«Nous lançons dès ce mois de janvier un programme de résidence d’artistes en entreprise»
Nous avons rencontré Fatma Kilani, fondatrice de «La Boîte», un lieu d’art contemporain, à Bamako (Mali), alors qu’elle était membre du jury pour l’attribution du Fonds africain pour la Culture (AFC). Une occasion pour nous de découvrir, entre autres, «La Boîte», du fonds, et des projets.
Le Temps : Qu’est-ce que La Boîte ?
Fatma KILANI : La Boîte est une structure de soutien, de diffusion et de médiation de l’art contemporain en Tunisie. Elle accompagne les artistes dans leur processus de création et leur donne les moyens de présenter un travail artistique nouveau, en rupture parfois avec leur univers/technique habituels.
La Boîte agit auprès de publics novices, in situ, dans leur lieu de vie : en entreprise (La Boîte-la Charguia I), à l’université ou dans différents lieux de Tunis (La Boîte Horsles murs), et depuis 3 ans en région (La Boîte Hors-tunis).
Quelle en est la Genèse ?
La Boîte est née en 2007, avec «Germinations», une oeuvre participative fondatrice proposée par Mercerie Bouderbala et Memia Taktak, offrant aux employés de l’entreprise un diplôme d’artiste, en récompense de leur créativité mise en pratique dans une oeuvre conçue à partir d’une boule d’argile, disponible en nombre sur de longues tables de travail. L’exposition, qui en a résulté, a fait date dans l’histoire de l’entreprise. Les oeuvres des employés, parfois illustratives des produits qu’ils géraient, disposées sur des étagères, ponctuaient l’espace de «La Boîte», métaphore de l’entreprise dans lequel s’exerçaient leurs talents.
Les facteurs qui ont contribué à la genèse de la Boîte sont nombreux. Sur le plan de la création, l’envie d’offrir un laboratoire d’expérimentation artistique à des artistes désireux de se lancer dans un concept nouveau ; plus personnellement, la curiosité intellectuelle d’observer l’aboutissement d’une idée/concept que l’on a vue germer («Germinations»).
Sur le plan de la médiation, initier les publics visés par La Boîte à l’art contemporain en co-construisant avec eux le sens des oeuvres présentées, lors du vernissage, suite au talk organisé avec l’artiste invité, ou à travers les workshops que l’artiste invité conçoit en marge de son exposition.
Vous avez été membre du jury d’attribution du Fonds africain pour la Culture (African Culture FUND/ACF) arts visuels, pourquoi avoir accepté ce rôle ?
Plusieurs motivations.
À un niveau intrinsèque, l’occasion de découvrir la création contemporaine africaine de manière plus étendue, d’identifier les problématiques qui concentrent son attention, de me plonger dans l’univers d’artistes passionnants, de vivre l’émotion d’une genèse. À un niveau extrinsèque, l’opportunité d’échanger avec d’autres professionnels de l’art, de la pertinence de certains critères d’évaluation, de certaines approches artistiques, de la cohérence des choix du porteur de projet et aussi de l’impact et de la faisabilité financière du projet.
Comment s’est déroulée la sélection des lauréats ?
La sélection effectuée par le Jury «Arts visuels» a porté sur 20 projets au total. Elle s’est basée sur 4 critères d’évaluation : l’originalité du projet, sa qualité technique, sa qualité financière, sa pertinence et pérennité.
La répartition des projets retenus a été la suivante : 12 projets de films dont 10 documentaires, 3 projets d’arts plastiques, 2 projets d’arts numériques, 1 projet d’art vidéo, 1 projet de photographies, 1 projet de design.
Qu’est-ce qui a poussé les membres du jury à retenir le projet de l’artiste tunisien Mohamed Sami Bchir, «Les quarante et un regards dans l’art et la passion» ?
«Les quarante et un regards dans l’art et la passion» est un projet collectif, participatif et nomade, devant générer un patchwork de 120 peintures de petit format issu de différentes régions de Tunisie. Les membres du Jury ont été sensibles à ces dimensions.
Pourquoi pensez-vous qu’il est important de continuer à promouvoir ce fonds?
Il est très important que l’art africain soit financé et promu par des fonds africains soutenus par des mécènes et collectionneurs africains. L’art africain est, aujourd’hui, en forte croissance dans le marché de l’art. Il dispose d’une visibilité plus grande dans le monde. Il faut être à l’avant de ce mouvement et faire que le continent puisse être un levier de cette dynamique, à l’instar du rôle joué par les institutionnels et collectionneurs chinois dans la promotion internationale de l’art chinois.
Serez-vous encore membre du jury pour la prochaine édition ?
Cette expérience a été très positive pour moi. Elle m’a donné l’occasion de tisser des liens d’amitié profonds avec les responsables de L’ACF que je tiens à féliciter pour le travail accompli. Mais il me semble important que les membres du jury se renouvellent, que l’éclectisme se fasse à travers le regard d’autres professionnels des arts visuels.
En général, quels sont vos projets artistiques ?
Outre les 3-4 expositions monographiques soutenus par La Boîte, et le travail de médiation qui les accompagne (talk avec l’artiste, workshops, visites de grandes expositions), nous lançons dès ce mois de janvier un programme de résidence d’artistes en entreprise qui devrait conduire à des échanges encore plus intenses entre nos publics et l’artiste invité.
La Boîte est, par ailleurs, partie prenante de Gabès Cinéma Fen, un Festival de Cinéma et d’art vidéo dont la 2e édition se tiendra du 3 au 11 avril prochains à Gabès. L’occasion de promouvoir les arts visuels dans une région jusque-là peu investie.
• La Boîte est, par ailleurs, partie prenante de Gabès Cinéma Fen, un Festival de Cinéma et d’art vidéo dont la 2e édition se tiendra du 3 au 11 avril prochains à Gabès.
• Il est très important que l’art africain soit financé et promu par des fonds africains soutenus par des mécènes et collectionneurs africains.