«Je conseille vivement aux photographes tunisiens et africains de déposer leur candidature»
Elle était en résidence de recherche et de création à la Villa Ndar de Saint-louis du Sénégal pour continuer à travailler sur sa série photographique «Nous avons rendez-vous où les océans se rencontrent». Saint-louis du Sénégal, une ville de plusieurs cou
Le Temps : Ce n’est pas la première fois que vous êtes sélectionnée pour la Biennale de la photographie africaine de Bamako. Parlez-nous un peu de l’expérience de vos deux précédentes participations.
Mouna KARRAY :
Oui en effet. J’ai été sélectionnée en 2007, c’était une découverte pour moi les Rencontres professionnelles mais aussi le Mali et la ville de Bamako. Le thème des 7e Rencontres était «Dans la ville et au-delà». J’y avais présenté des photographies issues de la série «Murmurer». Une série qui trace un portrait d’une architecture défunte de ma ville natale Sfax et révèle la mémoire de sa zone portuaire, un lieu malmené par les décisions politiques depuis l’indépendance de la Tunisie. Comment ces décisions ont changé au fil des années l’esthétique de la ville.
En 2011, le thème des Rencontres était «Pour un monde durable». J’y ai participé avec la série «L’équilibre précaire». Une installation photo avec des plans serrés de vendeurs ambulants à Niamey qui semblent trouver un équilibre aussi précaire que celui des marchandises qui pèsent et balancent sur leur tête ou leurs épaules.
Ces deux expériences ont été enrichissantes et je conseille vivement aux photographes tunisiens et africains de déposer
Une des photographies de la série «Nous avons rendez-vous où les océans se rencontrent». Année 2019. Tirage jet d’encre sur papier baryté. ©Mouna Karray
leur candidature. Pourquoi nouveau ?
Le thème de la 12e édition est riche et stimulant. J’ai trouvé que le sujet de ma nouvelle série photographique «Nous avons rendez-vous où les océans se rencontrent» s’inscrivait bien dans la thématique de la biennale cette année, «Courants de conscience», ce qui m’a encouragé à participer à nouveau. Bamako est un rendez-vous incontournable pour les photographes du continent et de la diaspora. La Biennale donne, en effet, une visibilité importante aux artistes africains.
yparticiper
de Qu’attendez-vous des Rencontres de cette année ?
Des oeuvres à découvrir, des débats riches. C’est le 25e anniversaire de la Biennale qui est devenue une tradition qui persiste et résiste malgré l’instabilité politique que le Mali a connue. Pour moi, ce sera un moment important de rencontres professionnelles avec les photographes, les critiques d’arts, les curateurs et aussi des institutions.
Quelles sont les oeuvres que vous allez y présenter ?
C’est une sélection de 11 photographies en noir et blanc d’une série, en cours, «Nous avons rendez-vous où les océans se rencontrent», une expression que j’emprunte à Edouard Glissant dans son livre «Une nouvelle région du monde».
Je suis parti de réflexions sur la photographie : d’une part comment de simples réalités peuvent devenir, en étant photographiées, des images très complexes ? D’autre part, comment certaines images dans les médias sont utilisées comme preuve pour témoigner de la réalité de personnes dont l’identité se perd dans des silhouettes anonymes qui en font des inconnus familiers ?
Si la photographie est mon médium, ce n’est qu’en tant qu’elle me permet d’interroger les techniques du regard et de renouveler les imaginaires.
En négatif, je photographie des scènes familières de personnes qui se côtoient sur des places, dans des rues et sur des rivages. Je photographie aussi des paysages, des espaces intimes… Des existences séparées se côtoient sur ma table lumineuse. Puis je superpose librement, comme un palimpseste visuel, des négatifs pour les photographier à nouveau. A partir du fichier, un nouveau territoire se crée et un nouveau sens surgit. impalpables et
Les organisateurs ont opté pour une Biennale en quatre chapitres, avec des intitulés tirés des vers d’un poème d’une pièce de théâtre d’ama Ata Aidoo. Ces quatre
chapitres sont «Le bruissement soudain dans le sousbois», «Car la bouche ne doit pas tout dire», «Nous sommes venus de gauche, nous sommes venus de droite», et «La brindille ne nous percera pas les yeux». Dans quel chapitre situeriez vos oeuvres ?
Mon oeuvre traverse ces différents chapitres en ce sens que le nouveau territoire qui naît de ces travaux est différent selon qui le regarde ; chacun créant ainsi son propre courant de conscience…
Si je vous dis «courants de conscience» que me répondez-vous ?
Cela m’évoque des flux d’idées, de pensées, de forces et la liberté pour chaque individu d’avoir son propre «courant de conscience» qu’il enrichit par la confrontation féconde avec ceux des autres.