LOI DE FINANCES 2020, ET AUMÔNE LÉGALE :
Zaket ou racket ?
Les dédommagements aux victimes membres d’ennahdha, en application de la loi organique de 2013 sur la justice de transitionnelle ont été acquittés et intégrés dans la loi de finances de la même année. Ce qui a été la cause essentielle du désastre économique qui s’ensuivit. Maintenant Bhiri, qui a plaidé pour cette loi, a plaidé mardi au sein de l’hémicycle, pour la création d’un fonds de la zakat, en vertu d’un article du projet de loi proposé par le bloc parlementaire d’ennahdha, mais qui n’a pas été retenu, fort heureusement.
Déjà, à la municipalité du Kram, le maire Fethi Laayouni a déjà créé un fonds de la zakat, arguant que cela relève de ses compétences consistant à tout faire pour « renflouer la caisse de la municipalité », et donc tous les moyens destinés à ce but sont conformes à la mission qui lui est conférée par la loi et la Constitution. Mais ce qui lui a échappé ce sont les magouilles qui peuvent en découler, que ce soit par les collecteurs euxmêmes, ou les volontaires qui ne manqueront pas d’exiger des faveurs en contrepartie tant que cette cotisation n’est pas obligatoire. C’est donc une pratique des deux poids deux mesures qui va être de mise, à ladite municipalité. Maintenant que ce fonds de la zakat est rejeté par L’ARP, le maire en question va-t-il continuer à mener son projet sur la base du principe de l’indépendance financière des collectivités locales. ?
La Constitution du 27 janvier 2014 réserve une importante place à la décentralisation, dans son chapitre VII, l’intérêt accordé au principe de décentralisation étant exprimé dans l’article 14 de la loi fondamentale en ces termes : « l’etat s’engage à renforcer la décentralisation et à la mettre en oeuvre sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre de l’unité de l’etat ». Raison pour laquelle, a été créée la Haute instance des finances locales qui a un droit de regard et de contrôle sur les moyens mis en oeuvre par les collectivités locales en vue de l’utilisation des deniers publics à bon escient. Quel sera donc son attitude face à la création de ce fonds au sein de la mairie en question ? La zakat, une pratique religieuse
La Zakat est une obligation religieuse, étant l’un des cinq piliers de l’islam. C’est une aumône légale qui est en fait y une sorte d’impôt sur le revenu, puisqu’elle est obligatoire contrairement à la Sadaqah, qui est facultative. Destinée aux pauvres et aux démunis la zakat est imposée annuellement sur les ressources supérieures à une somme déterminée selon les liquidités monétaires en poids par rapport à l’or et l’argent et en pourcentage par rapport aux denrées alimentaires ou aux céréales comme le blé ou l’orge. Seulement ce système de collecte obligatoire, qui se faisait à l’aube de l’islam et notamment sous le règne du Calife Omar Ibn Al Khattab, selon des normes précises et sous le contrôle d’agents désignés à ce titre, s’est avéré inefficace voire inique, surtout dans les systèmes de dictature où certains califes qui succédèrent à Omar Ibn Al Khattab épargnaient à leurs proches cette obligation, au détriment des autres avec une pratique de deux poids deux mesures flagrante pour en tirer un profit personnel. Cela s’est perpétué jusqu’à l’avènement de l’empire Ottoman avec ses différents sultans qui n’avait cure de la misère dans laquelle se débattait leur peuple et faisaient de cette obligation de la Zakat un moyen supplémentaire pour se sucrer sur le dos des citoyens en les spoliant de leurs bien, obnubilés par les fastes du pouvoir et le goût du lucre.
Depuis la séparation ne serait-ce que relative entre le spirituel et le temporel, et avec l’avènement des régimes coloniaux notamment en Tunisie et dans les pays du Maghreb, où le système de califat ou de régime charaïque a cédé le pas au régime civil, c’est le système d’impôt sur le revenu qui a remplacé celui de la zakat. En Tunisie, du temps de la monarchie husseinite, il y a eu la création de quelques tributs iniques dont « la Majba » dont les agents chargés de les collecter n’hésitaient pas à en profiter au passage avant d’en rendre compte au Bey qui ne s’en souciait guère. Le système d’imposition civile a été installé depuis l’ère coloniale et perfectionné au fil des années, pour faire désormais partie de la loi de finances. L’impôt sur le revenu est donc parmi les recettes fiscales collectées par l’etat, afin de lui permettre de mettre en oeuvre ses différentes politiques publiques. Une voie à l’évasion fiscale et à la corruption
La zakat est désormais considérée, avec d’autres pratiques, comme étant personnelle, et aucun organe de l’etat n’a à s’immiscer. Celui qui s’y soumet volontairement, n’a pas à exciper de ce fait pour demander des faveurs afin d’être exempté de ses obligations fiscales dont l’impôt sur le revenu. C’est donc la raison pour laquelle la zakat ne peut être incluse dans une loi de finances, ne serait-ce qu’à titre facultatif car cela fausse complètement la finalité de la loi de finances.
Bhiri a beau arguer que ce fonds n’a rien à voir avec le fonds 26-26 qui existait sous le régime de Ben Ali, mais son raisonnement ne tient pas la route. Il est identique à celui qui a été tenu pour faire voter les dédommagements des victimes d’ennahdha. Là, « il s’agit de venir en aide aux démunis parmi les élèves et les étudiants », a-t-il soutenu. Une vision du mouvement Ennahdha précise-t-il, « qui aspire à un budget social dont l’etat sera le tuteur des personnes nécessiteuses ». C’est l’idée de l’etat providence utilisée surtout pendant les campagnes électorales, avec des promesses qui ont vite fait de s’évaporer. Le fonds de la Zakat ouvre la porte à l’arnaque et encourage à la soumission.
Le fonds 26-26 a été créé dans le même but et après moult malversations par ceux qui s’occupaient, soidisant, de la gestion de ce fonds, les trous dans la caisse ont été colmatés après la chute de l’ancien régime, sans chercher à enquêter sur les responsables des détournements et des malversations commises au nom de ce fonds de solidarité, à part certains boucs émissaires qui ont été sacrifiés depuis l’ancien régime.
L’histoire étant un éternel recommencement, des détournements déguisés ont eu lieu d’abord avec les dédommagements dont ont largement profité les membres du mouvement Ennahdha. Maintenant avec la tentative d’une récidive avec le fonds de la zakat, qui a heureusement échoué, on voulait encore racketter les citoyens par le biais de ce fonds, toujours au nom de la religion. En vain, fort heureusement!