L'hommage de la Dante à Marius Scalesi
Auteur des "Poèmes d'un Maudit", Marius Scalesi est né en Tunisie en 1892. Son unique recueil ne paraîtra qu'en 1923, une année après sa mort à Palerme. Objet de plusieurs études et traductions, cette oeuvre sera au coeur d'une rencontre culturelle qu'accueillera le centre culturel Dante Alighieri mercredi 11 décembre à 18h.
La vie de Marius Scalesi ressemble à une longue souffrance. Souffrant d'handicaps, ce natif des faubourgs de Tunis se réfugiera certes dans la poésie même si de son vivant, son oeuvre ne fera pas l'objet d'une reconnaissance particulière. Ce n'est en effet qu'après sa mort le 13 mars 1922 à Palerme que les écrits de ce poète seront honorés alors qu'une plaque commémorative, aujourd'hui disparue, était apposée sur le seuil de sa demeure tunisoise.
Un retour à la lumière depuis les années 1970
Marius Scalesi est à lui seul un concentré de ces communautés qui peuplaient le Tunis de cette époque. Italien et aussi Maltais, il devait aussi parler l'arabe et le français. Né le 16 février 1892, rien ne le prédestinait à compter parmi les immortels de la littérature tunisienne. Il faudra que des écrivains et des universitaires tunisiens et italiens redécouvrent son existence pour que sa mémoire remonte à la surface au début des années 1970. C'est grâce à Hédi Balegh que le grand public découvrira Scalesi. Cet universitaire aura largement contribué à remettre à l'honneur ce poète alors oublié en publiant une notice fondatrice et en traduisant des extraits de son oeuvre en langue arabe. Depuis, ces actes pionniers qui allaient dans le sillage de la tradition instaurée après sa mort par la Société des Africains d'afrique du nord (SEAN) dont Scalesi était l'un des fondateurs, allaient susciter un engouement qui se matérialisera par plusieurs rééditions de l'unique oeuvre marquante du poète.
"Les poèmes d'un maudit" a été publié pour la première fois en 1923 aux éditions des Belles Lettres à Paris. Deux autres éditions paraîtront peu après aux éditions La Kahéna en 1930 puis chez Saliba, en 1935. Ces deux éditions parues en Tunisie resteront jusqu'au travail de Hédi Balegh, les seules références. C'est au milieu des années 1990 qu'une nouvelle vague de recherches et éditions concernant Scalesi verra le jour. Ce sont Abderrazak Bennour et Yvonne Brondino qui seront à l'origine de ce regain d'intérêt qui se matérialisera par une étude synthétique puis des traductions du poète dont l'identité multiple faisait qu'il portait aussi bien le prénom de Marius que celui de Mario. Citons parmi les maillons de cette chaîne les noms de Salvatore Mugno Palermo et Marinette Pendola qui nous ont permis de replonger dans la poésie méditerranéenne de cet Italien de Tunisie. Considéré comme un "précurseur de la littérature multiculturelle au Maghreb" et aussi un lyrique maudit, Scalesi continue à interpeller la communauté des chercheurs et susciter de nouvelles approches. C'est dans cet esprit que la société culturelle Dante Alighieri accueillera mercredi 11 décembre à 18h une soirée en hommage à Scalesi. Des communications, une lecture de textes accompagnée par le luth de Jamel Chebbi et des évocations du poète seront au programme de cette soirée. Pour le volet interventions, ils seront cinq à présenter leurs lectures de l'oeuvre et la vie de Scalesi. Ainsi, Silvia Finzi, Rosy Candiani, Gabriele Montalbano, Yvonne Brondino et Danielle Hentati présenteront leurs approches scalésiennes. Ce seront ensuite Hélène Catzaras, Alfonso Campisi et Marinette Pendola qui liront en plusieurs langues des extraits des "Poèmes d'un maudit" sur les variations musicales de Jamel Chebbi.
Les résurgences d'un "poète maudit"
Dans un de ses poèmes intitulé "De Profundis", Marius Scalesi disait "Je veux dormir parmi les dormeurs ignorés, quelque part sous la terre, abîmé dans mes rêves". Cette volonté du poète nonobstant l'onirisme et l'humus, a au contraire donné jour à une volonté de savoir en ce qui concerne celui qui de son vivant, fut relativement ignoré. Cette rencontre organisée par la Dante est l'un des multiples reflets de cet intérêt cyclique pour Scalesi dont les résurgences poétiques nous accompagnent depuis un demi-siècle. Peut-être que dans les limbes de l'éternité, le père de Scalesi et sa mère rêvent-ils de la destinée poétique de leur enfant né à Bab Souika. Le Piémontais et la Maltaise des faubourgs de Tunis ne savaient certainement pas que la poésie déchirante de leur fils quasiment infirme, allait entrer dans nos anthologies. Mais n'est-ce pas là la destinée des poètes, rejetés puis adulés?