Fin de campagne morose, l'avance des Tories s'étiole
La campagne pour les élections anticipées du 12 décembre a pris fin hier. Pour cette journée finale, les différents partis vont s’efforcer de marteler leurs principaux messages pour tenter de convaincre les indécis.
L’avance des Tories s’est rétrécie, si l'on en croit le dernier grand sondage Yougov. Ce dernier prévoit cependant la victoire du parti de Boris Johnson avec une majorité de 28 sièges à 339 députés contre 231 aux travaillistes de Jeremy Corbyn.
Au bout du compte, ce fut une campagne à l’image de la saison hivernale : morose, résume notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix. Les partis n’auront pas vraiment brillé ni sur le fond ni sur la forme. Les trois principales formations, conservateurs, travaillistes et libéraux-démocrates, ont fait systématiquement dans la surenchère, promettant des dépenses budgétaires démesurées, voire irréalistes.
Un dérapage de dernière minute chez les Tories
Côté conservateur, les conseillers de Boris Johnson se sont efforcés de lui faire mener une campagne profil bas, très contrôlée pour éviter la moindre gaffe et maintenir l’avance des Tories dans les sondages. Une stratégie focalisée sur le Brexit, et qui a fonctionné presque sans anicroche. Jusqu’à ce lundi 9 décembre, lorsque le Premier ministre a refusé de regarder la photo qu’un journaliste lui montrait sur son portable : celle d’un petit garçon de quatre ans, couché par terre dans un couloir d’hôpital en attendant des soins d’urgences.
Boris Johnson s’est ensuite excusé, mais cette réaction, qui a révélé un manque total d’empathie, a choqué les Britanniques. Le dirigeant conservateur a été abondamment critiqué par ses adversaires politiques, notamment les travaillistes qui ont fait du NHS, le système de santé public au bord de la rupture après des années de sous-investissement, leur thème central de campagne.
Corbyn n'a aucune chance de gagner, selon un député travailliste
Le Labour se retrouve lui aussi dans une position embarrassante. Ce mardi, le député travailliste Jonathan Ashworth, en charge des questions de santé, devait faire le tour des médias pour capitaliser sur la bévue de Boris Johnson. À la place, il a été obligé de défendre ses propos dévastateurs sur son propre leader. Dans une conversation au téléphone avec un ami conservateur, qui s’est empressé de la faire fuiter, on entend le député déclarer que son parti n’a aucune chance de gagner. Selon lui, les électeurs ne peuvent pas supporter Jeremy Corbyn et pensent que le Labour bloque le Brexit.
Ces dérapages de dernière minute ne vont pas arranger l’atmosphère générale, alors que les électeurs montrent de signes d’intense lassitude. Ils ne font pas confiance à Boris Johnson, qu’ils jugent malhonnête, et disent craindre Jeremy Corbyn pour ses positions d’extrême gauche. Quant à la dirigeante libérale-démocrate Jo Swinson, elle a mené une campagne peu convaincante qui n’a pas permis à son parti de décoller dans les sondages. Seul le SNP écossais, anti-brexit, a réussi à tirer son épingle du jeu. Il reste extrêmement puissant, ce qui le rendra déterminant en cas de Parlement suspendu sans majorité.
Le SNP écossais pourrait peser lourd dans la balance
Gros mug de thé fumant à portée de main sur une table remplie de tracts et d’enveloppes, Tommy Sheppard a posé un radiateur électrique sur ses cuisses. Il vient de faire campagne sous une pluie battante. En dépit du mauvais temps, ce député du SNP, candidat à Edimbourg, ne ménage pas ses efforts. « Cette élection va déterminer si le Royaume-uni poursuit sur la voix du Brexit, explique-t-il à notre envoyée spéciale Anastasia Becchio. C’est très important pour nous parce que les Écossais n’ont pas voté pour le Brexit. Nous voulons garder notre identité européenne. Et nous avons une possibilité pour le stopper. » La circonscription de Tommy Sheppard, Edimbourg Est, avait voté contre le Brexit à 72 %. Deux ans plus tôt, une majorité s’était exprimée contre une Écosse indépendante. Mais avec les années d’incertitude autour du Brexit, les choses pourraient changer. C’est du moins ce que Tommy Sheppard retient de ses porte-à-porte. « Nous avons identifié un nombre important d’anciens électeurs du parti travailliste. Quand on leur demande si l’écosse doit devenir un pays indépendant, beaucoup nous répondent “oui” ou “je ne sais pas”. Ça veut dire qu’ils y pensent ! Auparavant, ces gens auraient répondu : “Non, l’écosse doit rester dans le Royaume-uni”. »