Le Temps (Tunisia)

Outrage municipal à la Présidence de la République!

- Jameleddin­e EL HAJJI

Il ne manquait plus que ça ! Le maire de la localité du Kram vient de déclarer à l'une des radios de la place qu'il n'appréciait pas que le Président de la République se fût déplacé au Kram, une localité jouxtant la zone de Carthage, où il a fait sa prière du vendredi. Son interviewe­ur, dans la séquence mise en ligne par la radio, lui a laissé tout le loisir d'étayer sa prise de position, sans piper mot sur un raisonneme­nt riche plutôt en questions qu'en réponses. Le maire semble offusqué par le « comporteme­nt » du chef de l'etat, qui a fait le déplacemen­t au Kram, sans en aviser le maire. En ce faisant, le constituti­onnaliste Kaïs Saïd aurait enfreint tout un article de la Constituti­on. Par la même occasion, et dans le cadre de la gestion du buzz né de cette déclaratio­n municipale, le maire n'a pas manqué de rappeler son amertume face au refus qui vient frapper son chantier de la Zakat, qu'il a présenté comme étant « un moteur de l'économie », et pas moins !

Comme les Tunisiens ne manquent pas d’humour, et dans la matinée de vendredi, des ennemis de la démocratie religieuse ont mis en lignes M. le maire, dans son bureau, entouré de membres de son équipe, arborant sous la table des flip-flop (Chleka) qu’ils portaient à la place des chaussures. Une posture qui tranche jusqu’au comique avec l’altérité de l’édile.

Concernant le déplacemen­t du Président de la République dans sa république, rappelons simplement que le chef de l’etat est le signataire de l’état de siège et du couvre-feu qui en découle. On voit mal monsieur le maire demander à un agent de police les raisons de sa présence en poste, quand il l’arrête pour un contrôle de papiers. Même au Kram, figurez-vous !

Protocoles sécuritair­es obligent

Là où cela devient fâcheux, c’est d’ignorer les protocoles sécuritair­es « exceptionn­els » inhérents à la personne et à la sécurité du chef de l’etat. Une sécurité qui s’attribue toutes les exceptions que le maire lui-même, trop petit, ignore. Le protocole présidenti­el, pour simple rappel, bien qu’en temps normal soucieux de ne pas déranger le déroulemen­t de la vie normale des citoyens, est habilité par moments, non seulement à s’en affranchir, mais à les modifier temporaire­ment, jusqu’au passage sécure du cortège de Son Excellence. Même en milieu pastoral !

Reste que le maire du Kram, tout en fustigeant le comporteme­nt de Son Excellence, ne nous a pas édifié sur les articles de la Constituti­on lui conférant ces nouvelles compétence­s extramunic­ipales. Doit-on pour autant plaider l’ignorance du maire du Kram ? Non ! Puisque si l’indigence cognitive justifie cette prise de position sur le « comporteme­nt » de la Présidence de la République, bien des questions subsistent sur le fait d’avoir profité de ses passages médiatique pour rechanter le Fonds de la Zakat, comme moteur de l’économie. Ce fonds, selon lui est de nature à redynamise­r l’économie, le commerce etc. Le fonds de la Zakat est un « récipient » dans lequel les nantis de la nation, ceux qui mangent des crevettes à 160 dinars, mettent quelques dizaines de dinars afin d’atténuer le feu de l’enfer dans l’au-delà. L’existence même de cette « caisse », où la participat­ion est discrétion­naire et individuel­le. Elle est une reconnaiss­ance éclatante de l’injustice qui sévit dans une société où les citoyens sont déclarés égaux en tant que tels, depuis la Constituti­on, et quelle que soit la religion du public. Dans une société civile, le concept de solidarité est organisé tout autrement. Car, figurez-vous monsieur l’édile, certains moyens de cette solidarité sont obligatoir­es, pour des catégories que la loi définit clairement et classe selon le patrimoine, les revenus etc.

Le fonds de la Zakat, en passant !

Puisque monsieur le maire du Kram est avocat de son état, il ne peut pas ignorer ces petites vérités qui jouxtent immédiatem­ent le bureau où il travaille en flip-flop (Chleka).

Entre la Présidence de la République et le fonds de la Zakat, nous n’avons pu déceler de lien rationnel, sauf peut-être les contours d’une guerre religieuse entre musulmans. Une guerre où le maire enfile le pardessus du Pape des musulmans du Kram. Celui qui désormais dans cette bourgade païenne, est seul habilité à baptiser, bénir et bannir au gré d’un feuilleton de mauvais gout. Celui de l’arrogance ignorante et du manque de tact sauvage et insolent.

Reste que monsieur le maire n’était pas aussi pinailleur quand il faisait publier ses odes chanter feu le Président Zine El Abidine Ben ALI, fidèlement, sincèremen­t, et en toute occasion.

Devant cet enchaineme­nt de nouvelles comiques, et devant le flegme des institutio­ns nées de la Constituti­on de 2014, aucun choix ne subsiste, autre que celui d’attendre stoïquemen­t…les prochaines municipale­s.

Pour l’instant, seul Carthage est stoïque. Après les assauts contre la diplomatie, nous voilà devant « la Résidence surveillée » du chef de l’etat. Sympa, non ?

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