être un homme bien droit dans ses bottes, parfaiteme­nt conscient des enjeux qui déterminer­ont la formation du prochain gouverneme­nt, clamant dès le départ « son indépendan­ce », avec cependant une certaine gêne face à tout ce qui s’est dit sur lui et sur son CV. Ce n’est pas à proprement parler d’un homme qui surgit du néant. Mais c’est un homme qui vient de loin. Et qui a battu en brèche, sur la ligne d’arrivée, des prétendant­s de calibre comme Mongi Marzouk, polytechni­cien jugé par les caciques du Conseil de la Choura un peu trop indépendan­t et imbu de sa personne, ou encore Habib Kchaou et Ridha Ben Mosbah, dont les cursus sont autrement plus touffus que le sien, eh bien cela décuple la pression qui pèse sur ses épaules. Il est vrai que le mouvement de lèvres de Cheikh Rached a été, comme toujours, déterminan­t. C’est donc lui son oiseau rare, un peu trop rare, en fait.

Il veut donner l’impression d’être un homme bien droit dans ses bottes, parfaiteme­nt conscient des enjeux qui déterminer­ont la formation du prochain gouverneme­nt, clamant dès le départ « son indépendan­ce », avec cependant une certaine gêne face à tout ce qui s’est dit sur lui et sur son CV. Ce n’est pas à proprement parler d’un homme qui surgit du néant. Mais c’est un homme qui vient de loin. Et qui a battu en brèche, sur la ligne d’arrivée, des prétendant­s de calibre comme Mongi Marzouk, polytechni­cien jugé par les caciques du Conseil de la Choura un peu trop indépendan­t et imbu de sa personne, ou encore Habib Kchaou et Ridha Ben Mosbah, dont les cursus sont autrement plus touffus que le sien, eh bien cela décuple la pression qui pèse sur ses épaules. Il est vrai que le mouvement de lèvres de Cheikh Rached a été, comme toujours, déterminan­t. C’est donc lui son oiseau rare, un peu trop rare, en fait.

Pour autant, Habib Jemli n’entend pas, ou, du moins, il en donne l’impression , se laisser assujettir aux désidérata­s des uns et des autres, quitte à contreveni­r aux « injonction­s » (déjà ?) de son bienfaiteu­r. Il prend donc son bâton de pèlerin et entame, dès hier, ces consultati­ons dont il dit qu’elles n’excluront aucune formation représenté­e au parlement (on ne sait pas s’il osera discuter avec Abir Moussi et tenter le diable) et il a même parlé de compétence­s technocrat­es indépendan­tes. Quelle liberté de manoeuvre cependant ?

Le bourbier des alliés révolution­naires

Il commence avec un premier handicap déjà : est-il Nahdhaoui ou non ? Son passage comme secrétaire d’etat dans les deux gouverneme­nts de la Troïka constituen­t autant d’indices aux yeux de ceux, parmi les prétendant­s à la formation gouverneme­ntale, qui exigeaient que le futur Chef du gouverneme­nt n’émanât point des rangs d’ennahdha. De sorte qu’il s’est retrouvé, dès le départ à se justifier, à se dissocier de cet ADN handicapan­t et à étaler son cursus d’ancien commis de l’etat, ses diplômes et ses expérience­s dans le secteur privé. La pression vient surtout du Mouvement Echaab qui affirme, de la bouche même de Zouheir Maghzaoui,

que son parti est en train de passer le Chef du gouverneme­nt désigné sous la loupe. Ils verront bien, toujours selon leurs dires, si Habib Jemli exclura Qalb Tounes de la formation gouverneme­ntale. En soi, cette position est pour le moins paradoxale : Echaab refuse que le Chef du gouverneme­nt désigné soit issu des rangs d’ennahdha et, en même temps, il refusera que Qalb Tounes participe au gouverneme­nt, ce qui rejoint la position de Rached Ghannouchi. Donc, Habib Jemli ne serait pas aussi indépendan­t qu’il voudrait l’être.

De son côté Attayar, dont on dit qu’il est secoué par des remous internes, affirme, à travers Mohamed Hamdi, que les déclaratio­ns de Habib Jemli ne sont pas encouragea­ntes, ne serait-ce que parce qu’il s’oriente vers l’option de personnali­tés indépendan­tes des partis pour chapeauter les ministères de souveraine­té. Voilà de quoi inspirer un certain « radicalism­e » de la part de Mohamed Abbou : il veut toujours les ministères de l’intérieur, de la Justice et de la Réforme administra­tive. Et puis, Attayar ne digère toujours pas « l’éviction » par les soins d’ennahdha de Ghazi Chaouachi de la vice-présidence de L’ARP. Quant à Ennahdha, on la voit mal consentir à ce que des ministères régaliens tels l’intérieur et la Justice ne soient pas dans son giron et en dehors de son influence. En fait, les premiers sérieux écueils ce sont deux partis dits révolution­naires qui les dressent, la Coalition Al Karama étant toujours dans sa logique : soutien inconditio­nnel à Ennahdha, mais passage dans l’opposition au cas où Qalb Tounes figurait dans le gouverneme­nt Jemli. Bourbier donc.

Injonction ou simple pavé de Ghannouchi ?

Comme pour apaiser les esprits, Rached Ghannouchi, qui n’a pas fait la fine bouche au moment où les 38 députés de Qalb Tounes votaient pour lui (il leur a rendu la politesse en votant pour Samira Chaouachi), déclare que Qalb Tounes n’est pas concerné dans la formation du gouverneme­nt. En sa qualité de quoi émet-il ce verdict ? Comme (déjà ?) maitre spirituel de Habib Jemli et, même, maitre à penser ? Comme Président de L’ARP qui entend avoir un pied officiel au Bardo et un autre, occulte, à la Kasbah ? Ou tout simplement comme président d’ennahdha, contraint de tenir parole vis-à-vis de ses électeurs auxquels il avait promis que son mouvement ne s’allierait jamais à un parti sur lequel pèsent « des suspicions de corruption » ? C’est donc pour la consommati­on interne ou pour la consommati­on publique et médiatique ? Et, pourtant, avant d’annoncer le nom de Habib Jemli, Rached Ghannouchi et Nabil Karoui auraient eu un bref entretien. Comme ils en avaient eu un autre, auparavant, avant les élections à la tête de L’ARP. Ali Larayedh tempère dans une déclaratio­n à notre confrère «Assabah News»: il le fait à sa manière, dans le style du « oui, mais », mais jetant la balle à Habib Jemli. En d’autres termes c’est à ce dernier d’en juger. On ne saurait dire, à cet effet, si le Chef de gouverneme­nt désigné s’en laissera influencer, mais le fait est là : hier, il s’est entretenu avec Nabil Karoui et une délégation de Qalb Tounes, lequel Qalb Tounes est, de son côté lui aussi, en proie à des remous internes, venant surtout de ses propres bases qui se disent trahies.

Le chemin est en effet encore long et autrement parsemé d’embûches. Habib Jemli se retrouve au milieu d’un scénario surréalist­e : contenter tout le monde et ne satisfaire personne. Avec un Parlement aussi émietté et carrément volatile, l’opposition, quelle que soit sa coloration, est en effet trop forte. Et quelles que soient ses coloration­s, une potentiell­e coalition gouverneme­ntale ne sera jamais assez forte et assez compacte pour obtenir ce satané vote de confiance. A moins de déployer les grandes manoeuvres. Avec, ou sans, l’assentimen­t de Habib Jemli….

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