Johnson et Corbyn s'écharpent à la télé
Boris Johnson-jeremy Corbyn, le robuste et le longiligne, le blond et le gris, la droite et la gauche, le jour et la nuit. Comme il fallait s'y attendre, le premier face-à-face en vue des élections britanniques du 12 décembre entre les deux principaux prétendants au 10 Downing Street a été un dialogue de sourds. Si le Premier ministre a consolidé son statut de favori, il est ardu de savoir ce que retiendront les indécis et les abstentionnistes de ce corps-àcorps qui a incarné jusqu'à la caricature un royaume fragmenté et fracturé qui ne sait plus à quel saint se vouer.
Lors de la joute de Salford (nord-ouest de l'angleterre), Boris Johnson est apparu fidèle à lui-même. Tel un de ces féroces bretteurs aux yeux bleus malicieux éclairant un visage massif peints par Holbein qui pendent aux cimaises du château de Windsor, le chef du gouvernement a été agressif, coupant la parole, pointant du doigt les approximations et les contre-vérités de son rival. Il a ainsi conforté son image, entre truculence et emportement, faste et autorité. Peu d'amabilité, mais de la courtoisie envers le candidat travailliste au projet radicalement opposé. Jeremy Corbyn, en revanche, est un socialiste au pedigree militant impeccable. La voix très contrôlée, sans le moindre couac émotif, il n'a jamais oublié couplets et refrains des nationalisations, de la semaine de quatre jours, de l'anti-monarchisme et ainsi de suite. À l'image d'une « Tête-ronde », on le verrait bien, malgré son regard bienveillant sous un sourcil toujours à demi levé, charger aux côtés du républicain Oliver Cromwell, embrochant les cavaliers du roi. Le Brexit, l'ajout de Johnson Boris Johnson semble avoir davantage convaincu. Son grand atout, répété à en indisposer, a été celui d'être en capacité de réaliser le Brexit grâce à l'accord scellé avec Bruxelles, prévoyant un départ du Royaume-uni au 31 janvier.
En revanche, Corbyn est apparu plus à l'aise que Johnson sur la préservation du service national de santé, la lutte contre les inégalités et la question de la probité personnelle.
Sur les nationalisations massives prévues par le Labour, Boris Johnson a posé la question évidente, comment allez-vous régler la facture de cette liste « à la Prévert » – postes, distribution d'électricité et d'eau, chemins de fer, Internet à haut débit…? Le financement est pour le moins incertain, sans parler des investissements publics colossaux promis par le premier parti d'opposition. Corbyn ne l'a pas dit exactement comme cela, mais le message est aussi clair que celui de François Hollande en 2012, « les riches paieront ».