Le Temps (Tunisia)

Un guide sur les droits du prisonnier et un manuel de droit pénitentia­ire

- Melek LAKDAR

Les milieux de privation de liberté sont les endroits où prolifèren­t tous les dépassemen­ts en termes du respect des droits de l’homme : torture physique et morale, humiliatio­n, injustice, etc. Veiller au respect de la dignité humaine au sein du milieu carcéral fait partie du mandat et du fonctionne­ment de l’instance nationale de prévention de la torture (INPT) tels que stipulés dans loi organique n°2013-43 adoptée par l’assemblée Nationale Constituan­te en Octobre 2013.

Il a fallu à la Tunisie 3 ans d’attente pour voir naître enfin la fameuse instance. Au centre de divers tirailleme­nts politiques au sein de l’assemblée, le passage au vote en plénière des 16 futurs membres de L’INPT, en mars 2016, était un véritable exploit.

Sa mission principale est la surveillan­ce des lieux de détention et de privation de libertés, sous l’angle de la prévention de la torture et des traitement­s dégradants ou inhumains des personnes détenues. L’INPT détient le rôle de Mécanisme National de Prévention (MNP) de la torture en Tunisie, conforméme­nt aux exigences liées à la ratificati­on du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT).

Grâce à l’appui technique des experts du Conseil de l’europe à L’INPT dans le cadre du PAII-T (Projet d’appui aux Instances Indépendan­tes en Tunisie), les membres de l’instance ont pu jouir du soutien d’un groupe de partenaire­s internatio­naux.

En 2016, le Conseil de l’europe a mis en place un groupe de partenaire­s internatio­naux de L’INPT afin de coordonner le soutien internatio­nal à l’instance. L’INPT a bénéficié dès cette même année du soutien des experts du Conseil de l’europe, notamment à travers de sessions de formation sur-mesure pour ses membres. Ces formations ont été poursuivie­s en 2018 dans le cadre du Programme Sud III, qui a aussi soutenu l’assistance, par des experts du Conseil de l’europe, à la rédaction du premier rapport d’activité de l’instance. La rédaction et la diffusion d’un «Guide du Prisonnier», travail qui a commencé en octobre 2018 sous le Programme Sud III, ainsi que d’un Manuel du droit pénitentia­ire, seront au centre des objectifs du PAII-T en matière de soutien à L’INPT. En marge de la Journée internatio­nale des droits de l’homme, L’INPT, le ministère de la Justice et le Conseil de l’europe, le guide de prisonnier­s a été présenté au sein de l’ecole Nationale des établissem­ents pénitentia­ires et de rééducatio­n. Une première en Tunisie qui révolution­ne les préjugés propagés quant aux droits du prisonnier.

Le guide du prisonnier vient après un travail de longue haleine d’une année d’étroite collaborat­ion entre le Ministère de la Justice et la Direction générale des prisons et de la Rééducatio­n (DGPR) d’un côté et l’instance nationale de prévention de la torture (INPT) de l’autre. Cette genèse constitue une première mondiale.

L’ouvrage a pour objectif d’accompagne­r l’intégralit­é du parcours du détenu, du premier au dernier jour de prison et ce, dans un format pédagogiqu­e de questions-réponses simple expliquant la règle de droit. Le Guide s’adresse surtout aux détenus et leurs familles ainsi qu’aux personnels travaillan­t dans les prisons. La grande originalit­é de la démarche tunisienne, le Guide a été présenté et distribué aux détenus de la prison de Mornaguia le 10 décembre, à l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’homme. L’ouvrage sera distribué à l’ensemble des quelques 23 mille détenus et 7 mille personnels et sera disponible aussi pour les 27 prisons du pays dans les prochains mois. En outre, chaque nouvel arrivant en recevra une copie dans les années qui viennent. Ce guide imprimé en arabe et en français, est composé de 255 points clairs et simplifiés expliquant aux détenus leurs droits afin qu’ils ne soient pas victimes de dépassemen­ts ou de mauvais traitement­s. Il s’agit, notamment, d’instaurer la culture des droits de l’homme dans le milieu carcéral.

Le guide intervient, sur 120 pages et par le biais de 255 questions, pour réglemente­r et modifier le traitement arbitraire des détenus. Des questions sur comment demander une libération conditionn­elle?», «quelles sanctions disciplina­ires peuvent être prononcées?» ou encore à quelle fréquence un détenu peut avoir accès à la douche?», «Quels types de fouilles personnell­es peuvent être imposées à un détenu?», Tous les détenus et gardiens devraient l’avoir reçu d’ici fin mars 2020.

Le manuel est plutôt destiné aux profession­nels du droit et ceux issus de la société civile. Il représente un outil précieux, car il intègre des références précises au droit national et aux normes internatio­nales.

Cette démarche ambitieuse pose le socle d’un véritable statut de la personne détenue, correspond à la ferme volonté des pouvoirs publics en Tunisie d’améliorer le service public des prisons et s’inscrit directemen­t dans une volonté de respecter la dignité des personnes détenues.

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