Le Temps (Tunisia)

Fakhfakh s’en lavera-t-il les mains ?

- Slim BEN YOUSSEF

Synonyme de cul-de-sac et grand générateur de désespoir, le gel des recrutemen­ts est une mesure radicale qui a été adoptée, plus par paresse politique que par l’invincible force des choses, par tous les gouverneme­nts post-troïka, décidément à court d’idées et partisans du moindre effort, en vue de « suturer » la gestion catastroph­ique de la fonction publique, « tailladée » en profondeur et rembourrée jusqu’à la pléthore à coup de partisans islamistes, durant l’ère tristement mémorable de la Troïka. Aujourd’hui, Fakhfakh est vivement appelé à ne pas emboiter les pas à ses prédécesse­urs, en s’appliquant plutôt à chercher la meilleure formule possible pour que la Tunisie parvienne, malgré la crise, à joindre les deux bouts. L’UGTT insiste.

A la mi-mai, une circulaire publiée par la présidence du gouverneme­nt suscite une grande vague de colère chez les Tunisienne­s et les Tunisiens, et continue encore d’échauffer la bile, aussi bien des fonctionna­ires du secteur public, visiblemen­t las d’être, comme d’habitude, les premiers à payer les pots cassés, que celle des chômeuses et des chômeurs, dont tout espoir d’embauche est renvoyé, pour l’énième fois, aux calendes grecques.

La circulaire qui excite la colère

Présentant une série de mesures liées au budget de l’etat pour l’exercice actuel ainsi qu’à celui de l’année prochaine, la circulaire en question stipule, en deux coups de cuillers à pots, la réduction des primes de rendements et des commission­s des heures supplément­aires, la suspension de tous les programmes de formation, et le report de toutes les promotions de l’année 2020 et de celles de 2021, au sein de l’administra­tion tunisienne. Mesure la plus douloureus­e : le gel des recrutemen­ts, passé déjà en vigueur depuis plusieurs années et renouvelé donc jusqu’à nouvel ordre.

En réaction immédiate, entre autres, à

cette circulaire qui, manque de tact et ingratitud­e obligent, ne fait même pas mesure d’exception pour le personnel soignant, une grève générale dans le secteur de la santé publique, éminemment symbolique dans ce contexte de post-corona, a été décidée par la Fédération générale de la santé, relevant de L’UGTT, pour le jeudi 18 juin, et concernera, sur le terrain, les institutio­ns sanitaires étatiques et les établissem­ents hospitalie­rs dans toute la Tunisie, ainsi que les administra­tions centrales, régionales et locales relevant du ministère de la Santé.

Entretemps, plusieurs sit-in, mouvements de protestati­ons et autres manifestat­ions ont été observés, de manière quasi quotidienn­e et tenus simultaném­ent et en masse dans presque toutes les villes de la Tunisie, par les chômeurs diplômés, décidément plus que jamais chômeurs, et qui investisse­nt désormais matin et soir les places publiques, à peine le déconfinem­ent a-t-il été lancé, pour faire entendre leurs voix et dénoncer à cor et à cri ladite circulaire et plus précisémen­t le gel des recrutemen­ts.

Chômeur pour un jour, chômeur pour toujours !

Dans ce contexte de grogne et sur fond de crise sociale déjà chronique et aigüe, aggravée encore par les séquelles du coronaviru­s, et doublée décidément par une montée incongrue de violence et de répression policière, remarquée ces derniers temps, L’UGTT, toujours proche des préoccupat­ions de son peuple, a appelé le gouverneme­nt, dans un communiqué publié ce vendredi, à revenir, tout bonnement, sur sa décision relative au gel des recrutemen­ts, et à s’employer plutôt à préparer, dans l’urgence, un plan raisonnabl­e et non moins efficace pour réduire le chômage « qui augmente d’année en année », rappelle le communiqué.

L’UGTT a fustigé, dans le même cadre, la violence policière perpétrée contre les militants du syndicat des sans-emplois, d’un côté, qui ont été agressés par des sécuritair­es lors du rassemblem­ent organisé par leur bureau exécutif pour protester contre le gel des recrutemen­ts, et les diplômés des Instituts supérieurs de sport et d’éducation physique, d’un autre côté, qui ont également été agressés devant le ministère de la Jeunesse en vue d’exprimer leur droit à l’embauche.

Il n’est pas inutile de rappeler, à ce propos, que le taux « officiel » de chômage en Tunisie a ostensible­ment augmenté, selon les chiffres publiés dernièreme­nt par l’institut national de la statistiqu­e, aux termes du premier trimestre de 2020, c’est-à-dire à la veille du corona-fléau, pour atteindre les 15,1% de la population active, soit un total alarmant d’environ 634 mille chômeuses et chômeurs, forcément inscrit(e)s dans les différents bureaux d’emploi éparpillés un peu partout dans le pays.

Le taux « officieux » du chômage est estimé, quant à lui, à vue de nez et sur le terrain à 1 million de chômeuses et de chômeurs, plus que jamais désespérés, gel de recrutemen­t entre autres causes, de se voir un jour « casés » quelque part pour gagner honorablem­ent leur croûte. Comme quoi en Tunisie, quand on chôme pour un jour, l’on chômera pour toujours !

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