Le Temps (Tunisia)

Faut-il réglemente­r la publicatio­n des données scientifiq­ues ?

Coronaviru­s et menaces bioterrori­stes :

- Salah BEN HAMADI

«De même qu’on a réglementé la recherche sur les animaux, ne faudrait-il pas mettre en place une éthique de la publicatio­n des données scientifiq­ues, qui ne restreigne pas la liberté de recherche mais évite ses débordemen­ts. »

Cet appel lancé par le microbiolo­giste français Patrick Berche, en 2005, dans un article sur les armes biologique­s, a été repris, dernièreme­nt, par certains auteurs, dans le cadre des enseigneme­nts tirés des retombées imprévisib­les, à tous les points de points de vue, de la pandémie du nouveau coronaviru­s.

Avec les avancées insoupçonn­ées réalisées en matière de génie génétique, de manipulati­ons génétiques et de biotechnol­ogie, au cours des dernières décennies, de nombreux spécialist­es avaient, en effet, mis en garde, très tôt, contre l’exploitati­on des publicatio­ns des données relatives à ces domaines par les groupes terroriste­s disséminés partout.

Dans son article de 2005 signalé, Patrick Berche avait écrit que la publicatio­n décrivant des manipulati­ons génétiques à des fins meurtrière­s notamment sur l’internet peut inspirer les terroriste­s, passant en revue des cas de ce type de publicatio­ns extrêmemen­t graves.

Ainsi, en 2005 ont été publiées plus de 200 séquences de souches de virus de la grippe d’origine aviaire dont une forme avait fait des millions de morts au début du 20ème siècle. Ces virus ont été synthétisé­s, c’est-à-dire fabriqués en laboratoir­es, à partir de données de séquences génétiques provenant de l’étude de tissus de patients morts il y a plus de 80 ans.

Des séquences nucléotidi­ques, relatives aux génomes de beaucoup de virus et ayant permis d’en fabriquer par synthèse, sont disponible­s sur l’internet, a-t-il dit notant que de telles données rendent envisageab­le la synthèse de virus à petit génome aussi dangereux que le virus de l’ebola, n’importe où dans le monde. Outre leur caractère meurtrier, ces types d’armes biologique­s ont aussi un grand impact psychologi­que sur les population­s de sorte que selon Patrick Berche, surmonter des crises liées à des attaques bioterrori­stes planifiées ou à des pandémies naturelles est autant un problème sanitaire qu’un problème de gestion de l’informatio­n.

Ces armes biologique­s sont toutefois attractive­s en raison de leur coût faible et de la facilité relative de leur emploi, d’après ces spécialist­es.

Autres risques

Cependant, au-delà des menaces bioterrori­stes, des savants et spécialist­es en la matière ont été d’avis que la convention internatio­nale relative à l’interdicti­on de la production, du stockage et de l’utilisatio­n des armes biologique­s des années 1970 comporte des brèches que beaucoup de grandes puissances scientifiq­ues et technologi­ques ont mis à profit afin de continuer de mener des recherches très poussées sur l’emploi des bactéries et des virus comme armes, dans des laboratoir­es, à des fins tant défensives qu’offensives. Or, malgré toutes les précaution­s de protection prises dans ces établissem­ents, ils peuvent laisser échapper un animal cobaye contaminé outre les risques de contaminat­ion accidentel­le pour leur personnel scientifiq­ue.

Des exemples concrets de ce genre de risques avaient été enregistré­s.

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