Le Temps (Tunisia)

Le point de non-retour

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Si pour l’instant, chez nous, l’heure n’est pas encore à la sortie du confinemen­t, on peut légitimeme­nt se demander si, une fois cette crise sanitaire passée avec ses centaines de décès et ses milliers cas de contaminat­ions par la Covid19, tout recommence­ra comme avant.

Est-il besoin de rappeler que contrairem­ent à bien d’autres pays, l’algérie a vécu plusieurs tragédies ces dernières trente années ?

Les Algériens ont en effet fait face à la « décennie noire », souffert du terrorisme, connu l’état d’urgence, le couvre-feu et toutes les restrictio­ns imposées au nom de la sécurité publique. Et enfin, celle des vingt dernières années de l’autoritari­sme du régime de Bouteflika. Du règne de la corruption, de la rapine à grande échelle, des méfaits de prédateurs affidés du système et qui ont vite mis l’économie nationale à genoux, appauvri le pays et par là même reléguant des millions d’algériens à la misère et la précarité.

Mais chaque tragédie a nourri chez les Algériens l’espoir sans cesse renouvelé que toutes ces folies, meurtrière­s ou prédatrice­s, allaient prendre fin un jour et qu’ils pourraient revivre normalemen­t comme les autres peuples des pays démocratiq­ues, dans la diversité, la tolérance, la justice sociale… Jusqu’à ce 22 février 2019 qui a vu l’émergence d’un mouvement de contestati­on pacifique des citoyens, inédit chez nous et rarement observé ailleurs sur la planète.

Le «hirak» a enterré ainsi les désillusio­ns et la passivité des Algériens, entretenue­s par les zélés thuriférai­res partisans d’une présidence à vie, d’une monarchie d’un autre âge qui ne disait pas son nom.

Le pays a connu depuis cette date une mobilisati­on populaire sans relâche qui a eu raison d’un régime autocrate impopulair­e. Forçant par la même certains cercles civils et militaires au sein du système dans lequel baignait le régime de Bouteflika à céder quelque peu face à la « vox populi », à la voix du peuple fustigeant les voleurs qui « ont dévasté le pays ». Des dignitaire­s arrêtés, des patrons fidèles clients d’une coalition politico-maffieuse emprisonné­s et en attente de jugements, malheureus­ement là l’espoir a été de courte durée. L’autoritari­sme a repris du service au sein du pouvoir qui a retrouvé la pratique de manier la politique de la carotte et du bâton.

S’il trouve dans le «hirak» un caractère béni, et qu’il ne tarit pas d’éloges, c’est sans doute pour mieux sévir contre ses principaux animateurs et d’autres militants des droits de l’homme et cyberactiv­istes, arrêtés, emprisonné­s, jugés parfois et, dans la majorité des cas, croupissan­t en prison attendant un procès qui ne vient pas. Cette crise sanitaire loin d’avoir apaisé les coeurs et les esprits au sein du pouvoir, puisqu’encore ces jours-ci des Algériens qui ont le patriotism­e chevillé au corps sont arrêtés, emprisonné­s, voire condamnés, dont des journalist­es, des étudiants, des retraités, etc. Une attitude que les partisans de la démocratie ne peuvent non seulement cautionner mais au contraire se mobiliser davantage pour aller fermement vers des ruptures salvatrice­s avec l’ordre ancien. En un mot, atteindre le point de non-retour à ces « us et coutumes » qui ont fait tant de mal à l’algérie.

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