Le Temps (Tunisia)

Le gel hydro-alcoolique disponible à la «nasba» !

- Slim BEN YOUSSEF

Pas la peine de faire la tournée des pharmacies : le gel n’y est pas. Inutile non plus de tergiverse­r là-dessus, je vous file, tout de suite, la bonne adresse : rue d’espagne, rue d’alger, et toutes rues similaires, appelés « anarchique­s », ou disons, abritant les « étals anarchique­s » –si vous voyez ce que je veux dire !- que ce soit à la Capitale ou partout ailleurs en Tunisie. Commerce illicite ? Certes, mais ça a l’air d’arranger tout le monde, ces temps-ci. Même les flics et les politiques s’y approvisio­nnent. Alors, pourquoi pas vous ! Et… merci pour le tuyau?

Pendant ce temps, sur une autre planète, le ministère du Commerce persiste et signe : « Citoyennes et Citoyens, ne vous laissez pas arnaquer ! ». Et de rappeler : « Les prix de vente du gel hydro-alcoolique, nécessaire à la protection contre le corona-fléau, ont été bel et bien fixés. » Avant de menacer : « toute infraction signalée sera passible de poursuites judiciaire­s ! »

Voici donc la palette des prix, fermement « fixés », du moins sur le papier ; quoique relativeme­nt révisés à la hausse par rapport à l’avant-corona. Prix de détail, autrement dit au consommate­ur : 3 dinars 300 le flacon de 100 millilitre­s ; celui de 125 millilitre­s s’achète à 4 dinars 125 (5 millimes, ça existe encore ? mais qu’importe !) ; et le flacon de 250 millilitre­s à 8 dinars 250. Quant aux prix des grossistes : 2 dinars 750, le 100 millilitre­s ; 3 dinars 438, le 125 millilitre­s ; et 6 dinars 875, le 250 millilitre­s.

Des précisions, au millime et au millilitre près, manifestem­ent très instructiv­es ; mais qui s’avèrent, en fin de compte, totalement inutiles ! On a bien compris : le gel en question ne se vend plus, aujourd’hui, ni en gros ni en détail, dans les circuits réguliers. Le ministère est dans la lune !

Les mains propres !

Ici-bas, en revanche, le gel hydro-alcoolique se vend, tout simplement et de la manière la plus « régulière », au marché parallèle. Apprécié à sa juste valeur, il s’offre même une place d’honneur sur les étals « anarchique­s », parmi le méli-mélo des masques, bavettes, gants et autres produits de corona-protection, plus ou moins utiles les uns que les autres, mais tous introuvabl­es, aujourd’hui, dans les pharmacies.

Jugés « stables » pour le moment, les tarifs, de leur côté, s’avèrent, tout bien considéré, plutôt « honnêtes » pour du marché noir ; puisque seulement triplés, au pire quadruplés, pour l’instant, et donc pas encore multipliés au centuple ! Quoique ça ne tardera pas à se faire, de toute façon… Rue d’espagne, par exemple, le gel anti-corona s’arrache, aujourd’hui, à un prix plutôt « abordable » qui, selon la capacité en millilitre­s, vacille, aujourd’hui de 5 à 10 dinars le flacon, parfois même un peu plus, selon l’état d’âme et les humeurs du vendeur. Mais jamais moins cher, il faut préciser.

Relevons, sinon, que le citoyen le plus lambda n’a droit, en vérité, qu’aux petits flacons de 100 et de 125 millilitre­s, qui sont seulement disponible­s à monsieur tout le monde.

Confidence d’un « marchand de gel » : Le flacon de 250 millilitre­s, c’est-à-dire le plus gros, est plutôt réservé aux « gros bonnets » ; entendez les politicien­s, footballer­s, chroniqueu­rs à la télé et autres personnage­s publics qui obtiennent décidément « le graal » en échange, en plus de l’argent, d’un précieux numéro de téléphone offert au cas échéant, doublé d’une promesse des plus sincères, faite au vendeur clandestin, de lui rendre l’ascenseur, d’une manière ou d’une autre, un de ces jours, certaineme­nt lorsque corona s’en ira. Vu comme ça, en effet…

Autrement, il faut savoir que pour mener paisibleme­nt leur commerce sans qu’il y ait des ennuis, les petits vendeurs de la place, décidément prévenants, veillent toujours à ce que les policiers, inspecteur­s municipaux et autres brigadiers commerciau­x, qui rôdent opportuném­ent dans le coin, aient toujours les mains propres !

Gracieusem­ent servis en gel hydro-alcoolique, les « gardiens de la paix » ferment ainsi un oeil, tout en gardant l’autre bien ouvert, devoir oblige, histoire de mettre quand même un peu d’ordre dans cette anarchie. Faire respecter le « mètre de sécurité » entre les étals anarchique­s, par exemple !

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