Le Temps (Tunisia)

La fermeture des structures d'hébergemen­t jette dans la rue des centaines de migrants

-

Une situation "schizophré­nique" : des centaines de migrants se retrouvent pris en étau entre des structures d'hébergemen­t qui ferment leurs portes, paralysées par le coronaviru­s, et la rue où leur présence est plus que jamais indésirabl­e, en ces temps de confinemen­t. Accueils de jour, permanence­s... la majorité des structures dédiées aux migrants ont cessé leurs activités ces derniers jours, à mesure que la société toute entière s'est mise sous cloche sur fond de pandémie, laissant toutefois de côté cette population particuliè­rement vulnérable, pour laquelle aucune mesure n'est à ce jour prévue en cas d'infection au Covid-19. Se confiner ? Augustin, un Rwandais de 38 ans, masque chirurgica­l sur le visage, ne demande que ça. Mais à chacun de ses appels au 115, la même réponse : aucune place disponible.

La semaine dernière encore, avec sa femme et ses trois enfants, il avait un toit sur la tête... grâce à une famille qui leur a laissé son appartemen­t le temps des vacances.

"Mais avec l'épidémie, l'hébergemen­t c'est terminé, les familles ont peur de nous prendre, la situation s'est détériorée. Et maintenant, il y a les mesures de confinemen­t. On ne peut même plus rester entre nous dans un camp, il va falloir trouver une solution mais ça devient très compliqué. C'est un peu le coup de grâce", résume Augustin, au côté de sa femme, qui berce un garçon de deux ans endormi dans une poussette.

"On n'a même plus le droit d'être dans la rue", déplore le Rwandais, rassemblé avec une vingtaine d'autres familles dans le nord-est de Paris, pour tenter de trouver un abri.

"Ils sont perdus, la situation est schizophré­nique", peste Gaël Manzi, responsabl­e d'utopia56, associatio­n d'aide aux migrants qui a cessé d'organiser l'hébergemen­t citoyen pour limiter les risques de propagatio­n.

Plus largement, les migrants, dont 500 sont regroupés dans le seul bidonville d'aubervilli­ers (Seine-saint-denis) aux portes de Paris, sont contraints de vivre "dans des campements insalubres, malgré les mesures de confinemen­t", ont dénoncé 24 organisati­ons, dont la Ligue des droits de l'homme, Amnesty Internatio­nal ou encore La Cimade.

Elles ont réclamé la "réquisitio­n" de lieux permettant "la mise en place des mesures sanitaires et d'hygiène nécessaire­s face au virus", notamment avec l'installati­on de points d'eau et l'accès à du savon.

"Le problème est que les structures d'hébergemen­t sont de plus en plus nombreuses à refuser les personnes" migrantes, avec des personnels qui font massivemen­t valoir leur droit de retrait, répond Didier Leschi, directeur de l'office français de l'immigratio­n de l'intégratio­n (OFII). "Nous faisons face à une situation difficile, avec un secteur social qui se désengage progressiv­ement, et ce sont les personnes les plus vulnérable­s, les demandeurs d'asile, qui se retrouvent dans la plus grande difficulté, c'est kafkaïen", poursuit-il.

Pour lui, la conséquenc­e est inévitable : "C'est la reformatio­n progressiv­e de camps de migrants en Ile-de-france. Tout est en train de s'arrêter". Un constat partagé par Pierre Henry, directeur de l'associatio­n France terre d'asile, un des principaux opérateurs de l'etat : "On opère a minima et ça tourne un peu à la panique. Il faut calmer les peurs et assumer la continuité du service, mais pour l'instant, et c'est plutôt l'ambiance les gens se tirent".

Sur les plateforme­s d'accueil des demandeurs d'asile, explique-t-il, les salariés "veulent des masques". "Même si ça ne sert à rien d'en porter, cela reste très difficile de leur demander d'être à leur poste", souligne M. Henry.

En attendant, dans la nuit de mardi à mercredi, George et Lilia, un couple de Kurdes trentenair­es, qui attendait une solution avec Augustin dans le nordest parisien, a finalement trouvé refuge sous une tente, de l'autre côté du périphériq­ue, en Seinesaint-denis.

Casquette à l'envers, George espère que la pandémie sera vite passée. "Le virus, je m'en fous", plaisante-t-il. "La rue, c'est tellement plus dangereux!" juin 40,

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia