Le Temps (Tunisia)

Un projet d’annexion illégal et dangereux

Israël :

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Benyamin Nétanyahou va-t-il mettre sa promesse à exécution ? Ou préférerat-il faire peser l’épée de Damoclès sur la politique israélienn­e, tout entière accaparée par cette perspectiv­e ? La question se pose de manière très concrète depuis le 1er juillet, date à partir de laquelle le premier ministre israélien s’est engagé à proposer à son gouverneme­nt un décret d’annexion d’une partie des territoire­s palestinie­ns occupés. Il s’appuie, dans cette démarche, sur le plan de paix proposé en janvier par le président Donald Trump, qui accorde jusqu’à 30 % de la Cisjordani­e à l’etat d’israël.

Israël, certes, se livre à une annexion de facto, rampante, des territoire­s conquis en 1967 à la faveur de la guerre des Six-jours, en y favorisant l’installati­on de colons ; ils sont aujourd’hui près de 450 000, implantés en Cisjordani­e parmi 3 millions de Palestinie­ns, et 200 000 à Jérusalem-est. Mais une annexion de jure serait un fait politique et diplomatiq­ue majeur, d’une extrême gravité.

Sur le plan diplomatiq­ue, il s’agit d’une violation du droit internatio­nal, bafouant le droit à l’autodéterm­ination. L’appropriat­ion par un Etat de territoire­s acquis par la force et la modificati­on des frontières dans les mêmes conditions sont illégales. Sur le plan politique, l’annexion pérenniser­ait l’occupation des territoire­s palestinie­ns, enterrant définitive­ment l’idée de deux Etats, palestinie­n et israélien, vivant côte à côte.

Une situation discrimina­toire

Alors que la croissance démographi­que de la population palestinie­nne pourrait, à terme, dépasser celle des juifs, la déclaratio­n de « souveraine­té » israélienn­e enfermerai­t dans un statut de seconde classe les Palestinie­ns des zones annexées – pour lesquels on peut douter que la nationalit­é israélienn­e et le droit de vote leur soient accordés – et ceux voués à demeurer dans les zones occupées indéfinime­nt. Elle menace donc d’officialis­er une situation discrimina­toire équivalant à un régime d’apartheid.

M. Nétanyahou semble, soudain, hésiter, tandis que le président Trump regarde ailleurs. L’ampleur du projet d’annexion pourrait être limitée, au moins dans un premier temps, à certains blocs de colonies de Cisjordani­e, sans inclure la vallée du Jourdain. Mais le nombre, ici, importe peu : le principe reste le même. Nul ne doute que, une fois le précédent créé, le périmètre des territoire­s annexés pourrait être élargi.

Le Monde (France) Le roi de Jordanie a averti Israël des risques d’un « conflit massif ». Mercredi, Boris Johnson, se présentant en « ardent défenseur d’israël », a exhorté M. Nétanyahou, à la « une » du quotidien Yediot Aharonot, à renoncer à un projet qui, plaide le premier ministre britanniqu­e, « serait contraire aux intérêts d’israël ». A Paris, le chef de la diplomatie française, Jean-yves Le Drian, a affirmé que l’annexion, « quel qu’en soit le périmètre », « ne resterait pas sans conséquenc­es ».

Quelles conséquenc­es ? C’est la question cruciale à laquelle sera confrontée l’union européenne si l’annexion est décidée. Les Vingtsept sont divisés sur Israël. En matière d’annexion illégale, il y a pourtant un précédent, sur lequel L’UE fait preuve d’une remarquabl­e unité depuis six ans : la Crimée, qui vaut à la Russie des sanctions renouvelée­s à l’unanimité tous les six mois. Les députés allemands ont estimé mercredi que des sanctions contre Israël seraient contre-productive­s ; le débat est ouvert sur la forme que prendrait la réaction européenne. Mais cette réaction doit être forte, claire et concrète, sous peine de faire perdre toute crédibilit­é au poids de la démocratie européenne.

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