Les normaliennes voient rouge : « Falgatna » !
Harcèlement sexuel dans les établissements universitaires :
Nota bene. – Nous nous abstiendrons dans ce papier de citer les noms des étudiantes, en dépit de leur courage -qui est à saluer !- et de leur détermination à s’afficher ouvertement. – Nous nous abstiendrons également de révéler l’identité (nom, prénom et spécialité enseignée) de l’enseignant soupçonné de harcèlement, bien qu’elle ait été déjà dévoilée publiquement dans les réseaux sociaux.
Nota bene. – Nous nous abstiendrons dans ce papier de citer les noms des étudiantes, en dépit de leur courage -qui est à saluer !- et de leur détermination à s’afficher ouvertement. – Nous nous abstiendrons également de révéler l’identité (nom, prénom et spécialité enseignée) de l’enseignant soupçonné de harcèlement, bien qu’elle ait été déjà dévoilée publiquement sur les réseaux sociaux. – Nous nous abstiendrons, finalement et par respect pour nos lectrices et nos lecteurs, de rapporter les pratiques visiblement scandaleuses de l’enseignant dénoncé pour harcèlement ; pourtant explicitement décrites dans les témoignages, et dont certaines sont données carrément à voir sur les captures d’écran de ses propres messages qui circulent actuellement sur les réseaux sociaux.
«Falgatna*» ! Y’en a marre ! Basta ! Ça suffit ! Tremblez leur courroux à ces jeunes et valeureuses colombes, parce qu’elles ont vu rouge, cette fois-ci, en balançant publiquement le vicieux mâche-laurier et le cochon pervers qui sommeille en lui. Elles ont eu, certes, beaucoup de courage à le dénoncer, mais n’empêche et à force d’avoir prêché aussi longtemps dans le désert, il semblerait qu’aujourd’hui, elles en sont désormais fatiguées... Avis donc à la société civile et aux autorités de tutelle : Peut-être serait-il grand temps maintenant de saisir la balle au bond et de prendre aussitôt que possible le dossier en main !
Car voilà déjà un peu plus de deux semaines que ces étudiantes de l’ecole Normale Supérieure (ENS) de Tunis n’ont cessé de crier quotidiennement leur rage, dénonçant haut et fort les pratiques, parait-il, scandaleuses et pas du tout «académiques» commises et répétées par l’un de leurs enseignants.
N’ayant finalement que les murs de Facebook et les colonnes de la petite cour de leur école pour y afficher leur indignation, et après plus d’un demi mois de manifestations tant physiques que virtuelles quasi-quotidiennes, force est de constater aujourd’hui que les étudiantes d’el Gorjani commencent manifestement à se lasser de leurs protestations, après avoir ressenti l’impression de crier inutilement dans le vide et de parler carrément à un mur, face à la sourde oreille du rectorat de l’université de Tunis et devant l’indifférence totale du ministère de l’enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
Ne jouissant réellement que de peu de visibilité pour leurs actions et ne disposant clairement pas des ressources juridiques requises et du soutien nécessaire en la matière, les jeunes normaliennes assurent, pourtant, être à même de fournir maintes preuves tangibles et incontestables sur des situations précises d’agressions sexuelles et morales évidentes, perpétrées par l’enseignant en question.
Harcèlement d’un jour, harcèlement de toujours ?
D’ailleurs, histoire de toucher l’affaire du doigt et en vue d’obtenir quelques éclaircissements là-dessus, nous nous sommes entretenus, en effet, avec l’une de ces normaliennes, qui fait partie, selon ses dires, du «premier noyau qui aura catalysé aujourd’hui le scandale». « J’étais son étudiante en 2017 », nous a-t-elle confié, avant de rétorquer : «Je ne suis pas une de ses victimes directes, mais je l’ai vu de mes propres yeux harceler mes camarades de classe!»
D’après elle, tout a commencé avec un témoignage anonyme, posté fin novembre par l’une des victimes de l’enseignant, sur le groupe Facebook « #Enazeda », pur produit de la société civile tunisienne, faut-il le préciser, et créé afin d’encourager les victimes de harcèlement sexuel, tous âges confondus, à ne plus avaler la pilule et à y «balancer» publiquement leurs bourreaux ; en s’inspirant de quelques groupes similaires qui ont déjà fait leur preuve de par le monde comme «#Balancetonporc» ou «#Metoo».
Effet domino oblige, un autre témoignage, toujours selon l’étudiante, a été aussitôt partagé le lendemain sur le même groupe. Cette fois-ci, le nom de l’agresseur a été carrément mentionné, et «c’était le déclic!», s’écria-telle. Puisqu’une avalanche de témoignages s’est abattue sur-le-champ dénonçant en boucle différents comportements harceleurs et intimidants de l’enseignant en question, poussant par là même quelques-unes de ses anciennes étudiantes à prendre en charge la collecte des témoignages et l’organisation d’une campagne formelle, mais aussi virtuelle de protestations.
