Lignes Révélatrices
Sous l’intitulé Lignes Révélatrice, Safa Attyaoui expose à la chapelle Sainte Monique à l’institut des Hautes Etudes Commerciales à Carthage. De lignes en fil, de fil en aiguille, elle montre une série de dessins figuratifs, des personnages sur des ardoises d’écolier. Les oeuvres révèlent- elles ses expériences vécues ?
« Depuis mon enfance, j’ai toujours dessiné » nous apprend la jeune artiste Safa Attyaoui. Elle expose à la chapelle Sainte Monique de l’institut des Hautes Etudes Commerciales (IHEC) de Carthage jusqu’au 28 du mois, pourquoi L’IHEC ? Simplement parce que Fatma Kilani, passionnée d’art, mécène et responsable de la galerie La Boite à la Charguia y enseigne et, quand l’occasion se présente, elle fait exposer de jeunes artistes dans cet espace estudiantin, où les rencontres et les discussions sont fréquentes et profitables. Attyaoui, est née en 1990 à Tunis, elle a participé à des expositions collectives et des résidences artistiques ( Centre d’arts vivants à Radès, Jiser Réflexions Méditerrànies et la résidence à l’atelier d’issoudun en France où elle s’est initiée à plusieurs médiums). Elle a développé depuis une recherche artistique articulée autour de la mémoire, la trace et la construction identitaire. L’argument de ses expériences est de « questionner les rapports qui lient l’homme à son entourage, et le rôle de ceux-ci dans la construction de l’identité individuelle et collective ». A la lumière d’une discussion, l’artiste montre une capacité intellectuelle et artistique qui lui permet aisément d’expliquer et partager l’argument qui fonde ses oeuvres.
Ses travaux, pour la plupart de petites dimensions tapissent les murs de la chapelle, des dessins au crayon, au feutre à la pointe fine, des ardoises d’écolier qui nous replongent dans l’enfance, des dessins de personnages dont les boyaux sont découverts, d’autres figures filiformes croqués spontanément, sans préparation ni mise en forme. Des collages en petit format, des feuilles arrachées à de vieux carnets jaunis, où l’on voit des personnages dessinés ou collés, avec ou sans les détails, dans des différentes positions. Ici un homme retient une marguerite en bouche, les mains en direction d’un oiseau au coin de la surface, là, un autre homme, courbé porte des lunettes, tenant d’une main un parapluie, de l’autre un dossier ; un seul nuage au ciel nu. Un ou deux nuages tramés sont omniprésents dans plusieurs dessins, une forme de « marque de fabrique » de l’artste. Les ardoises d’écolier sont du même format ( 10 X 28) cadre en bois neuf, la surface est en damier de couleur rouge- brun (Laque de Chine) et noire, tous les travaux sont « façonnés » par des techniques mixtes. Où l’on rencontre deux personnages, courbés sur une table, ils se frottent les cheveux à la recherche d’une solution, ils réfléchissent méditant sur un sujet , le titre est l’équation ; sur une autre ardoise un scientifique en blouse blanche, lunettes, sourire, cheveux abondants, la tête trop grosse, disproportionnée par rapport à son corps, de la main il tient une carafe sur une table, au dessus de sa tête une pomme de douche, accrochée à un nuage grillagé déverse des gouttes blanches.
Sur des vieux papiers jaunis, Safa exécute des sujets apparemment simples, qui nous rappellent des dessins de presse : un homme seul assis, en face une chaise vide, une longue table, deux assiettes un verre minuscule (Indépendance) ; une femme en body rouge, double visage, des deux mains elle tient un porte-manteaux en guise de barre de gymnastique ( Le grand saut) et tout est l’avenant.
« Dessiner, découper, coller, broder…il s’agir de procédés qui me permettent de récupérer des morceaux de ma mémoire », écrit Safa dans le catalogue de l’exposition. De fait, elle transpose son trait du stylo, du crayon à la ligne et au fil, de celui-ci à l’aiguille ; il n’y a qu’une étape que l’artiste dépasse allégrement. Et nous voilà, déplacés de la ligne du dessin à la tapisserie. Ce déplacement, nous raconte Safa, vient d’une expérience assez enrichissante, « je me trouvais en train d’attendre le bus qui tarde toujours à venir en Tunisie, j’ai pensé alors qu’à chaque fois que j’allais prendre le bus, je prendrais mes aiguilles et ma pelote de maille et me mettre à broder…d’où la relation organique entre l’attente et la broderie ». En fin de course, les visiteurs verront aux côtés des dessins, ébauches de jeu de maille. Ce qu’on constate dans ce passage de la ligne au fil est la cohérence évidente de la démarche de Attyaoui..