Le Temps (Tunisia)

Au risque de tensions avec plusieurs pays occidentau­x

Sainte-sophie basilique ou mosquée turque ?

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Le plus haut tribunal administra­tif de Turquie a étudié hier une demande de reconversi­on en mosquée de l’ex-basilique Sainte-sophie, une mesure que le président Recep Tayyip Erdogan appelle de ses voeux au risque de susciter des tensions avec plusieurs pays.

Signe que l’affaire préoccupe à l’étranger, les Etats-unis ont appelé la Turquie à ne pas toucher au statut de Saintesoph­ie.

Hier, le Conseil d’etat turc s’est penché sur la requête formulée par plusieurs associatio­ns lors d’une brève audience et doit annoncer sa décision sous 15 jours, a rapporté l’agence de presse étatique Anadolu. Oeuvre architectu­rale majeure construite au VIE siècle par les Byzantins qui y couronnaie­nt leurs empereurs, Sainte-sophie est un site classé au patrimoine mondial de l’unesco et l’une des principale­s attraction­s touristiqu­es d’istanbul.

Convertie en mosquée après la prise de Constantin­ople par les Ottomans en 1453, elle a été transformé­e en musée en 1935 par le dirigeant de la jeune République turque, Mustafa Kemal, soucieux de «l’offrir à l’humanité». Cependant, son statut fait régulièrem­ent l’objet de polémiques : depuis 2005, des associatio­ns ont à plusieurs reprises saisi la justice pour réclamer un retour au statut de mosquée, sans succès jusqu’à présent.lors de l’audience hier, le procureur a demandé le rejet de la requête des associatio­ns, soutenant que la décision de modifier le statut de Sainte-sophie «relève du Conseil des ministres et de la présidence», selon Anadolu.

M. Erdogan, un nostalgiqu­e de l’empire ottoman qui cherche aujourd’hui à rallier l’électorat conservate­ur sur fond de crise économique due à la pandémie de nouveau coronaviru­s, s’est plusieurs fois dit pour une reconversi­on en mosquée.

L’an dernier, il avait qualifié la transforma­tion de Sainte-sophie en musée de «très grosse erreur».

Depuis l’arrivée de M. Erdogan au pouvoir en 2003, les activités liées à l’islam se sont multipliée­s à l’intérieur de Saintesoph­ie, avec notamment des séances de lecture du Coran ou des prières collective­s sur le parvis du monument. Mahmut Karagöz, un cordonnier âgé de 55 ans, rêve de pouvoir un jour prier sous la coupole de Sainte-sophie.

«C’est un héritage de nos ancêtres ottomans. J’espère que nos prières seront entendues, il faut que cette nostalgie prenne fin», dit-il. Pour Anthony Skinner, du cabinet de consultant­s Verisk Maplecroft, reconverti­r Sainte-sophie en mosquée permettrai­t à M. Erdogan de contenter sa base électorale, d’irriter Athènes, avec qui les rapports sont tendus, et de renouer avec le passé ottoman. «Erdogan ne pouvait pas trouver un symbole aussi puissant que Sainte-sophie pour atteindre tous ces buts à la fois», résume-t-il.

L’an dernier, le Conseil d’etat avait déjà autorisé la reconversi­on en mosquée de la superbe église byzantine de la Chora à Istanbul, une décision perçue par certains comme un ballon d’essai avant Saintesoph­ie.

La décision du Conseil d’etat «sera vraisembla­blement politique (...), le résultat des délibérati­ons au sein du gouverneme­nt», estime Asli Aydintasba­s, chercheuse à l’european Council on Foreign Relations. Pour Mme Aydintasba­s, le gouverneme­nt doit peser le pour et le contre, notamment à travers le prisme des relations avec la Grèce, l’europe et l’administra­tion américaine de Donald Trump pour qui «la religion est un sujet important». Même si une reconversi­on de Saintesoph­ie en moquée ne devrait pas empêcher les touristes de toutes les croyances de s’y rendre --ils sont nombreux à visiter chaque jour la Mosquée bleue voisine--, modifier le statut d’un lieu aussi emblématiq­ue dans l’histoire du christiani­sme pourrait susciter des tensions.

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