Et la normalienne de révéler : «Nous l’avions pourtant dénoncé, mes camarades et moi, en novembre 2017. Nous avions trois matières avec lui, à l’époque. Coefficient 10 en tout ! Et nous risquions d’être exclues de L’ENS, mais nous l’avions dénoncé quand même, auprès du directeur de l’école, désormais ex-directeur. Lequel avait étouffé vite l’affaire en changeant le prof, du moins pour notre classe, afin de nous faire taire».
Puis de s’indigner : «Le comble, c’est que l’enseignant savait bel et bien que nous l’avions dénoncé. Pourtant, force est de constater qu’il n’a pas changé pour autant son comportement! Aujourd’hui, en lisant plusieurs fois ces témoignages regroupés, je me sens déjà très irritée…» Avant de se récrier finalement : «Personnellement, je n’en peux plus ! Il faut que ça cesse ! Il faut l’épingler!»
Dire pis que pendre ?
«Il faut l’épingler!». Bien sûr, la réaction de la jeune normalienne est on ne peut plus compréhensible et même surtout légitime, étant donné que l’acte en soi, rappelons-le, à savoir le harcèlement sexuel à l’encontre des femmes, devrait aujourd’hui, et en toute évidence, être considéré comme une infraction et un fait punissable, conformément à la Loi organique n° 2017-58 du 11 août 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, bel et bien adoptée, insisteronsnous à le rappeler, par l’assemblée des représentants du peuple et promulguée forcément par la Présidence de la république tunisienne. Quand bien même aurions-nous à souligner que, d’après nos dernières sources, les étudiantes se seraient contentées pour le moment de constituer seulement un dossier administratif qui aurait été transmis à la direction de leur école et au rectorat de l’université de Tunis, en attendant de revenir prochainement à la charge auprès du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Toujours selon nos sources, il semblerait que les autorités de tutelle penseraient à faire muter l’enseignant soupçonné de harcèlement sexuel loin de la capitale, dans une énième tentative d’étouffer entièrement cette affaire. A quoi les étudiantes, qui -paraît-il- y croient toujours, ont-elles répliqué de suite en publiant un communiqué, dont voici un extrait bien significatif qui annonce éloquemment leurs intentions : « Les abus de *** *** ne font plus aucun doute. Ses violences, répétées, doivent suffire à l'exclure. Nous refusons que sa punition s'arrête à la simple mutation, car nous avons la conviction qu'il continuera ailleurs, qu'il fera d'autres victimes. Il faut mettre fin à ses abus, une fois pour toutes».
Visiblement encouragées par plusieurs enseignantes et enseignants qui ont témoigné publiquement leur soutien à la cause, avouant par la même occasion avoir eu honte de ce vilain petit canard, les étudiantes devraient même, selon certains, passer à la plainte judiciaire et ne pas se contenter de la démarche administrative, si ce n’est de voir l’affaire s’éteindre enfin dans le silence le plus total et encourir par conséquent le risque d’inciter toute victime de harcèlement sexuel à ne plus desserrer les dents et à renoncer de dénoncer ces cochonneries.
D’autant plus qu’entretemps et comme mauvaise herbe croit toujours, il se murmurerait, en l’heure, que l’enseignant en question, dénoncé haut et fort pour harcèlement sexuel, en est venu carrément à menacer les normaliennes de les traduire en justice pour diffamation et dénonciation calomnieuse ; bien rassuré -dirait-on encore- par quelques «amis» ayant déjà tâté le terrain avant lui, qu’il gagnerait facilement cause au tribunal et ce, en raison des difficultés notables à appliquer concrètement pour le moment la loi relative au harcèlement sexuel dans notre pays, qui malgré l’importance qu’elle soit promulguée, présente ostensiblement et pour l’heure maintes lacunes juridiques.
Dans ce sens, la principale crainte aujourd’hui serait de ne pas donner suite à cette affaire et de voir finalement ce bel élan de conscience et cette ardeur à prendre l’initiative de dénoncer par soi-même tout acte de harcèlement sexuel se contenir, somme toute, dans un verre d’eau. Car à force d’attendre sous l’orme et de battre inutilement le vent, on peut se dire que d’autres femmes qui seraient à même d’emboiter les pas à ces normaliennes seraient découragées en fin de compte à le faire.
En définitive, si l’enseignant dénoncé pour harcèlement sexuel ne perdra en tout cas rien pour attendre, afin d’être puni là où il aurait péché, disons pour l’heure que les normaliennes, éminemment courageuses, ont vu rouge cette fois-ci en lui faisant passer un très mauvais quart d’heure et en faisant surtout entendre parler de lui, dans tout le pays. Dites-vous bien, alors, qu’elles n’ont nullement donné leurs langues aux chats et qu’elles ont fait, de leur côté, tout le nécessaire.
Dire pis que pendre ? Certes, mais pourquoi pas les deux tant qu’on y est! Alors à présent, il faut qu’elles soient impérativement soutenues!
« Falgatna !» qui signifie littéralement « Y’en a marre ! », est l’un des slogans scandés par les étudiantes, entre autres formules aussi coléreuses qu’originales, reprenant par là même le nom du collectif «Falgatna» fraichement créé par un groupe de jeunes activistes féministes tunisiennes.