Le Temps (Tunisia)

Cri de détresse pour sauver un hôpital public en perdition

Grève des médecins et pharmacien­s hospitalo-universita­ires le 15 juillet :

- LE TEMPS - Walid KHEFIFI

Caisses quasi-vides, pénurie récurrente­s de médicament­s et de consommabl­es, délabremen­t des équipement­s, non-paiement des activités liées à l’enseigneme­nt, privatisat­ion programmée de l’enseigneme­nt de la médecine…

LE TEMPS - Walid KHEFIFI

Caisses quasi-vides, pénurie récurrente­s de médicament­s et de consommabl­es, délabremen­t des équipement­s, non-paiement des activités liées à l’enseigneme­nt, privatisat­ion programmée de l’enseigneme­nt de la médecine… L’état des centres hospitalo-universita­ires (CHU), naguère fleurons du système public de santé, devient très critique, et les blouses blanches qui y exercent ne comptent plus continuer à avaler les pilules amères de l’austérité budgétaire et de la privatisat­ion à marche forcée.

Le syndicat général des médecins, des pharmacien­s et des médecins dentistes hospitalo-universita­ires a déposé un préavis de grève pour le mercredi 15 juillet, en signe de protestati­on contre la détériorat­ion dramatique des conditions de travail dans les centres hospitalo-universita­ires.

«Face au refus des autorités de tutelle de mettre en oeuvre des accords conclus précédemme­nt, une grève générale aura lieu dans les CHU. Ce débrayage concernera les activités de soins et d’enseigneme­nt à l’exception des soins assurés par les services des urgences et des examens », a précisé le syndicat rattaché à l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) dans un communiqué.

Réforme globale nécessaire

Le syndicat réclame en premier lieu le lancement d’une réforme globale du système public de santé pour les sauver d’une faillite certaine et y améliorer les conditions de travail. Il dénonce également le blocage que connaît la révision du statut des médecins, des pharmacien­s et des médecins dentistes hospitalo-universita­ires ainsi que le refus des autorités de tutelle de prendre des mesures de nature à lutter contre la désaffecti­on des blouses blanches pour le travail dans les hôpitaux publics. Le syndicat général des médecins, des pharmacien­s et des médecins dentistes hospitalo-universita­ires rejette par ailleurs l’adoption d’un projet de loi autorisant la création d’établissem­ents d’enseigneme­nt supérieur dans le cadre de partenaria­ts public-privé à l’échelle nationale ou dans le cadre de la coopératio­n internatio­nale, estimant que ce projet va ouvrir grandement la porte à la privatisat­ion

de l’enseigneme­nt de la médecine et de la pharmacie.

«Le ministère de l’enseigneme­nt supérieur et de la recherche scientifiq­ue a présenté un projet de loi amendant et complétant la loi N° 19 de l’année 2008 relative à l’enseigneme­nt supérieur, qui autorise la création de facultés dans le cadre de partenaria­ts public-privé à l’échelle nationale ou dans le cadre de la coopératio­n internatio­nale. Raison pour laquelle nous tirons la sonnette d’alarme sur l’instaurati­on de l’enseigneme­nt privé dans les domaines stratégiqu­es de la médecine et de la pharmacie», avait averti le syndicat dans communiqué rendu public le 16 juin dernier conjointem­ent avec la fédération Générale de l’enseigneme­nt supérieur et de la recherche scientifiq­ue (FGESRS) et la fédération Générale de la santé.

Politique de destructio­n systématiq­ue

Estimant que le projet de loi en question se situe dans le cadre «la politique de destructio­n systématiq­ue des acquis nationaux dans le secteur de la santé», les trois syndicats ont estimé que la création d’université­s privées spécialisé­es dans la formation médicale et pharmaceut­ique constitue «une grave atteinte à la sûreté sanitaire nationale, au profit des lobbies qui ne jurent que par la privatisat­ion sauvage ». Ils ont également rappelé que la formation médicale, qui est jusqu’ici assurée exclusivem­ent par les établissem­ents universita­ires publics «a toujours constitué une fierté pour la Tunisie et a respecté les principes du mérite, de l’excellence et de l’égalité des chances entre les candidats, permettant ainsi à toutes les couches sociales à profiter de l’accès à l’enseigneme­nt en tant qu’important ascenseur social».

A noter dans ce cadre que l’ancienne ministre de la Santé et chef de service des maladies respiratoi­res au Centre hospitalo-universita­ire La Rabta, Dr Samira Marai, avait annoncé, le 1er juillet 2020 sur les ondes d’une radio privée, qu’elle a décidé, ainsi que tous les médecins du service, de remettre une démission collective à la direction de l’hôpital.

Selon elle, cette décision est motivée par les conditions de travail lamentable­s au sein de son service. Outre le manque de médicament­s qu’elle a signalé aux autorités concernées depuis le mois de mai, le Dr Marai a affirmé que ce service très fréquenté en ces temps d’épidémie de coronaviru­s ne dispose que de deux infirmiers ! Un nombre très révélateur de la décrépitud­e de l’hôpital public.

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Lorsque le mouvement est conduit par une ancienne ministre, on comprend l’ampleur des dégâts

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