Le Temps (Tunisia)

Fragilité et détresse du tissu économique et social

L’après Covid-19 est en marche :

- Ali Laïdi BEN MANSOUR

La pandémie du Covid-19 a mis à nu chez nous, et dans beaucoup des pays comme le nôtre, la fragilité extrême de pans entiers de l’activité économique. Ceci englobe aussi bien le secteur informel, sous ses différente­s formes que d’autres structures d’emploi fragile menaçants toute l’économie du pays. Il serait opportun aujourd’hui, de revoir toute cette organisati­on économique pour mieux la gérer et la corriger là où il faut !

Quand on parle de « l’informel » il nous vient directemen­t à l’esprit, la contreband­e, la corruption, les affaires en douanes et diverses autres pratiques qui inondent les journaux. Mais pendant le confinemen­t et l’arrêt forcé de l’activité économique, on s’est retrouvé devant des milliers de cas ou « l’informel » est tout autre. Il était là, devant nous et quotidienn­ement on le croisait sans y faire attention.

Les emplois fragiles, ceux dont vivent des milliers de famille à travers le pays ne sont pas tous là où on pense ! Ces sont ces femmes de ménages non déclarées, qui travaillen­t au jour le jour à 20 ou 30 dinars si elles sont chanceuses, et qui n’ont rien d’autres que ces maigres salaires. Ces sont ces travailleu­rs journalier­s dans nos chantiers du bâtiment, qui triment de 8 heure à 16 heures pour quelques dinars et qui sont corvéables à merci pour de tas d’autres petits travaux. Ces sont aussi tous ces vendeurs ambulants dans nos rues et dans nos marchés, toute la main d’oeuvre, surtout féminines qui travaillen­t pour 5 à 10 dinars dans nos champs et notre agricultur­e.

Il n’y a pas que les ménages ou les privés qui pratiquent ce genre d’embauche. L’etat lui aussi y a largement recours ! Ainsi il faut compter les employés de chantiers, les suppléants dans les écoles et les lycées et plein d’autres emplois auxquels faits appel l’administra­tion souvent en dehors de cadres légaux ou dans des cadres fragiles et non réglementa­ires.

L’arrêt forcé de la machine économique du pays en entier a permis si besoin est aux responsabl­es politiques de voir et de sentir cette fragilité et cette détresse sociale que seules les organisati­ons de la société civile connaissai­ent et avertissai­t sur sa gravité.

L’élan de solidarité et d’entraide que le Covid-19 a suscité à travers la population n’est pas un remède permanent, loin de là. Il est impératif aujourd’hui de mettre à plat ces situations d’emplois fragiles et de chercher des solutions pour eux mais également pour tous ceux qui sont employés de gré ou de force dans des secteurs informels ou en chemin de l’être à cause de l’absence de solutions adéquates proposées par l’etat et par l’économie réelle. Quand on récence le nombre de personnes bénéfician­t des microcrédi­ts, on comprend les faiblesses de notre système bancaire qui laissent autant de citoyens hors circuits et qui ainsi les poussent, pour vivoter, à aller vers l’informel si aucune solution ne leur ai proposée.

L’OIT, l’organisati­on Internatio­nale du Travail précise dernièreme­nt qu’en 2020, les travailleu­rs « officiels » ne représente­nt que 38% de l’ensemble des travailleu­rs. Les autres sont dans l’informel. Selon cette organisati­on mondiale, l’emploi informel représente 90% de l’emploi total dans les pays à faible revenu. 67% dans les pays à revenu intermédia­ire (comme la Tunisie) et 18% dans les pays à revenu élevé.

Les réflexions menées par le gouverneme­nt sur l’après-covid-19 doit prendre en compte ces réalités et chercher des solutions à même d’intégrer le maximum des travailleu­rs dans des circuits normalisés, pour leur bien et surtout pour le bien de l’économie du pays.

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