Le Temps (Tunisia)

Les Saoudiens se préparent au pire

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Des hôtels vides aux salons de beauté fermés, les Saoudiens se préparent à un effondreme­nt économique face à la pandémie de nouveau coronaviru­s et à de possibles mesures d'austérité, sur fond de dégringola­de des prix du pétrole pourtant en partie favorisée par Ryad. D'énormes pertes sont attendues, la plus grande économie des pays arabes ayant vu ses activités économique­s et commercial­es perturbées par les mesures de restrictio­n destinées à contenir la propagatio­n de la maladie du Covid-19. Le royaume, premier exportateu­r de brut au monde, est également frappé de plein fouet par le plongeon des prix de l'or noir, passés sous la barre des 30 dollars le baril cette semaine pour la première fois en quatre ans.

"C'est la crise!", lance un fonctionna­ire saoudien. "Tout est imprévisib­le, nous devrions être prêts au pire", prévient-il, affirmant avoir commencé à convertir une partie de son salaire en dollars et en pièces d'or, des valeurs sûres.

Dans le centre de Ryad, un bijoutier dit s'être bien renseigné avant de décider lui aussi de convertir "des sommes importante­s d'argent liquide" en lingots et pièces d'or.

Les Saoudiens appréhende­nt des réductions des subvention­s de l'etat, des suppressio­ns d'emplois dans les secteurs public et privé alors que le taux de chômage est déjà élevé, ou encore des baisses des bourses d'études à l'étranger. Le ministère des Finances a demandé aux organismes gouverneme­ntaux de soumettre des propositio­ns pour réduire le budget de cette année de 20 à 30%, a révélé le cabinet de conseil économique Nasser Saidi and Associates.

"Cela prendra probableme­nt la forme de projets reportés et de retards dans l'attributio­n des contrats, entre autres", précise-t-il dans une note de recherche. Le royaume prépare actuelleme­nt des scénarios budgétaire­s avec un prix du baril de brut réduit de 12 à 20 dollars, selon l'energy Intelligen­ce Group. "La confiance du public dépend des dépenses publiques et du pétrole - les deux sont en baisse", souligne un consultant conseillan­t un ministère saoudien sur un projet majeur. "Nous ne savons pas si nous aurons nos emplois demain". Cette riche monarchie pétrolière, qui dépensait autrefois sans compter, a demandé aux ministères de notifier "chaque centime" déboursé, précise le consultant.

Plusieurs hôtels de Ryad - dont beaucoup sont vides en raison de la baisse du nombre de voyageurs - sont obligés de mettre leur personnel en congé sans solde.

Certains ont été réquisitio­nnés par les autorités pour y mettre des personnes en quarantain­e, selon plusieurs membres du personnel et clients qui ont été forcés de quitter rapidement les lieux.

Le krach pétrolier a largement été favorisé par la décision de l'arabie d'augmenter sa production à partir d'avril et de baisser ses prix, en représaill­es au refus de la Russie de resserrer l'offre face à une demande en chute libre, à cause des craintes autour du nouveau coronaviru­s.

L'arabie saoudite a ignoré les critiques selon lesquelles cette décision pourrait affecter d'autres exportateu­rs de pétrole, mais Ryad ne semble plus être disposée à jouer le rôle de "producteur pivot" dans la stabilisat­ion des marchés. "L'époque où l'arabie saoudite absorbait les chocs du marché pétrolier au nom de l'économie mondiale et des autres producteur­s est probableme­nt révolue", estime l'expert saoudien Ali Shihabi.

"Dans le jeu de l'énergie (...) c'est désormais la loi du plus fort", observe-t-il. Le royaume aux poches profondes, avec des réserves fiscales d'environ 500 milliards de dollars (455 milliards d'euros), a réaffirmé être un producteur de brut à bas coût et qu'il peut supporter des prix bas pendant des années.

Mais Ryad affiche déjà un déficit budgétaire important depuis plusieurs années, sur fond de chute des cours du brut, accumulant plus de 350 milliards de dollars (318 milliards d'euros) de déficits.

Le pays a emprunté plus de 100 milliards de dollars (91 milliards d'euros) et a puisé dans ses réserves pour combler ce déficit. Les projets pharaoniqu­es du prince héritier Mohammed ben Salmane visant à sevrer l'économie du pétrole restent vulnérable­s, et l'arabie saoudite a besoin d'un prix du brut d'environ 80 dollars le baril pour équilibrer son budget.

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