La Valse des opportunistes
Jamais opportunisme en Tunisie n’a été aussi flagrant que celui survenu dès l’aube du fameux printemps arabe, lequel s’est soldé par un déclin économique jamais enregistré auparavant, une dérive sécuritaire des plus graves, une recrudescence de la violence dans tous ses aspects et une absence quasi flagrante de l’etat de droit, cause essentielle de la prolifération de la corruption.
Qui aurait pensé en effet, que la Constitution promulguée en 2014, où tous les principes de droits et des libertés sont consacrés, serait bafouée par ceux-là mêmes qui naguère ont oeuvré à sa mise sur pieds, afin qu’elle serve de garde-fou à tous les dépassements et toutes les violations. Ce sont ceux-là même, à savoir les représentants du peuple, censés en être les gardiens, dans un régime législatif, qui s’adonnent à sa violation tous azimuts, obnubilés par les tiraillements politiques dans le seul but de la course au pouvoir.
Leur langage très différent de leurs actes, et les conflits d’intérêt se reflètent par leur comportement et leurs querelles incessantes et éreintantes au sein de l’hémicycle.
Aucun parmi les députés actuels n’est intervenu pour inciter à achever les formalités pour installer enfin la Cour constitutionnelle, qui est l’un des piliers de l’etat de droit. En effet, ce dernier est tronqué à cause de l’absence de cette Cour consacrée par la Constitution, pour mieux consolider le respect de la loi et préserver la justice du ternissement de son image. Or la justice est semblable à l’homme malade, malgré l’effort de garantir son indépendance ainsi que la dignité de ses membres. C’est ce qui est d’ailleurs dénoncé actuellement par les magistrats eux-mêmes via leur association (AMT). Il y a selon cette dernière 73 nouveau magistrats qui ne sont pas encore payés et ce, depuis trois mois, pour cause: le mouvement des magistrats n’a pas eu lieu encore, pour l’année judiciaire 2019-2020 alors que le premier trimestre de l’année est largement entamé. Cela influe gravement sur l’indépendance des magistrats, ainsi que sur leur situation matérielle et psychologique. D’où les multiples problèmes qui en découlent et leur incidence sur la situation sociale et politique du pays d’une manière générale. Cela nuit fortement à l’etat de droit et donne l’occasion à tous les abus et les malversations possibles et imaginables. Nos chers députés fraîchement débarqués et confortablement installés dans l’hémicycle préfèrent continuer à se chamailler sur des problèmes autres, concernant leur stricte personne, et les avantages qu’ils n’oublient jamais de revendiquer et protestent dès qu’ils ne leur sont pas accordés comme ce fut le cas concernant les passeports diplomatiques avantage qui leur a été refusé par le président de la République. Ce dernier a argué à juste titre que cette faveur n’a aucune base légale.
Concernant la corruption et les moyens déployés par l’etat et les instances chargées de la lutte contre ce fléau, les dernières déclarations de Chawki Tabib sont assez révélatrices pour le citoyen qui ne fait que capter des informations par-ci et des intox par-là, sans pour autant pouvoir connaître la vraie vérité sur ce point crucial. Chawki Tabib, président de ladite instance a déclaré, dernièrement, aux médias que le résultat est décevant étant « bien en deçà des attentes, mais ce n’est pas par mauvaise volonté ». Cela serait dû, dit-il, à des facteurs d’ordre juridique d’abord le Code de procédure pénale étant « devenu, aujourd’hui obsolète ».
Certes, nos lois sont à revoir afin qu’elles soient au diapason des législations internationales, la plupart d’entre elles réservant une procédure spéciale en vue d’une meilleure diligence pour trancher les affaires de corruption. Toutefois et abstraction faite de la loi à refaire, il y a la machine judicaire qui est grippée et qui nécessite également une mise au point.
Mais hélas il y a d’autres raisons plus graves à savoir les lobbies de la corruption face à un Etat encore faible et dont ses propres secteurs sont atteints, l’instabilité politique y aidant.
C’est la raison pour laquelle on reproche au même président de L’INLUCC une pratique des deux poids deux mesures.
En effet l’observatoire de la transparence et de la bonne gouvernance a appelé le chef du gouvernement et le président de la République à « démettre le président de l’instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) et à préparer une initiative législative visant à modifier la loi sur la corruption et à protéger les dénonciateurs ». Il a estimé que le refus de L’INLUCC de répondre aux demandes de protection formulées par un nombre important de lanceurs d’alerte sur des dossiers de corruption graves, dont certains étaient mentionnés dans le rapport de l’instance publié en 2016, est « une violation manifeste » des dispositions des articles 19 et 21 de ladite loi.
Dans certaines affaires, les décisions de justice sont tributaires de la conjoncture politique du moment. Avoir ceux qui ont été inculpés, arrêtés puis relâchés, on est amené à se poser des questions ?
Slim Riahi qui a été plusieurs fois suspecté de corruption, n’a pas été inquiété et il a pu même se porter candidat à la présidentielle, sans programme, et sans autre profil que les renseignement recueillis concernant sa situation financière provenant des biens mal acquis. Une fois que les jeux sont faits et les dés jetés, il est inculpé de blanchiment d’argent et ce n’est que lorsqu’il se trouva loin du pays, qu’il a été condamné dernièrement par défaut bien sûr à 11 ans de prison. Ne parlons de certains autres qui sont impliqués dans des affaires de corruption et qui ont pu faire un deal avec le mouvement Ennahdha, afin de ne pas être inquiétés. C’est le cas de Karoui qui jouit, actuellement, d’une nouvelle sorte de « liberté conditionnelle » alors que l’affaire dans laquelle il est impliqué est encore pendante. Idem pour d’autres députés qui se retranchent derrière l’immunité parlementaire afin de ne pas être inquiétés. Makhlouf, le député d’al Karama, vient d’être condamné à 20 mois de prisons dans l’affaire de l’école coranique.
Que faut-il en déduire ? Rien de bon, et c’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’y remédier par une application saine et pondérée de la Constitution, seule gardienne des droits et des libertés. Ceux-ci ne peuvent être consolidée sans que les pouvoirs de l’etat ne puissent travailler de concert, comme l’a affirmé Montesquieu, et sans que l’un d’eux ne puisse, en aucun cas empiéter sur les prérogatives de l’autre. C’est la seule façon qui garantisse l’intérêt général, et la liberté, basée sur la conscience comme l’a affirmé à juste titre V. Hugo : « celui qui choisit la conscience est l’homme libre ».